L’allocution de nouvel an de Kim Jong-un en janvier dernier, les Jeux olympiques de Pyeongchang en février, le sommet intercoréen à Panmunjom en avril, la visite du président Moon Jae-in à Pyongyang en septembre… Dans l’histoire de la division qui dure depuis plus de soixante-dix ans, les deux Corées n’avaient jamais connu une année aussi riche en matière de relations bilatérales. Il y a eu une pluie de déclarations dont aucune n’est négligeable et à travers lesquelles les deux pays se sont engagés à ouvrir un sentier de la paix menant à la dénucléarisation de la péninsule.
La frontière intercoréenne a été le théâtre de multiples conflits plus ou moins graves depuis l’armistice de 1953. Dans la zone dite démilitarisée (DMZ), des deux côtés de la ligne de démarcation militaire, le Nord et le Sud n’ont jamais pu relâcher leur vigilance. Dans la péninsule, la paix n’était rien de plus qu’un mot.
Cependant, l’accord militaire en vue de l’application de la déclaration historique de Panmunjom, conclu le 19 septembre à la suite du sommet de Pyongyang, a tout changé. Il vise à dissiper la tension militaire, voire à constituer une base pour la paix. C’est ainsi que les deux pays ont cessé dès le 1er novembre tout acte hostile l’un envers l’autre dans leurs espaces terrestre, maritime et aérien. La Joint Security Area (JSA) est désormais gardée par des soldats qui ne sont pas armés.
Au sein de la DMZ, vingt-deux postes de garde ont déjà été neutralisés. À Cheolwon, où les autorités des deux pays devront procéder conjointement à des fouilles pour retrouver les ossements [des victimes de la guerre de Corée], les mines ont été désamorcées et une nouvelle route a été construite pour relier le Nord et le Sud.
Transparence et confiance
Sur les sept projets mentionnés dans l’accord militaire, cinq ont été mis en application ou sont en cours de réalisation. Il ne reste plus qu’à installer une commission militaire commune et à pérenniser la paix dans la zone maritime de la Ligne de limite du nord (NLL). C’est la première fois que les deux Corées passent à l’acte, faisant ainsi un pas significatif vers la paix.
Les autorités militaires des deux pays ont par ailleurs établi des lignes de communication dans le but de prévenir tout malentendu susceptible de provoquer des affrontements. Le désarmement de la JSAet la neutralisation des postes de garde ont été vérifiés conjointement dans un souci de transparence et de confiance mutuelle.
En janvier dernier, Kim Jong-un a déclaré :
Il faut avant tout mettre fin à la tension militaire entre le Nord et le Sud et construire un environnement pacifique. Tant que la situation restera instable, à mi-chemin entre la guerre et la paix, les deux pays ne pourront pas discuter sérieusement de l’amélioration de leurs relations et de la réunification.”
En avril, la déclaration commune à Panmunjom a entériné cette volonté en stipulant la cessation de tout acte hostile, la suspension de la propagande à la ligne de démarcation au moyen des hauts parleurs et des tracts, l’instauration de la paix à la frontière maritime, la réduction progressive des armements en fonction de la dissipation de la tension et de l’augmentation de la confiance mutuelle. Au cours d’une nouvelle rencontre en mai à Panmunjom, les deux dirigeants se sont engagés à mettre en application cette déclaration, puis l’accord militaire a vu le jour en septembre.
Alors que jusqu’à présent on considérait le nucléaire comme un problème entre la Corée du Nord et les États-Unis, les deux Corées ont abordé la question pour la première fois entre elles lors de la déclaration commune de Pyongyang de septembre dernier, qui promet la destruction des installations nucléaires de Yongbyon.
Cho Song-ryol, du Centre de recherche sud-coréen sur la stratégie de la sécurité nationale, déclare : “La priorité est d’empêcher tout affrontement entre les deux Corées. Le contrôle des armements opérationnels va influencer la dénucléarisation. Cela va empêcher la Corée du Nord de renforcer ses armes traditionnelles après la dénucléarisation.”
Mais la coopération n’est pas aussi spectaculaire dans les autres domaines. Les événements ont pourtant été nombreux : participation du Nord aux JO de Pyeongchang en février, représentations des artistes du Sud à Pyongyang en avril, match de basketball intercoréen à Pyongyang en juillet, rencontre des familles séparées en août… Le Nord et le Sud ont décidé de constituer une équipe commune aux JO de Tokyo de 2020 et de candidater conjointement pour les JO de 2032. 6 255 Sud-Coréens ont visité le Nord depuis le début de l’année, 808 Nord-Coréens se sont rendus au Sud, 5 631 véhicules ont franchi la frontière…
Un des résultats les plus importants est sans doute la mise en place d’un bureau de liaison au sein de la zone industrielle spécifique de Kaesong, au Nord. Il s’est mis à l’œuvre en septembre, permettant ainsi aux deux pays de communiquer à tout moment. Ce bureau de liaison sera relayé par des permanences à Séoul et à Pyongyang.
Peu d’échanges entre les populations
Cependant, les travaux de modernisation des chemins de fer et des routes reliant les deux Corées ainsi que la coopération dans les domaines forestier et médical sont bloqués à cause des sanctions de l’ONU et des États-Unis qui frappent la Corée du Nord. La rénovation de la partie nord-coréenne des routes décidée en juin dernier est encore au stade de l’étude. Quant aux chemins de fer, le projet était resté bloqué jusqu’à une date récente par le Commandement des Nations unies et les sanctions empêchent toujours le démarrage des travaux. En novembre, le Sud a offert au Nord 50 tonnes d’insecticides pour protéger les pins, après s’être assuré que les produits ne tombaient pas sous le coup des sanctions. L’avancée dans le domaine médical reste insignifiante. Les deux parties ont dû se contenter d’échanger des informations sur les grippes, l’aide médicamenteuse au Nord étant interdite.
De manière générale, alors qu’on pouvait s’attendre à des échanges dynamiques entre les deux populations, la priorité est pour l’heure donnée aux initiatives gouvernementales.
À cause des sanctions, les ONG peinent à fournir une aide humanitaire au Nord. Une demande de dérogation a été déposée au Comité des sanctions de l’ONU, mais à ce jour elle est restée sans réponse. Le gouvernement de Séoul épluche les projets de coopération un par un pour vérifier leur conformité avec les mesures internationale,s et ce malgré la déclaration de Panmunjom stipulant le “principe d’autonomie du peuple coréen qui veut lui-même régir son propre destin”.
Le site Internet nord-coréen Uriminzokkiri a déclaré le 10 décembre :
Si on tolère l’intervention des forces étrangères dans les problèmes de notre peuple, les choses deviennent compliquées et nous ne pouvons pas résoudre celui de la réunification selon notre volonté et en fonction de nos intérêts. Les relations Nord-Sud n’ont pas besoin d’autorisation ni d’aide de personne pour être améliorées.”
Les sanctions contre la Corée du Nord, liées à son nucléaire et à ses missiles, restent un problème pour Pyongyang, qui doit essayer d’y mettre fin au travers d’un dialogue avec Washington. Le gouvernement de Séoul ne doit pas attendre pour autant les bras croisés. Rappelons qu’il a lui-même déclaré que l’accord militaire créait les conditions nécessaires à la résolution du problème du nucléaire nord-coréen grâce à la réduction des budgets militaires, et que la coopération économique intercoréenne constituait un moteur pour accélérer la dénucléarisation.
Cho Chong Hun and Tongil News
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