L’actrice et activiste syrienne May Skaf, décédée d’une crise cardiaque à Paris, le 24 juillet 2018. Photo tirée de la page Facebook de May Skaf.
La « fleur de la révolution » syrienne s’en est allée. May Skaf, actrice, était parmi les premières à descendre dans les rues du vieux Damas pour protester contre le pouvoir de Bachar el-Assad en 2011, alors que les manifestations étaient jusqu’alors limitées aux autres villes.
May Skaf a été emportée par une crise cardiaque, selon certains activistes, lundi, dans son exil parisien. Depuis cette annonce, de nombreuses personnalités, notamment de l’opposition syrienne, dans tout ce qu’elle compte d’activistes, d’artistes ou d’intellectuels, en Syrie ou ailleurs, pleurent sa disparition. Nombre d’entre eux rappellent le dernier message d’espoir lancé sur Facebook par l’actrice de 49 ans, quelques jours avant sa mort. « Je ne perdrai jamais espoir... Il s’agit de la grande Syrie, pas de la Syrie d’Assad », avait-elle lancé, fidèle à ses valeurs malgré les avancées toujours plus rapides des forces du régime, soutenues par la Russie, dans leur reconquête du territoire syrien.
Optimisme et intransigeance
« Elle laisse un grand vide », réagit le photographe franco-syrien, Ammar Abd Rabbo, contacté par L’Orient-Le Jour. « Elle avait un rôle symbolique et charismatique important pour l’opposition syrienne, on la voyait beaucoup dans les manifestations d’opposants à Assad organisées à Paris », raconte-t-il, décrivant May Skaf comme une personne très libre. Elle était « intransigeante, même vis-à-vis de certains comportements de l’opposition », comme la corruption et l’islamisation, se souvient-il. « Après le choc de la nouvelle de sa mort, j’ai pensé qu’au moins, avec son départ, elle n’aura jamais à transiger, à se compromettre » en revenant sur ses valeurs.
Avec un peu de lassitude dans la voix, M. Abd Rabbo se souvient de l’actrice comme d’une personne « à la fois très souriante et très triste... Comme beaucoup de Syriens. Elle portait le poids de la tragédie qui touche le pays tout en ayant un énorme amour de la vie et beaucoup d’optimisme ». Le photographe se rappelle avoir été marqué par le changement physique de Mme Skaf à son arrivée en France. « Elle avait arrêté de faire attention à son physique, ce qui a pu frapper les gens qui l’avaient connue comme actrice. C’était une manière pour elle de faire primer l’être sur le paraître, de donner toute la priorité à son engagement », dit-il. Elle était d’ailleurs très engagée sur le sort des détenus dans les geôles syriennes, où elle avait été elle-même enfermée à plusieurs reprises. « Elle ne parlait de la prison que pour en rire, elle disait qu’elle n’y avait passé que quelques mois, contrairement à d’autres, et militait pour savoir ce qu’étaient devenus tous ces gens incarcérés », souligne Ammar Abd Rabbo.
Arrêtée par le régime syrien à plusieurs reprises, notamment à l’été 2012, après avoir participé à une manifestation d’intellectuels anti-Assad à Damas, May Skaf était parvenue à quitter le pays, passant par la Jordanie pour gagner Paris.
« Icône syrienne »
Dans une sobre présentation de l’opposante, publiée sur les réseaux sociaux et partagées par de nombreux internautes, le journaliste et activiste politique Rami Jarrah la décrit comme quelqu’un qui « avait dédié toute son énergie à rappeler aux autres qu’il faut donner une voix aux problèmes des gens ». « Même si sa mort fut paisible, elle l’oblige à être enterrée ailleurs, loin du pays qu’elle aimait et où elle pensait qu’elle reposerait éternellement. Et si ceux qu’elle aime seront là pour lui dire +adieu+, c’est parce qu’ils sont, eux aussi, privés de leur pays, vivant dans des limbes infinies d’incertitude », regrette l’activiste.
