C’est le paradoxe du week-end : alors que les militants antilibéraux on chanté sur tous les tons le bonheur de l’unité, ils ont, dans le même mouvement, mis sur orbite la candidature de José Bové. Une cinquième à la gauche du PS, la troisième se revendiquant de l’antilibéralisme. Le paysan altermondialiste fera connaître sa décision le 1er février. Samedi, elle ne faisait guère de doutes : « Quelque chose d’important est en train de se passer. J’ai des picotements dans le ventre. Si vous avez envie d’y aller, j’ai envie d’y aller, on a envie d’y aller ensemble ! » s’est-il exclamé dans une salle de la mairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis), où quelque 600 délégués, représentant plus de 300 collectifs, se sont retrouvés durant ces deux jours.
Hier, c’était l’ambiance des lancements de précampagne : « Si 500, 600, 1 000 maires promettent leur signature, ce sera un signe que notre campagne est portée sur tout le territoire », a-t-il lancé.
Sondages cruciaux. Son plan de bataille est quasiment prêt : une première réunion de travail samedi « dans une ville du Sud », un « bilan » hebdomadaire de la campagne, des meetings en pagaille dès février. Et une nouvelle rencontre des collectifs début mars pour « vérifier que notre candidature suscite une dynamique populaire et décider des suites à donner ». Une précision qui peut laisser toutes portes ouvertes : aller jusqu’au bout ou renoncer après avoir constaté que la mayonnaise n’a pas pris dans les sondages.
La candidature « unitaire » du syndicaliste est compliquée à justifier. Elle vient se placer aux côtés de celles, déclarées, de Marie-George Buffet (PCF), Olivier Besancenot (LCR) qui eux aussi labourent le champ de l’antilibéralisme , Arlette Laguiller (LO) et Gérard Schivardi (soutenu par les lambertistes du PT). Sa concrétisation dépend aussi de Nicolas Hulot, dont l’attitude est scrutée de près.
Logiquement, la candidature Bové ne fait pas l’unanimité. Même si elle a suscité des élans d’enthousiasme de militants devenus orphelins après l’entrée en campagne de Buffet et Besancenot. « C’est l’irruption citoyenne : la pétition reprend le succès d’une dynamique antilibérale qui existe depuis une douzaine d’années », s’est enflammée Francine Bavay, minoritaire chez les Verts (1). Certains sont plus dubitatifs. Tel le syndicaliste Claude Debons qui a fini par se rallier : « Nous engageons une bataille pour le retrait de Besancenot et Buffet. Je pense que José Bové peut être un parfait candidat bélier pour enfoncer les résistances des autres. » Dans les couloirs, il pointait néanmoins le risque d’un troisième échec d’une candidature unitaire : « Si José est au-dessus des 10 % dans les sondages ce que je ne crois pas , la pression sera maximale sur Buffet et Besancenot. S’il est à 3 ou 4 %, sa candidature n’aura pas fait la démonstration de son utilité. » Pierre Zarka (PCF) se veut tout aussi réaliste : « Il y a un espoir que cela puisse faire rebouger la direction du PCF ou de la LCR. Moi, je n’y crois pas du tout. Les neuf dixièmes des délégués, si. » Même scepticisme chez Christian Picquet (LCR) : « Il est difficilement compréhensible de rajouter un candidat alors que l’unité est réclamée. » Le collectif Mars est, lui, carrément en désaccord : « Une partie de la salle se voue à un homme sans aucune garantie, explique Michel Naudy. Ce sont des règlements de comptes. »
« Piège du populisme ». Si finalement Bové entre dans la course à l’Elysée, il sera épié de près. A la tribune, le député PCF Patrick Braouezec met en garde le quasi-candidat contre le piège du « populisme ». Emmanuel Chanial (LCR) reconnaît sa légitimité, mais il l’invite à « abandonner sa posture gaullienne de recours ». Et Yves Salesse (Fondation Copernic) souhaite que la candidature du syndicaliste paysan ait « pour base » les 125 propositions des collectifs. Soucieux de donner des gages à ceux qui le soupçonnent de complaisance à l’égard du PS, Bové a précisé que son adversaire est le « projet libéral, qu’il soit social-libéral ou de droite ». Son projet à lui n’est « pas compatible avec le projet socialiste », a-t-il assuré avant de promettre aux délégués de les conduire « de la résistance au pouvoir ».
(1) La pétition a franchi la barre des 24 000 signatures.