Les masses de la révolution soudanaise ont remporté une victoire aujourd’hui après quatre mois de manifestations quasi permanentes pour imposer l’éviction du président déchu Omar Al Bashir. Al Bashir a rapidement vacillé dès lors que les manifestations sont reparties – lui qui lors de la première vague de manifestations, qui avaient un peu décliné, avant de repartir de plus belle - avait gardé un discours qui semblait cohérent, l’affirmation de la cohésion de son régime passant par son insistance à s’adresser aux masses à un rythme quasi quotidien.
Les femmes ont joué un rôle clé, elles qui sont exposées à la flagellation pour toutes sortes de raisons, y compris pour le fait de se vêtir d’une manière considérée par la régime comme non « islamique », au point d’incarner la révolution entière à travers des « icônes » féminines dans un pays où le régime a utilisé à plusieurs reprises l’arme du viol contre les tribus hostiles à son autorité.
En dépit de la déception engendrée par la déclaration du ministre soudanais de la Défense, qui a annoncé aujourd’hui qu’un conseil militaire de transition allait gérer le pays pendant deux ans, imposant l’état d’urgence et un couvre-feu, rappelant la crainte de défaites vécues qui ont marqué le destin de la révolution égyptienne, les masses soudanaises et l’Association des Professionnels Soudanais, - qui est la locomotive du mouvement révolutionnaire -, ont refusé la déclaration en des termes qui ne laissent aucune illusion quant à la feuille de route de l’armée. L’Association des Professionnels a appelé les masses à rester et à protéger la révolution, ce qui traduit le niveau de conscience du conflit en cours en tant que lutte contre un régime islamo-militaire, - et pas seulement pour éliminer la tête du régime -, de manière à chasser la déception et ouvrir grandes les portes de l’espoir.
De plus, l’Association des Professionnels soudanais a publié une déclaration anticipant la celle du ministre de la Défense, mettant en garde contre une tentative de renverser la révolution. Cette conscience ne reflète pas seulement une bonne lecture de la scène soudanaise, mais également une lecture en profondeur de la réalité arabe environnante et du rôle des armées dans l’avortement de la révolution en Égypte et en Syrie. C’est la même conscience qu’il nous a été donné de voir ces derniers jours en Algérie lors de la grande révolution contre le président Abdelaziz Bouteflika et tous ses hommes sous le slogan « Yetnahaw Gaa ! » - une expression algérienne dialectale qui signifie « qu’ils s’en aillent tous » - soit le refus de voir un des piliers du système Bouteflika gérer le pays ou superviser la phase de transition jusqu’à la passation du pouvoir après les élections prévues.
Néanmoins, la révolution est confrontée à des périls imminents, en premier lieu, les conspirations des régimes arabes hostiles à tout changement démocratique, à toute occupation de la rue, voire même à l’espoir - tout espoir - d’un avenir dessiné par ses fils, ainsi le régime égyptien aux frontières du nord du Soudan, les dynasties régnantes en Arabie Saoudite et les Émirats qui financent la contre - révolution en Égypte.
Les dangers sont imminents, néanmoins les possibilités restent ouvertes, non seulement pour les Soudanais, mais également pour les peuples de la région, qui retiennent leur souffle en ce moment en attendant que se joue le sort du Soudan. La victoire attendue pourrait être annonciatrice de victoires successives en Algérie, au Maroc, en Égypte et ailleurs.
Jeudi 11 Avril 2019
Socialistes révolutionnaires