Un an après la “LexNGO2017” obligeant les ONG percevant plus de 24 000 euros de fonds étrangers par an à s’inscrire sur une liste d’Etat tout en mentionnant ce soutien sur leurs publications, la version 2018 adoptée mercredi 20 juin criminalise l’aide des ONG aux migrants. Concrètement, un activiste ou responsable d’association risque un an de prison ou une interdiction de s’approcher à moins de huit kilomètres de la frontière extérieure de Schengen s’il assiste par exemple un demandeur d’asile dans la constitution de son dossier ou s’il distribue des brochures d’information.
Surnommée “Stop Soros” car visant essentiellement les organisations financées par le milliardaire en Hongrie, la loi millésime 2018 a été validée par le groupe Fidesz allié aux chrétiens du KDNP (chrétiens-démocrates) et la très droitière fraction Jobbik sans attendre les conclusions définitives de la Commission de Venise chargée d’examiner ce pack législatif hautement controversé. Les parlementaires ont aussi approuvé une modification de la Constitution limitant le droit de réunion, prohibant la mendicité et créant des tribunaux administratifs aussi puissants que la Cour de Cassation.
“Défense de la culture chrétienne”
“L’Assemblée a dit « oui » à la souveraineté de la Hongrie. La septième révision constitutionnelle défend la culture chrétienne et empêche l’implantation incontrôlée de populations étrangères tandis que Stop Soros punit la promotion et le soutien à l’immigration illégale”, souligne Origo. “Les politiciens soutenant le parti du migrant peuvent jacasser et s’emporter autant qu’ils le voudront durant les prochains jours, personne ne peut s’opposer ni se soustraire à la volonté majoritaire du peuple hongrois exprimée on ne peut clairement hier par le Parlement”, renchérit le quotidien Magyar Hírlap.
Les principales cibles telles qu’Amnesty International ou le Comité Helsinki ont dénoncé une attaque « abominable » compliquant considérablement leur mission menée auprès des migrants. Au-delà des critiques qu’il suscite de la part d’Human Rights Watch au Parlement européen, ce vote revêt une signification puissamment symbolique puisqu’il s’est déroulé durant la journée mondiale des réfugiés. Le gouvernement de Viktor Orbán prépare les contours d’une taxe de 25 % sur les ONGsoupçonnées de porter assistance d’une manière ou d’une autre aux migrants insérée mardi au sein d’une loi de finances.
“Stigmatisation de ceux qui aident leur prochain”
“Les députés viennent d’adopter la loi la plus cruelle, cynique et sournoise de ces dernières décennies. Le gouvernement se réclamant de la démocratie chrétienne renie la Bible et les Dix Commandements en menaçant, intimidant et stigmatisant ceux et celles qui aident leur prochain”, rétorque Zoom.hu. “Ce texte basé sur des présomptions classe par définition les ONG et les groupes de défense des droits de l’homme au rang de pourvoyeurs d’immigrants illégaux à l’instar des fondations Soros dont la position sur la thématique des réfugiés s’appuie simplement sur le droit international”, relève le portail Mérce.
L’adoption de “Stop Soros” couronne le durcissement de la politique migratoire mené par la Hongrie depuis la fermeture de la route des Balkans via une clôture de 175 kilomètres bâtie à la frontière serbe mais aussi l’aboutissement de deux années d’intense campagne gouvernementale dépeignant George Soros en ennemi d’Etat. Un nouveau test d’envergure pour l’Union Européenne alors que Viktor Orbán reçoit ce jeudi à Budapest le chancelier autrichien Kurz et son homologue slovaque Pellegrini appuyant la fermeté du dirigeant magyar sur les réfugiés et les demandeurs d’asile.
Joël Le Pavous
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