[Article publié le 9 octobre 2018] Santiago Abascal ne va peut-être pas tarder à endosser le costume de député. L’ancien dirigeant du PP basque [Parti populaire, conservateur] et actuel leader de la formation d’extrême droite Vox a l’intention à terme de briguer un siège au Congrès lors des prochaines législatives, dont la date reste à définir.
Mais il passera d’abord par “le test ultime” : les élections européennes de mai 2019, auxquelles il entend participer main dans la main avec des ultraconservateurs européens tels que le Premier ministre hongrois Viktor Orbán.
Deux sièges à la Chambre des députés ?
Vox fait son chemin, pas à pas. À mesure que les élections approchent, les sondages commencent à lui donner des résultats prometteurs. Santiago Abascal ne rêve pas de conquérir la Moncloa [siège de la présidence du gouvernement], mais d’obtenir la clé de la chambre des députés.
Un vrai marathon. Le Centre d’enquêtes sociologiques (CIS) vient de citer Vox pour la première fois dans ses rapports, lui attribuant un score non négligeable de 1,4 % des voix, tandis que la dernière enquête d’opinion réalisée par Jaime Miquel pour le site Público lui octroie deux sièges. Le phénomène prend de l’ampleur.
“Vous me demandez si ça nous dérange qu’on nous colle l’étiquette d’extrême droite ? Absolument pas, lance Santiago Abascal au téléphone. Nous perdons bien assez de temps à nous justifier : si nous sommes entrés en politique, c’est pour désigner des coupables, pas pour nous excuser de quoi que ce soit.”
Peu importe comment les gros titres le qualifient. “Ce qui nous intéresse vraiment, ajoute-t-il, ce sont les commentaires des lecteurs [sur Internet]”. Il y croit. Dans ce contexte, le politologue Pablo Simón ne doute pas que Vox va prendre rang parmi les “partis populistes d’extrême droite modernes”, tels les Démocrates de Suède ou le Parti pour la liberté, la formation du xénophobe néerlandais de Geert Wilders. Des pays où les ultras triomphent.
En revanche, l’Espagne est, avec l’Irlande et le Portugal, “l’un des pays où un parti ayant ces caractéristiques est dépourvu de représentation parlementaire ; de ce point de vue, nous sommes traditionnellement une anomalie”, souligne Pablo Simón.
À la recherche des électeurs “patriotes”
“Si aimer notre patrie nous vaut d’être traités de fachos, si défendre nos frontières fait qu’on nous qualifie de xénophobes, tant pis…”, poursuit Santiago Abascal. Cet ancien député du PP est originaire d’Amurrio (Pays basque), mais depuis un certain temps on le voit davantage à Madrid, où il a installé son quartier général.
Ce n’est pas un hasard si l’un des minibastions de Vox se trouve dans la capitale espagnole. Le parti commence à se faire connaître dans les milieux “patriotes”, et même au-delà. “Il ne faut pas les confondre avec les différentes Phalanges [des années 1930 puis de la dictature franquiste], qui historiquement ont eu un impact électoral très limité”, souligne Pablo Simón. En effet, Abascal et les siens ont pour ambition de siphonner les voix du PP, formation que cet ancien dirigeant “populaire” range dans la “petite droite lâche”.
Ils veulent aussi prendre des voix à Ciudadanos, de centre droit. “Nous entrons dans un débat sur des thèmes où nous sommes en concurrence avec ces deux partis”, note Santiago Abascal, qui met en avant des chiffres encourageants : en septembre 2017, le parti comptait 3 000 adhérents, aujourd’hui ils sont 10 681.
Fermeture des frontières
Vox cherche à établir des relations fructueuses avec d’autres partis en dehors de l’Espagne. Après avoir noué des contacts avec deux groupes du Parlement européen, le Mouvement pour l’Europe des nations et des libertés – qui comprend notamment la Ligue du Nord –, et les Conservateurs et réformistes européens – groupe auquel appartiennent des formations ultraconservatrices comme les Polonais de Droit et Justice –, ils visent désormais plus haut. “Nous essayons de nous rapprocher de l’entourage de Viktor Orbán au sein du Parti populaire européen”, poursuit Abascal.
Orbán, Premier ministre de Hongrie, est un ardent défenseur de la fermeture des frontières aux réfugiés. Vox réclame la même chose en Espagne. L’analyste électoral Jaime Miquel insiste depuis quelques mois sur la montée de ce parti. “Vox a une étiquette antisystème, qui en réalité n’est que l’une des étiquettes du système”, observe-t-il.
Dès lors, Jaime Miquel met en garde contre ce qui pourrait se passer aux prochaines élections européennes. “En obtenant deux eurodéputés, le parti va se lancer”, conjecture-t-il [certains sondages lui en attribuent même trois].
Les couleurs de l’Espagne
À l’en croire, on assiste à la formation d’un “espace électoral antisystème de droite en Espagne, qui à court terme représentera une frange importante de l’électorat”. Il estime que “lorsque Vox aura pris sa place, le PP tombera nécessairement à 15 %”. La logique de cet électorat, d’après lui, sera la suivante : “Si Pablo Casado [le président du PP] ne répond pas à mes attentes, je passe à Vox.”
Ce seront des mois agités. Dans les meetings et les discours de Vox, il y aura toujours plus de drapeaux, toujours plus de critiques envers ceux qui ne défendent pas bec et ongles “l’unité de l’Espagne” et un rejet viscéral de ce qu’ils appellent le “marxisme culturel”, catégorie dans laquelle ils incluent le “féminisme radical”.
Au cours de ce marathon, le leader de cette formation radicale espagnole va s’intéresser tout particulièrement aux résultats des élections au Parlement européen. “Ce sera non seulement le vrai test, mais aussi la porte d’entrée de Vox dans les institutions nationales”, soutient Abascal.
Danilo Albin
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