Sur le site du quotidien panarabe « Al Quds Al Arabi », basé à Londres, le journaliste syro-palestinien Rached Issa appelle à « se souvenir de May Skaf, l’artiste de l’opposition syrienne, comme une icône syrienne ». « Sa voix n’a jamais manqué à l’appel, elle n’a jamais faibli (...) Elle était la preuve que la révolution n’était pas confessionnelle, religieuse ou armée », écrit-il.
Ali Ferzat, dessinateur et caricaturiste politique et fervent opposant au régime de Bachar el-Assad a préféré l’optimisme. En quelques traits, et sans commentaire, il a imaginé May Skaf faisant, de son cercueil, le signe de la victoire.
« Conditions suspectes »
Du côté des proches de « l’actrice du peuple », comme elle a été surnommée par beaucoup, la tristesse est teintée de suspicions entourant la mort de l’opposante. L’auteure syrienne Dima Wannous, proche de May Skaf, a ainsi dénoncé les « conditions suspectes » du décès de Mme Skaf. « Chers amis, je m’excuse de ne pas répondre à vos appels et messages... Ma famille et moi sommes dans une situation très difficile. C’est vrai, May est décédée. Nous l’avons perdue et cette perte est douloureuse... », a-t-elle écrit avant de lancer « May est décédée dans des circonstances suspectes et nous attendons les résultats de l’enquête ! »
« La liberté ne meurt jamais »
Au Liban, c’est en partageant sur son compte Twitter une vidéo reprenant des apparitions médiatiques de l’actrice, que le chef du Parti socialiste progressiste libanais, Walid Joumblatt, lui a rendu hommage. « Adieu May Skaf, l’icône de la révolution syrienne, a-t-il écrit. Quelles que soient les circonstances, la liberté ne meurt jamais ».
Et les hommages ont également fleuri au-delà des communautés syrienne et libanaise. La journaliste yéménite et activiste pour les Droits de l’Homme Tawakkol Karman, lauréate du Prix Nobel en 2011, a notamment salué « l’artiste révolutionnaire du printemps arabe et du printemps syrien, qui fera tôt ou tard plier bagage aux fascistes de la famille Assad ». « La voix de May, qui proclame +Nous voulons la liberté+ persistera. Son visage, ses convictions, son innocence, sa tolérance, sa sincérité et sa motivation persisteront. Elle est décédée alors qu’elle espérait l’apparition d’une nouvelle génération pour construire le futur de la Syrie... et je pense que ses espoirs se matérialiseront », a-t-elle écrit.
Assez notoirement, aucune agence de presse, ni aucun journal officiel syrien n’ont annoncé le décès de Mme Skaf.
En 2013, May Skaf faisait partie des signataires d’une pétition rédigée par des dizaines d’intellectuels syriens, qui déclarait que « le salut de la Syrie résidait dans le renversement du régime » et réaffirmait son attachement aux valeurs de la révolution comme la liberté, la dignité, la justice sociale et l’unité nationale. Les signataires de cette pétition militaient également en faveur de « l’instauration d’un régime démocratique pluraliste, garant de l’indépendance, de la sécurité et de l’intégrité territoriale du pays, ainsi que des libertés individuelles et collectives et de l’égalité entre tous les citoyens sans aucune forme de discrimination ».
Claire GRANDCHAMPS
• L’Orient-Le Jour, 24/07/2018 :
https://www.lorientlejour.com/article/1126938/pluie-dhommages-pour-may-skaf-la-fleur-de-la-revolution-syrienne.html
L’actrice et militante Fadwa Suleimane, icône de la révolution syrienne, est décédée
L’actrice et militante syrienne Fadwa Suleimane, réfugiée en France après avoir participé au soulèvement contre le régime de Bachar el-Assad, est décédée jeudi 17 août des suites d’un cancer. Photo d’archives AFP
L’actrice populaire de 44 ans, qui appartenait à la communauté alaouite, celle du président Assad, avait participé aux manifestations pacifiques à Damas au début du soulèvement en 2011.
