“Une circulation sans feux de signalisation rendue chaotique, des réseaux de téléphonie mobile ralentis, le [cours du] rand [la monnaie sud-africaine] en dents de scie, la nourriture qui pourrit, une productivité drastiquement réduite…”
Depuis le 11 février, les Sud-Africains redécouvrent les joies liées aux délestages, ces coupures d’électricité quotidiennes imposées par la compagnie nationale Eskom, rapporte le Daily Maverick.Pour la première fois en cinq ans, l’entreprise a imposé des coupures de “niveau 4”, laissant 20 % du pays le plus industrialisé d’Afrique sans électricité, note Business Insider.
Un “choc” pour le président Ramaphosa
Parmi les causes avancées, un manque de diesel et d’eau pour faire tourner les centrales, mais aussi le fait que six de ses unités de production d’électricité soient simultanément tombées en panne de manière inexpliquée, ce qui oblige Eskom à réduire son approvisionnement électrique de 4 000 mégawatts pour éviter l’effondrement du réseau.
Preuve de la panique généralisée chez les Sud-Africains, l’application EskomSePush, qui permet de connaître les plages horaires des délestages par quartier, a connu un bond de ses téléchargements, passant de 2 500 à 400 000 utilisateurs actifs, indique le site d’actualité économique.
Cette crise inattendue a surpris jusqu’au président Cyril Ramaphosa, pour qui la nouvelle a été “un choc”, “troublant et déconcertant”,d’après EyeWitnessNews. La nouvelle tombe au plus mal pour le chef d’État, à moins de trois mois des élections générales (8 mai).
“Techniquement en faillite”
Pour le Daily Maverick, les théories du complot n’ont pas tardé à se faire entendre, alors que le chef de l’État a annoncé la restructuration d’Eskom en trois entités lors de son grand discours sur l’état de la nation du 7 février :
Dans un communiqué, la présidente de la Chambre de commerce du Cap, Janine Myburgh, s’est demandé : “Comment est-il possible que six unités tombent en panne en même temps ? La coïncidence est trop grande et nous sommes en droit de nous demander s’il ne s’agit pas d’un nouveau cas de sabotage.”
De son côté, le syndicat national des métallurgistes (Numsa) a rapidement réagi en laissant entendre que c’était une posture. “Ils veulent justifier la vente d’Eskom au secteur privé. Il faut les ARRÊTER !”, a tweeté Numsa.
Avec une dette de 420 milliards de rands [26 milliards d’euros], l’entreprise parapublique est “techniquement en faillite”, a admis le gouvernement devant les députés la semaine dernière, comme le rapporte Fin24. Ce résultat illustre les errements du pouvoir en place dans la gestion des compagnies publiques sud-africaines.
Jusqu’en avril ?
L’impact des délestages est, lui, chiffré à 2 milliards de rands (125 millions d’euros) par période de treize heures, d’après The Citizen. Les petites et moyennes entreprises, qui ne sont généralement pas équipées en générateurs de secours, sont les plus touchées.
Bien qu’Eskom ait annoncé vendredi 15 février une réduction des délestages, certaines municipalités continuent à subir des coupures inattendues. Et parfois, le retour du courant crée même des dégâts. “À Johannesburg, plusieurs sous-unités locales d’électricité ont explosé”, a déclaré à la chaîne de télévision eNCA Isaac Mangena, un représentant de l’opérateur municipal.
Lorsque ce ne sont pas les criminels qui profitent du moment où l’électricité est coupée pour voler des câbles”, a-t-il ajouté.
Un répit de courte durée donc, alors qu’Eskom estime que les délestages pourraient se poursuivre jusqu’en avril, rapporte EyeWitnessNews.
Adrien Barbier
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