Traditionnellement, l’extrême droite est vue comme “le domaine des hommes”, dont “l’action héroïque”permettrait un “retour à un passé national romantique, pur et serein”, rappellent dans les colonnes duGuardian Cynthia Miller-Idriss et Hilary Pilkington, professeures de sociologie et auteures d’un livre sur le genre et l’extrême droite. Pourtant, les femmes jouent un rôle de plus en plus visible au sein des formations d’extrême droite, Marine Le Pen n’en étant qu’un exemple parmi d’autres.
Historiquement, les femmes avaient surtout “un rôle de soutien” et n’étaient “généralement pas considérées comme de véritables militantes”. Désormais, l’extrême droite se dédiabolise, les femmes hésitent donc moins à s’engager et à jouer un rôle actif.
La femme libérée comme antithèse à “la menace islamique”
En outre, de nouvelles formations comme les Démocrates de Suède adoptent des points de vue moins conservateurs quant au genre et à la sexualité. Ces partis soutiennent que “les traditions et les valeurs de la démocratie occidentale comprennent la défense des droits des femmes, une plus grande diversité sexuelle et une tolérance envers la communauté LGBT”, afin de rendre encore plus saillante “la menace islamique” venue de l’immigration. Une stratégie payante pour attirer les femmes.
À ce titre, Alice Weidel est un cas d’école, puisqu’elle est coprésidente de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) au Bundestag et lesbienne. Son parti a d’ailleurs utilisé les agressions sexuelles du nouvel an 2016 à Cologne pour “arguer que l’augmentation de l’immigration conduira à plus de viols et de violences envers les femmes blanches”, rappellent les auteures.
Le Front national letton va encore plus loin : la moitié de ses membres sont de sexe féminin et le parti “présente les femmes comme spirituellement supérieures aux hommes”, leur mission étant de “commander” et de “sauver la nation.”
L’idéal bien ancré de la femme au foyer
Bien évidemment, les mouvements d’extrême droite ne sont pas exempts d’une vision traditionnelle des genres. Les femmes y sont souvent présentées comme “des épouses et des mères qui pourront sauver les nations blanches”. Aube dorée en Grèce pousse les femmes à “remplir leur rôle auprès des enfants dans leur foyer” plutôt que de s’engager dans la vie publique, par exemple.
“Les femmes qui défient ces normes traditionnelles représentent une menace pour la vision du monde de l’extrême droite”, constatent Cynthia Miller-Idriss et Hilary Pilkington. Le fait que les femmes deviennent “trop puissantes” nourrit également le discours de l’extrême droite. Il n’est pas surprenant que de nombreux incels, ces “célibataires involontaires” qui pensent qu’ils disposent d’un droit sur le corps des femmes, fassent également partie de groupes orientés très à droite sur le Net.
Mais que les mouvements d’extrême droite tentent de contrôler le corps des femmes ou qu’ils invoquent les droits de ces dernières, les raisons qui poussent les femmes à se radicaliser restent encore trop peu étudiées, regrettent les auteures.
Trop peu d’attention est portée aux raisons de la colère des femmes, à leur plus grande vulnérabilité pendant les crises économiques et à l’influence que peut avoir l’impact disproportionné des coupes dans les services publics sur leur adhésion aux politiques d’extrême droite.”
Courrier International
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