Une série de manifestations secoue depuis le week-end dernier plusieurs villes du Vietnam. Un événement rare dans ce pays communiste où les rassemblements sont très contrôlés. Les manifestants contestent un projet de loi sur les zones économiques spéciales. Ces zones accueillent des entreprises aux capitaux étrangers, dont un nombre important d’usines chinoises.
“Près de 100 personnes ont déjà été arrêtées, note le quotidien de Hong Kong The South China Morning Post, mais mercredi des manifestants se sont à nouveau réunis dans la zone industrielle de Tan Huong, dans la province méridionale de Tiên Giang, brandissant des banderoles avec des slogans ‘J’aime ma patrie – ne cédons pas notre terre à la Chine’.”
Les manifestants dénoncent un projet de loi sur les zones économiques spéciales qui porterait la durée de la location des terrains à 99 ans, contre 70 actuellement.
Facebook et Google sous contrôle
“Les manifestations antichinoises – les pires au Vietnam depuis 2014 – ont commencé le 9 juin dans l’usine de fabrication de chaussures Pou Yuen à Ho Chi Minh-Ville, où les manifestants ont contesté le projet du gouvernement de mettre en place trois zones économiques spéciales”, précise le journal.
En 2014, le saccage de plusieurs usines, dans une vague de manifestations antichinoises, avait causé la mort de deux personnes.
La colère contre le gouvernement est aussi alimentée par la nouvelle loi sur la cybersécurité, précise The South China Morning Post.
Cette loi adoptée par les parlementaires le 12 juin exige désormais que les entreprises étrangères de technologie, “notamment Facebook et Google, ouvrent des bureaux au Vietnam et conservent les données personnelles ‘importantes’ des internautes”, détaille The South East Asia Globe.
Le texte contraint également les réseaux sociaux à “enlever de leur site tout contenu offensant” dès réception d’une notification de la part des autorités vietnamiennes.
Jusqu’ici, Google et Facebook opéraient au Vietnam depuis leurs bureaux de Singapour.
Disparition d’un espace de liberté
Le blogueur Anh Chí dénonce sur son compte Twitter cette nouvelle législation, indiquant qu’elle restreint encore plus la liberté des internautes.
Facebook et Twitter offraient jusqu’à présent un espace d’expression libre. Un contraste saisissant face aux contrôles de l’ensemble des titres de la presse vietnamienne par les autorités politiques.
Anh Chí a été arrêté et demeure sous surveillance policière pour des messages critiquant la politique du Parti communiste vietnamien :
No safe space for us to express our opinion anymore.
https://www.voanews.com/a/Vietnam-cybersecurity/4434967.html …
— Anh Chí (@AnhChiVN) 9:03 PM - Jun 12, 2018 · Hanoi, Vietnam
Dans un autre tweet, le blogueur relaie les résultats d’un sondage qui indique que 94 % des personnes interrogées sont contre le nouveau texte.
Despite of the will of Vietnamese people, rubber stamp Parliament of Vietnam voted to pass the #Cybersecurity law in order to use it as a legislative tool to silence any critical voice.
— Anh Chí (@AnhChiVN) 2:08 PM - Jun 12, 2018 · Hanoi, Vietnam
“Malgré la volonté du peuple vietnamien, la chambre d’enregistrement qu’est le Parlement vietnamien a adopté la loi sur la cybersécurité. Une législation qui servira d’outil pour faire taire toutes les voix critiques”, écrit-il.
Vu de Chine, les réseaux sociaux attisent la colère
Le journal ultranationaliste de Pékin Huanqiu Shibao tisse d’ailleurs un lien entre les manifestations antichinoises et l’absence jusqu’ici de contrôle des réseaux sociaux, regrettant que “la capacité technologique vietnamienne de contrôle d’Internet soit limitée ; ainsi, les réseaux sociaux occidentaux comme Facebook fonctionnent dans le pays”.
Il déplore que “l’opposition profite d’Internet pour les mobilisations et la communication politique”.
Car, précise le journal, “la durée de location des terres dans les zones spéciales est encadrée par la loi vietnamienne, c’est une question typique de la législation économique. Même s’il existe différents points de vue, il est possible de discuter par des moyens légaux en respectant la loi vietnamienne”.
Le gouvernement a décidé de reporter à octobre l’examen du texte sur les zones économiques spéciales.
En 2017, plusieurs blogueurs ont été condamnés à des peines de prisons pour des messages postés sur Facebook.
Courrier International
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