“Nous ne nous prosternons devant personne d’autre qu’Allah « , a déclaré hier le dictateur soudanais Omar Al Bashir, évoquant de prétendues pressions » internationales ", qu’il considérait comme la raison des défis auxquels son régime devait faire face à la suite du déclenchement du soulèvement, qui appelle à son départ.
Le soulèvement soudanais s’est déclenché en quelques jours seulement, passant de manifestations locales à des manifestations organisées dans tout le Soudan hier mardi 25 décembre qui se sont dirigées vers le siège de la présidence avec pour slogan "Le peuple veut le renversement du régime”.
Les manifestations ont commencé lorsque la crise dont souffre en permanence le peuple soudanais a atteint un stade sans précédent : outre le doublement des prix des produits de première nécessité, il y a eu la raréfaction du pain et du carburant. Sans parler de l’impossibilité pour les titulaires de comptes bancaires d’effectuer des retraits.
La crise n’a pas atteint ce stade uniquement en raison d’une politique économique suivie par Al Bashir avec insistance pendant des longues années, lors desquelles il affirmait tout le contraire de ce qu’il a déclaré dans son discours d’hier.
Un survol des mesures d’austérité, qui ont constitué l’étincelle qui a provoqué les manifestations actuelles, révèle une série de mesures similaires antérieures, et révèle par ailleurs que son régime « s’est prosterné » à plusieurs reprises devant le Fonds Monétaire International (FMI) sur un mode qui n’est pas sans évoquer une série de troubles à travers presque tous les continents du monde et dont la cause était le FMI, dont les injonctions à l’austérité font que l’aide financière se négocie en échange de l’appauvrissement.
Les récentes mesures d’austérité au Soudan découlent d’un round de politiques d’austérité préconisées par le FMI au gouvernement soudanais. Au début de l’année, la livre soudanaise a été dévaluée sur recommandation du FMI en décembre de l’année dernière, qui a préconisé de laisser flotter la livre puis de supprimer les subventions pour l’électricité et le blé entre 2019 et 2021.
Lors de l’adoption du budget général 2018, le gouvernement a supprimé les subventions pour le blé et a laissé son importation au mains du secteur privé, ce qui a contribuer à augmenter le prix du pain. En octobre, la banque centrale a annoncé le lancement d’un nouveau mécanisme permettant de déterminer le taux de change, appelé « market makers ». Le taux d’inflation annuel moyen cette année a atteint les 61,5 %, Mais cela n’a pas eu d’impact sur le niveau de croissance du PIB, avec un solde négatif de 2.3 %, d’où le fait que l’économie a régressé au lieu de croître en 2018 … soit un désaveu de l’objectif proclamé du FMI pour justifier ses politiques d’austérité.
Mais le plus ironique dans ce contexte est que « la prosternation » a eu lieu en 2014, quand en l’absence d’aides ou de prêts en retour, le FMI a approuvé un programme d’accord aux termes duquel ses services surveilleraient l’économie soudanaise pendant un an. Selon un communiqué publié à l’époque par le Fonds, le programme n’inclut pas l’assistance financière .. et dans ce même communiqué il était dit que le niveau élevé de la dette extérieure du Soudan et les arriérés impayés interdisaient à Khartoum d’accéder à la plupart des sources de financement extérieurs.
Le Soudan a perdu 46 % de ses revenus de trésorerie générale, 80 % de ses revenus en termes de devises étrangères - soit la seule source sensée permettre à tout état de faire face à ses engagements à l’international - en raison de la sécession du Sud Soudan en 2011, puisque ce dernier était sa source majeure de pétrole. Toutefois, le Soudan a supporté seul la dette externe portée par l’ensemble du Soudan en vertu de l’ accord « option zéro » entre le Soudan et le Soudan du Sud, en 2012 , à condition que la communauté internationale s’engage fermement à alléger le fardeau de la dette du Soudan d’ici deux ans.
Mais ce qui précède n’a pas pour autant servi de prétexte au FMI pour aider le Soudan à se sortir de ses difficultés financières et Al Baschir, qui affirme aujourd’hui que le monde complote contre lui en raison de ses positions indépendantes, s’est précipité pour appliquer les instructions à la lettre.
Le programme, supervisé par les « experts du FMI » se résume à quelques articles traditionnels qui sont exactement les mêmes pour chaque programme de réforme approuvée par le Fonds. A titre d’exemple, le programme comprenait une disposition visant à accroître la flexibilité du taux de change et à réduire les dépenses principalement en réduisant les subventions à l’énergie.
En échange, le texte du programme reprenait dispositions habituelles pour faire face aux aspects négatifs des effets sur le niveau de vie des pauvres : le renforcement du filet de sécurité sociale pour permettre l’arrivée des « bienfaits » de façon digne pour les bénéficiaires et l’amélioration du ciblage des prestations aux bénéficiaires par des filets de sécurité pour les personnes ayant des besoins réels », ainsi que l’intégration au moyen de filets de sécurité privés, comme l’institution de la Zakât.
Il ressort clairement de ce qui précède que les termes du programme sont globalement similaires à ceux du Fonds, quelles que soient les disparités entre les pays en matière de pauvreté, y compris celles liées à la réduction des effets de l’austérité sur les pauvres. Dans les programmes du Fonds, on parle couramment de l’accès des bienfaits aux bénéficiaires, en faisant fi de la faiblesse des capacité des pays en voie de développement et particulièrement faibles dans le cas du Soudan pour canaliser l’aide sur les filets de sécurité sociale.
Au cours de la période de validité de l’accord, le taux de change par rapport au dollar américain a été réduit d’au moins 29 %.
Tout ce qui précède est a été rendu possible parce qu’on a fait miroiter que l’engagement pris par le Soudan était concomitant d’ « une stratégie globale de règlement des arriérés » ", un « impératif » pour résoudre le fardeau de la dette au Soudan.
Dans ce contexte, le Fonds a déclaré à l’époque "qu’il continuerait à fournir une assistance technique pour soutenir et adapter les efforts de renforcement des capacités du Soudan et le programme de réformes. Le succès de sa mise en œuvre inciterait la communauté internationale à s’engager résolument dans des réformes macroéconomiques le temps venu et aiderait les autorités à alléger leur dette ”.
Dans la réalité, le fait que Al Bashir ait suivi les instructions du FMI s’est traduit l’imposition du fardeau de la crise aux classes pauvres de la société soudanaise, qui n’ont pas fait preuve de patience envers Al Bashir, qui dirige le pays depuis près de trois décennies, pense pouvoir continuer à jamais et a infléchi la Constitution dans le sens d’une présidence à vie. Mais les choses ne semblent pas aller comme le veut ou le croit Bashir.
Ce dictateur qui s’est plusieurs fois prosterné devant le FMI et à plusieurs reprises face à des forces régionales et internationales pour rester en poste pourrait bien changer d’orientation pour cette dernière étape et devoir se prosterner face au peuple.
Mercredi 26 Décembre 2018
Socialistes révolutionnaires