“La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), aile Me Noureddine Benissad, a exprimé ce mercredi 1er août ses ‘inquiétudes’ concernant un éventuel retour de l’inquisition après les interdictions qui ont ciblé deux galas musicaux à Ouargla et à Tébessa”, relate TSA Algérie.
En effet, le site algérien poursuit en signalant que “plusieurs centaines de personnes ont organisé jeudi 26 juillet, en soirée, une prière de rue devant le théâtre de verdure d’Ouargla pour empêcher un concert de musique que devait animer le chanteur Kader Japonais. Ils ont dénoncé leur marginalisation et réclamé leur part de développement. À Tébessa, une vidéo relayée sur les réseaux sociaux montre des personnes barbues et vêtues en kamis [vêtement long] faire irruption dans un quartier pour arrêter une fête animée par des musiciens.”
Des intimidations accompagnées d’une campagne sur les réseaux sociaux “qui s’est propagée comme une traînée de poudre pour faire reculer les organisateurs d’autres festivités”, écrit par ailleursTSA Algérie. Avec le slogan “Khalih ighani wahdou” (“Laisse-le chanter seul”), cette campagne dénonce les budgets faramineux consacrés à ces festivals et spectacles souvent subventionnés ou organisés par le ministère de la Culture. Des dépenses considérées comme du gaspillage alors que les ressources de l’État accusent un net recul avec la baisse des revenus pétroliers. Dans ce contexte, les citoyens sont appelés à des prières géantes devant les salles pour marquer leur opposition à la tenue des manifestations culturelles et artistiques. “En somme, la culture est considérée comme un luxe qu’on ne peut s’offrir qu’après avoir vaincu le chômage, la chaleur, les ordures… Mais est-ce tout ?”
Sommations obscurantistes
Liberté Algérie constate pour sa part que “des spectacles ont été annulés dans plusieurs endroits du pays. Ici, par des groupes improvisés de ‘maintien de l’ordre moral’, et là par décision d’autorités prévoyantes préférant battre en retraite devant la menace de descentes islamistes en colère contre la fête.”
Et de s’indigner :
Depuis cette choquante expérience du terrorisme [durant la guerre civile des années 1990], dès que quelques barbus hirsutes nous rappellent à l’ordre, notre pouvoir se hâte de transformer leur vœu en acte. Il suffit que trois poilus en savates trimbalent une pétition dans un quartier, et ils vous ferment un bar ouvert depuis 1903 ! Et parfois, il fait l’effort de devancer leurs desiderata. Et d’interdire lui-même les spectacles pour que leurs troupes n’aient pas à les perturber. Et pour que le pouvoir lui-même n’ait pas à assumer son devoir d’ordre public face à eux. C’est ainsi que le régime défend la République : en la faisant plier devant les sommations obscurantistes.”
Même son de cloche dans El-Watan qui demande : “À quoi sert la Culture ?” avant de citer le poète et universitaire Achour Fenni, qui s’interroge : “Pourquoi les revendications sociales et le slogan de l’austérité ne sont brandis que lorsque cela concerne la culture ? Les mêmes revendications peuvent-elles être exprimées contre le foot par exemple ?” Et d’asséner : “On ne combat pas le terrorisme seulement avec les armes. Le terrorisme ne se niche pas que dans les maquis.”
Le quotidien algérien signale qu’Achour Fenni a publié un document officiel qui montre la répartition du budget de fonctionnement pour l’année 2018 entre les différents ministères, en le dédiant à “ceux qui estiment que la culture est la cause de leur tristesse”. Cela pour démontrer que le ministère de la Culture est le parent pauvre des politiques publiques, avec un budget de fonctionnement d’un peu plus de 15 milliards de dinars [108 millions d’euros].
TSA Algérie déplore que “les activités artistiques soient taxées d’inutilement budgétivores et – pis encore – de contraires aux valeurs risque bien d’élargir le désert culturel dans lequel l’Algérie baigne depuis déjà longtemps”.
Hoda Saliby
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