L’actrice et militante syrienne Fadwa Suleimane, réfugiée en France après avoir participé au soulèvement contre le régime de Bachar el-Assad, est décédée des suites d’un cancer, ont indiqué jeudi ses proches.
« Elle est décédée dans la nuit des suites d’un cancer » dans un hôpital de la banlieue parisienne, a déclaré à l’AFP l’acteur syrien Farès al-Helou, qui vit également en France, soulignant qu’elle était restée active jusqu’au bout, participant à des manifestations culturelles.
« Fadwa nous a quittés, elle a quitté ce monde laid », a écrit sur sa page Facebook son beau-frère, Hassane Taha.
Actrice populaire, Fadwa Suleimane, 44 ans, qui appartenait à la communauté alaouite, celle du président Assad, avait participé aux manifestations pacifiques à Damas au début du soulèvement en 2011, et avait tenté de convaincre les villes alaouites de Lattaquié (nord-ouest) et Tartous (ouest) de rejoindre le mouvement.
Elle était devenue une icône de la révolution syrienne lorsqu’elle avait appelé à visage découvert à résister au régime, lors d’une manifestation retransmise par les télévisions à Homs (ouest), bastion sunnite de l’insurrection, « pour empêcher la révolution de devenir une guerre confessionnelle ».
A Homs, puis à Damas où elle a vécu dans la clandestinité, Fadwa Suleimane avait mis au service du soulèvement une notoriété acquise au théâtre et dans des séries télévisées.
Menacée, elle avait traversé clandestinement à pied la frontière avec la Jordanie avant de se réfugier en France, d’où elle s’était déclarée dans un entretien avec l’AFP¨en 2012 amère de voir « une révolution pacifique virer à la guerre civile ».
Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pro-démocratie et opposant initialement armée et rebelles, le conflit en Syrie s’est complexifié au fil des ans avec l’implication d’acteurs régionaux, de puissances étrangères et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé. Il a fait plus de 330.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
OLJ/AFP
• L’Orient-Le Jour, 17/08/2017 :
https://www.lorientlejour.com/article/1067737/lactrice-et-militante-fadwa-suleimane-icone-de-la-revolution-syrienne-est-decedee.html
L’actrice syrienne anti-Assad May Skaf arrêtée à Damas
May Skaf, une actrice syrienne reconnue qui a pris le parti de l’opposition au régime du président Bachar el-Assad a été arrêtée jeudi, a annoncé un avocat engagé dans la défense des droits de l’Homme, Anouar al-Bounni.
« Aujourd’hui (jeudi) à midi, les forces de sécurité ont arrêté l’actrice libre May Skaf alors qu’elle rentrait chez elle » à Damas, a écrit Me Bounni sur Facebook.
L’actrice a appelé son fils depuis son téléphone portable pour lui dire que des membres des forces de sécurité lui avaient confisqué sa carte d’identité à un poste de contrôle, et depuis, son téléphone est éteint, a-t-il ajouté.
Cette arrestation « confirme que les autorités syriennes (...) cherchent à faire taire les figures politiques et culturelles afin de pouvoir établir la crédibilité de leurs histoires sur le combat du régime contre le terrorisme », a dénoncé l’avocat.
Contesté depuis plus de deux ans par une révolte populaire qui s’est transformée en guerre civile, le régime de M. Assad ne reconnaît pas l’ampleur de la contestation et assure depuis le début lutter contre des « terroristes ».
May Skaf a régulièrement critiqué le régime, en particulier sur sa page Facebook. A l’été 2012, elle avait passé trois jours en détention après avoir participé à une manifestation d’intellectuels anti-Assad à Damas.
Elle est connue principalement pour son rôle dans Khan al-Harir, une série télévisée dans laquelle elle a incarné une femme menant des manifestations.
AFP 16/05/2013