Olivier Bonfond est un économiste belge, conseiller au CEPAG, membre du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM). Celui qui se présente comme un « éducateur populaire » est également l’auteur de Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde. Un livre né d’une « frustration » : l’absence de visibilité des alternatives au système néolibéral. Dans son livre Olivier Bonfond développe de nombreuses alternatives sur différentes thématiques (finance, démocratie, éducation, féminisme, inégalités etc.) et nous explique pourquoi nous avons de bonnes raisons de croire au changement. Sans transition ! l’a rencontré aux dernières Rencontres Déconnomiques d’Aix-en-Provence, le 7 juillet dernier.
Vous parlez de « rompre avec le fatalisme » : notre société est-elle résignée face au modèle néolibéral ?
Les dirigeants politiques acquis au néolibéralisme et les médias dominants essaient de nous faire croire que nous devons nous résigner. Ce n’est pas vrai. Parallèlement à la montée des idées conservatrices, réactionnaires et xénophobes, nous assistons à la montée de la conscience critique et progressiste dans de nombreux pays. Des millions de personnes ne supportent plus de vivre dans le système inhumain du capitalisme et font pression sur le monde politique. En Espagne, les Indignés du 15-M ont ouvert la voie à des mobilisations sociales de grande ampleur. Lors du référendum de juillet 2015 en Grèce, malgré des années de luttes et une pression médiatique énorme, les citoyens ont répondu « non » à 61% au plan d’austérité de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne - BCE, Fonds monétaire international - FMI). En France, le mouvement Nuit debout a tiré de l’apathie politique de nombreux jeunes pour en faire des militant-e-s. Aux États-Unis, la campagne de Bernie Sanders a prouvé que 15 millions d’Américains sont favorables à un programme politique réellement progressiste (taxe sur les grosses fortunes, gratuité des collèges et universités, augmentation du salaire minimum de 7 à 15 dollars, sécurité sociale pour toutes et tous, régulation bancaire, …). En Angleterre, les propositions résolument à gauche de Jérémy Corbyn ont permis au Parti travailliste de réaliser la plus grande percée électorale aux élections législatives de juin 2017 depuis celles de 1945 !
Mais ce sont les dirigeants libéraux qui finissent par l’emporter, non ?
C’est vrai qu’en France aujourd’hui, c’est Macron et pas Mélenchon qui est aux leviers de commande, aux États-Unis Trump et pas Sanders, en Angleterre Theresa May et pas Jeremy Corbyn. Les essais n’ont pas encore été transformés, mais ça bouge et nous sommes dans une dynamique où la pensée progressiste de gauche monte en puissance. C’est le rôle de tous les citoyens de renforcer cette dynamique et concrétiser des victoires démocratiques et sociales.
Quels leviers doivent être actionnés pour amorcer un changement du système ?
Nous aurons besoin d’un mouvement social suffisamment puissant pour obliger nos représentants à servir les intérêts des populations et non pas ceux des puissances économiques et financière
Pour que des alternatives globales et durables se mettent en place, il est vrai que nous aurons besoin d’un mouvement social suffisamment puissant pour obliger nos représentants à servir les intérêts des populations et non pas ceux des puissances économiques et financières. Mais il est vrai aussi qu’il n’est pas constructif d’attendre une grande révolution sociale pour commencer à agir. Répéter indéfiniment et de manière abstraite qu’« un autre monde est possible » ne sert pas à grand-chose. Il faut donner du contenu concret à ce slogan. Que ce soit via des actions individuelles, via des initiatives locales ou via une participation à des mouvements s’attaquant à des questions globales, les possibilités d’agir concrètement au quotidien sont multiples.
Je crois qu’il faut éviter le piège de la solution miracle. Certains affirment que pour changer la société, il faut d’abord se changer toi-même », d’autres pensent que tout repose sur l’éducation, d’autres encore considèrent la mobilisation sociale et politique comme seule capable de transformer la société. Dans ce débat, personne n’a vraiment tort ou raison. C’est en réalité une erreur de vouloir choisir une seule de ces démarches. Parce qu’elles sont toutes importantes, qu’elles sont reliées entre elles et qu’elles se renforcent mutuellement, ces démarches doivent s’envisager de manière simultanée et interactive.
Quels sont les exemples de mobilisations sociales et de décisions politiques qui peuvent nous faire dire que certaines choses vont dans le bon sens ?
Les bonnes nouvelles et les victoires sont plus nombreuses que ce que l’on croit. Sur le site www.bonnes-nouvelles.be, on publie environ une victoire sociale, écologique, démocratique ou culturelle tous les deux jours. Par exemple, en mai 2018, en Belgique, après une grève de 10 jours, les travailleuses de Lidl ont obtenu une augmentation des effectifs et une diminution des cadences. Cela montre bien que la grève reste un outil très utile pour remporter des conquêtes sociales et ne pas se faire écraser par le capitalisme. En Islande, le non-respect de l’égalité salariale de genre fait maintenant l’objet de sanctions. C’est par ailleurs un État qui applique des mesures intéressantes au niveau du contrôle des flux de capitaux. En France, le Conseil Constitutionnel vient tout juste de reconnaitre la fraternité comme un principe constitutionnel et a affirmé « qu’il découle de ce principe la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». C’est une prise de position très importante et encourageante !
Olivier Bonfond , Célia Pousset
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.