Tous les syndicats appellent cheminots et travailleurs du rail à manifester le 8 février à Paris. Les sujets de mécontentement ne manquent pas. D’abord, le budget 2007 accentue la course permanente à la productivité, avec la suppression de 2 500 emplois et le renforcement de tout ce qui va dans le sens d’une gestion de plus en plus éclatée par activité. Les péages que paye la SNCF à Réseau ferré de France (RFF) pour faire passer ses trains augmenteront de près de 10 % en 2007, ce qui confirme que le système ferroviaire n’est toujours pas désendetté. La libéralisation du secteur de l’énergie fait bondir la facture d’électricité de la SNCF de 92 millions d’euros. Finalement, les trafics qui progressent le plus sont ceux qui ne sont pas soumis à la concurrence et où la collectivité investit (TER notamment).
Alors que le réchauffement climatique est une préoccupation majeure, la mise en concurrence du fret ferroviaire ne permet pas de diminuer le nombre de camions sur les routes, et elle s’est traduite par près d’un million de camions supplémentaires sur les routes en 2006 ! Les opérateurs privés, comme Veolia ou EWS, prennent du trafic à la SNCF, pas à la route. Surtout, ils exercent une pression sociale par le bas, avec des coûts de production inférieurs de 20 à 30 % à ceux de la SNCF. La question d’un statut social unique, équivalent à celui des cheminots, est donc posée, afin d’éviter la concurrence entre les travailleurs du rail.
La SNCF annonce une nouvelle tarification pour les billets : moins chers si achetés à l’avance... et donc plus cher au dernier moment et en période de pointe. L’objectif est bien de soutirer le maximum aux usagers. Une baisse importante du prix du train est pourtant nécessaire pour faire reculer le tout-voiture. C’est un combat qui concerne les usagers et l’ensemble de la société. Récemment, la mobilisation de la population et des cheminots a permis de faire reculer le gouvernement et la SNCF, qui voulaient supprimer une liaison directe entre Rodez et Paris. La question salariale sera également présente dans le défilé du 8 février. La perte de pouvoir d’achat étant évaluée à près de 20 % en vingt ans, SUD-Rail revendique 250 euros pour tous. La France, qui possède le réseau ferroviaire le plus vieillissant d’Europe, se place derrière le réseau anglais, rénové après les accidents de ces dernières années. Il faudrait consacrer 700 millions d’euros de plus par an pendant vingt ans pour le remettre en état. Mais seuls 70 millions de plus ont été affectés en 2006 et 260 sont prévus en 2007. La baisse de la fiscalité pour les entreprises et les plus riches conduit inévitablement à une baisse des ressources pour les services publics.
La question des retraites et du régime cheminot sera aussi au cœur de la mobilisation du 8 février. Le récent rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) propose l’alignement des régimes spéciaux sur le régime général. Les cheminots ne sont pas les seuls à avoir des conditions de travail pénibles. Dans le privé, c’est souvent bien plus dur. Mais, déshabiller les cheminots n’a jamais permis d’habiller les salariés du privé. Les régimes spéciaux représentent 5 % des retraités ; en 2020, ils ne représenteront que 1,6 % ! L’alignement sur le régime général ne règle donc rien. De plus, la particularité du régime cheminot, c’est que le rapport actifs/retraités va aller en s’améliorant dans les années à venir.
Sarkozy annonce que, s’il est élu, il limitera le droit de grève, notamment dans les services publics. Pour les cheminots, c’est une véritable provocation. La manifestation du 8 février doit être la plus massive possible. La jonction avec les fonctionnaires, en grève le même jour, doit se faire. C’est encore le meilleur moyen pour battre la droite et sa politique.
Charles Tenor
* Paru dans Rouge n° 2191 du 1er février 2007.
SNCF : vers le 8 février
Jonas Ali
Rouge n° 2188 du 11 janvier 2007
Le 8 novembre dernier, les cheminots étaient en grève sur les questions salariales et de défense du service public ferroviaire. Bien qu’il ne se soit pas agi d’une mobilisation historique, les taux de grévistes étaient loin d’être mauvais avec, dans certaines régions, jusqu’à plus de 50 % de grévistes à l’exécution. En décembre, les mouvements initiés par les conducteurs de train sur les conditions de travail à l’occasion des changements de service au passage des horaires d’hiver montraient également qu’un potentiel de mobilisation existe de la part des cheminots.
Les raisons de se mobiliser ne manquent pas. « Grâce » au deuxième paquet ferroviaire, depuis le 1er janvier 2007, toutes les lignes de fret à l’échelle européenne sont ouvertes à la concurrence. En France, c’est déjà le cas depuis le 31 mars 2006 : deux ans auparavant, une « aide exceptionnelle » avait été accordée à la SNCF pour qu’elle réorganise le fret (Plan fret 2004-2006) jugé trop peu rentable. Cette aide empoisonnée exigeait en contrepartie que la SNCF ouvre son réseau à la concurrence en mars 2006, bien avant la date officielle. Les résultats de la désorganisation ne se sont pas fait attendre : fermeture de triages et de gares de marchandises, suppression de 7 000 emplois au statut, avec comme résultat une baisse significative du trafic marchandise, qui représente tout de même l’équivalent de 950 000 camions supplémentaires sur les routes rien que pour l’année 2005.
C’est contre tout cela que les cheminots manifesteront, jeudi 8 février à Paris, à l’appel de tous les syndicats cheminots. Parmi les revendications, plusieurs concernent les salariés des nouvelles entreprises ferroviaires concurrentes de la SNCF, comme la Connex (filiale de Veolia). Unifier les luttes des travailleurs du rail en se battant pour un statut unique du cheminot au plus haut niveau, lier les revendications de service public à celles de la défense de l’environnement avec l’ensemble de la population, voilà les défis auxquels seront confrontées les prochaines luttes à la SNCF. C’est dans cette perspective que le 8 février doit s’inscrire.