Des organisations de toute nature interviennent dans le champ de l’aide internationale en Haïti depuis le XIXe siècle, avant même que l’aide ne prenne l’appellation d’“aide au développement” en 1949.
Parmi les plus anciennes, il y a les organisations religieuses de toutes confessions, spécialisées dans l’évangélisation et l’éducation. Il y a eu ensuite les agences et les organismes des pays amis qui offrent de l’aide bilatérale. Puis, les organisations régionales ou mondiales qui se sont installées sur le terrain de l’aide multilatérale.
Enfin, il y a les organisations non gouvernementales, les plus récentes. Entre les mailles du filet des définitions, il y a des intervenants qui n’appartiennent à aucune des catégories précitées, mais qui sont actifs en Haïti.
L’aide au développement, l’aide humanitaire, l’aide d’urgence et la coopération en général passent par une forme quelconque d’organisation importée.
Tout ce beau monde, pour résoudre l’un de nos problèmes ou prêcher sa bonne parole, se présente un jour en Haïti, et remplit des formulaires ou commence à intervenir dans l’urgence.
Les ONG sans filet
Certains donneurs d’aide arrivent avec leur réputation, leurs gros projets, leur enseigne. Ils ont pignon sur rue. Une légitimité. Un historique.
D’autres n’ont dans leur bagage qu’une ou deux personnes de bonne foi, ou non, qui se mettent elles aussi au service d’une idée, ou se dressent contre une autre.
Haïti étant demandeur et peu regardant depuis quelques années, tout ce beau monde s’installe et fait à sa guise.
L’aide est ici chez elle. Les donneurs encore plus.
Les plus rigoureux s’inscrivent sur les registres du ministère de la Planification et de la Coopération externe, ou l’ont fait, dans le temps. Certains ne savent même pas qu’il existe en Haïti un ministère qui a la charge de coordonner l’assistance internationale de quelque forme ou nature qu’elle soit.
Dans l’un des pays les plus ouverts du monde comme Haïti l’est devenu, même les organismes les plus tatillons finissent par oublier de remplir les formalités, ne les remplissent pas toutes ou n’en ont jamais rempli aucune.
En Haïti, on n’a jamais mis dehors ou hors service un donneur à qui il manquait un papier ou un tampon.
L’absence de tout contrôle
La première et dernière fois que le ministère de la Planification et de la Coopération externe a publié une liste d’ONG non reconnues, la surprise fut grande d’y trouver des organisations respectables ou reconnues comme telles.
Cela vaut comme diagnostic de la liberté la plus totale que prennent ou dont jouissent nos donneurs dans le pays.
Mais, en fait, qui sait en Haïti combien il y a de projets financés par l’aide bilatérale ou multilatérale ? Où est le tableau de bord ?
Où tient-on la comptabilité de l’assistance étrangère ?
Qui a le décompte des fonds promis ? Des dépenses réellement effectuées sur place et des fonds versés par le pays donateur ?
Qui connaît le nombre d’emplois créés ici par l’aide ? Qui contrôle les salaires versés et les avantages dont bénéficient les experts ?
Qui demande des comptes sur les projets annoncés et jamais réalisés, ou bien partiellement achevés, ou encore qui souffrent de malfaçons et autres vices ?
Des Haïtiens trop peu curieux
Haïti se contente d’être demandeur. Nous ne sommes pas regardants sur l’aide reçue. Ni sur sa qualité. Ni sur son apport. Ni sur les problèmes qu’elle cause à la population locale, à la production nationale. Ni sur les déséquilibres de toutes sortes qu’entraîne un don, un prêt, une annulation de dette.
Personne n’exerce une police de l’aide efficace. Alors, quand en 2011 Oxfam a émis un communiqué pour annoncer que des employés avaient été renvoyés pour inconduite, cela n’a titillé la curiosité de personne.
Combien de responsables haïtiens se sont dit à l’époque que l’argent des donneurs appartenait aux donneurs, et qu’ils avaient le droit d’en faire ce que bon leur semblait… ?
Combien d’Haïtiens se demandent aujourd’hui encore en quoi le scandale Oxfam nous concerne ?
Combien, parmi nous, essaient de décrypter le signal d’alerte derrière le malaise des prostituées payées avec l’argent de l’aide ?
En fait, en notre nom, pendant que vous lisez ces lignes, de l’argent est dépensé pour Haïti sans que personne ici ne s’en soucie ni ne s’en inquiète.
Haïti est le paradis de l’aide. Une aide sans objectif clair, sans évaluation soutenue, sans résultat vérifié. Sans indicateur de performance. Sans finalité parfois. De l’aide mise d’abord au service du donneur. Pas du pays le plus pauvre de l’hémisphère.
Frantz Duval
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.