Dans la région la plus sismogène de France métropolitaine, les Pyrénées, les plaques tectoniques bougent en moyenne de deux millimètres par an. Au large des quelque 18 300 îles qui forment l’archipel indonésien, le plus vaste au monde, le mouvement des plaques atteint cinq à six centimètres sur la même période. Qu’est-ce qui provoque cette intensité sismologique, responsable, dimanche 5 août, d’un séisme qui a fait au moins 91 morts ? La réponse tient en une métaphore : la « ceinture de feu » du Pacifique.
Sur Terre, cette « ceinture », qui borde le plus vaste océan de la planète, se manifeste de manière spectaculaire. Partout sur les 40 000 kilomètres environ qui la forment, depuis la Nouvelle-Zélande jusqu’au sud du Chili en passant par le Japon et la Côte ouest américaine, pointent d’innombrables volcans. Neuf dixièmes des volcans qui figurent sur Terre y sont, en effet, situés.
Dans cet arc, l’Indonésie se distingue particulièrement, puisqu’elle est la région la plus volcanique au monde, avec 129 volcans actifs.
Phénomènes de subduction
Cette intense activité volcanique s’explique par ce qui se joue sous terre. La « ceinture de feu » concentre certaines des plus importantes zones de subduction du monde : des plaques de croûte terrestre s’y enfoncent à grande vitesse géologique sous d’autres plaques, accumulant d’énormes tensions qui doivent un jour se libérer, provoquant séismes, failles et plis.
Les tremblements de terre observés aujourd’hui en Indonésie sont ainsi le fruit d’une histoire de la tectonique des plaques qui a commencé il y a quatre-vingt-cinq millions d’années. A cette époque – après la formation de l’océan Indien –, la plaque indo-australienne qui porte l’Inde s’est séparée de l’Afrique. Elle a alors « traversé » l’océan en direction du nord à la vitesse de dix centimètres par an.
Puis, il y a cinquante millions d’années, l’Inde est entrée en collision avec l’Eurasie et continue d’exercer ce mouvement au rythme de cinq à six centimètres par an. Cet événement a créé la chaîne himalayenne, les plus hautes montagnes du monde, et aussi fait glisser le bloc Indochine – qui porte l’archipel indonésien – vers le sud-est.
« Une énergie phénoménale »
Actuellement, un mouvement de subduction s’exerce ainsi le long de l’île de Sumatra, entre la plaque indo-australienne océanique, qui passe à la vitesse de quatre à cinq centimètres par an sous la plaque continentale de la Sonde, qui marque le sud-est de l’Asie. Soit cinq mètres tous les cent ans. « Il y a là une énergie phénoménale qui s’accumule lentement. Quand ces cinq mètres se relâchent en quelques minutes, cela provoque un séisme gigantesque », expliquait au Monde, en 2004, Mohamed Chlieh, spécialiste de la tectonique indonésienne, qui collabore au California Institute of Technology (Caltech, Etats-Unis) et à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP).
Ce fut notamment le cas en décembre 2004. Un tsunami a été provoqué par un séisme sous-marin de magnitude 9,3 survenu au large de Sumatra, dans l’ouest de l’archipel indonésien. Le phénomène a tué 220 000 personnes dans les pays qui bordent l’océan Indien, dont 168 000 en Indonésie.
Mais l’énergie accumulée par le phénomène de subduction est telle qu’elle ne peut se dissiper en une seule fois. Aussi, provoque-t-elle de nombreuses répliques de séisme. Si la plupart ne sont pas dangereuses, d’autres peuvent s’avérer meurtrières. C’est le cas de la secousse ressentie, dimanche 5 août, sur l’île de Lombok, d’une magnitude de 6,3. Elle devrait d’ailleurs être elle-même suivie d’autres répliques, ont prévenu les scientifiques.
Un gros séisme tous les deux cents ans
Un phénomène qui va croissant. Dans la région, l’activité sismique « de fond a toujours été là, à savoir des séismes de l’ordre de 3, 4, 5, voire 6 degrés sur l’échelle de Richter, mais ceux que nous rencontrons aujourd’hui sont plus puissants, et surtout, plus réguliers, affirmait, en 2009, à Science actualités, Hélène Hébert, géophysicienne au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Cette pression engrangée depuis plus de cent ans se répercute donc aujourd’hui dans des phénomènes d’une ampleur impressionnante. »
En raison de son volcanisme et de sa sismicité exacerbés, l’archipel indonésien et sa région environnante sont d’ailleurs étudiés de près par des chercheurs du monde entier. Depuis le séisme de 2004, plus d’une centaine de stations sismiques ont été installées sur tous les territoires indonésiens. En étudiant les coraux de la région aux rayons X, et en les datant au strontium-uranium, les chercheurs ont pu établir que les gros séismes de la région ont lieu tous les deux cents ans en moyenne.
Le Monde.fr