« Champion de la Terre » : Emmanuel Macron s’est vu décerner, mercredi 26 septembre, ce titre ronflant par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), à l’issue du One Planet Summit de New York (Etats-Unis).
Quelques jours auparavant, devant la 72e Assemblée générale des Nations unies (ONU), le président français avait prononcé un discours de portée générale, mais dont les questions environnementales n’étaient pas absentes, bien au contraire.
« L’avenir du monde, c’est celui de notre planète, qui est en train de se venger de la folie des hommes. La nature nous rappelle à l’ordre et nous intime d’assumer notre devoir d’humanité et de solidarité. Elle ne négociera pas, il revient à l’humanité de se défendre en la protégeant, a dit Emmanuel Macron devant ses pairs. Les dérèglements climatiques font voler en éclats la traditionnelle opposition entre le Nord et le Sud, les plus fragiles sont toujours les premières victimes emportées dans un tourbillon d’injustices, nous sommes tous frappés par les emballements terribles du climat de la Chine aux Caraïbes en passant par la Russie ou la Corne de l’Afrique. »
Sur le terrain du verbe, il va de soi que le titre de Champion de la Terre sied particulièrement bien à M. Macron. Depuis le désormais célèbre « Make our planet great again » (« Rendre notre planète à nouveau belle ») prononcé en juin 2017 en un pied de nez à son homologue américain Donald Trump et porté comme un étendard depuis, jusqu’à sa déclaration solennelle sur l’effondrement de la biodiversité, diffusée moins d’un an plus tard sur les réseaux sociaux, les phrases prononcées par le chef de l’Etat français pourraient être, ne varietur, mises dans la bouche des militants écologistes les plus radicaux.
Le CETA
Cruels hasards du calendrier
Souvenez-vous, c’était le 24 mars : « Vous vous réveillez et quelque chose a changé. Vous n’entendez plus le chant des oiseaux, déclarait le chef de l’Etat sur les réseaux sociaux. Vous regardez par la fenêtre : les paysages que vous avez jadis chéris sont désormais desséchés et toute vie en a disparu. L’air et l’eau, tout ce que vous respirez et qui permet la vie, est altéré. Ce n’est pas un cauchemar et encore moins une illusion. Vous le savez. Vous le savez parce que nous en constatons les premiers effets. Le temps du déni est révolu. » Etc.
Hélas, les hasards du calendrier sont parfois cruels. Au moment où le président français gagnait le championnat de la Terre, les associations environnementales françaises fêtaient, à leur manière, la première année d’application partielle du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), l’accord commercial conclu entre l’Union européenne (UE) et le Canada, et auquel le président français s’est montré si favorable.
Dans une note du 21 septembre, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et l’Institut Veblen rappellent ainsi au gouvernement qu’il s’était engagé à répondre aux recommandations formulées par la commission Schubert et que trop peu a été fait en ce sens. Cette commission, présidée par Katheline Schubert (Paris School of Economics), avait été mandatée par Matignon pour plancher sur les effets du CETA sur la santé et l’environnement, et formuler une série de recommandations. Elle avait rendu son rapport en octobre 2017.
Nivellement par le bas
Onze mois plus tard, la FNH et l’Institut Veblen déplorent « l’absence de mise en œuvre des engagements principaux » du gouvernement, dont l’inscription dans l’accord d’un « veto climatique » pleinement opérationnel. Un tel veto permettrait de protéger les Etats mettant en œuvre une politique climatique, contre des recours formés devant des tribunaux d’arbitrage par des entreprises s’estimant lésées par de telles mesures.
Il serait inexact de prétendre que les travaux de la commission Schubert sont jusqu’à présent demeurés lettre morte : le gouvernement a mis en place un plan de suivi de différentes mesures destinées à « verdir » le CETA. Mais, pour la FNH et l’Institut Veblen, le compte n’y est pas. La sincérité non plus : les deux ONG notent avec perfidie que « dans l’accord de commerce entre l’UE et Singapour qui doit être signé le 15 octobre, la France n’a pas demandé à ce qu’un veto climatique soit ajouté ».
La question climatique n’est d’ailleurs pas tout : les deux ONG indiquent aussi que, sur la question des traitements pesticides, le CETA a toutes les chances de conduire à un nivellement par le bas des normes – les lobbys sont d’ores et déjà à l’œuvre sur le sujet, assurent-elles.
« Business as usual »
Tout porte à penser qu’Emmanuel Macron utilise la question environnementale sur la scène internationale comme la marque d’une différence fondamentale avec Donald Trump, dont il aime à apparaître comme le reflet en négatif.
De fait, au championnat de la Terre, le président américain n’a pas la moindre chance de l’emporter. Il est d’ailleurs douteux que l’histoire le fasse jamais champion de quoi que ce soit, sa présidence étant jusqu’à présent, comme un commentateur de la vie politique aux Etats-Unis l’a plaisamment décrite, réductible à « un interminable feu de poubelles ».
Mais, aussi étrange que cela semble, et aussi pénible qu’il puisse être de devoir le coucher par écrit, il faut bien reconnaître à Donald Trump une vertu : celle de la cohérence. Le locataire de la Maison Blanche n’affiche aucune volonté d’agir sur la question climatique, qu’il tient pour le fruit d’une conspiration chinoise destinée à affaiblir l’industrie américaine. Il le dit sans fard et agit en conséquence.
La majorité des autres dirigeants du monde, champions de la Terre ou non, assurent que la catastrophe est à nos portes, mais poursuivent avec entêtement le business as usual, avec pour seul horizon de l’intensifier toujours plus, et avec lui toutes les causes du réchauffement en cours.
Stéphane Foucart