Et maintenant ? Marie-George Buffet confirmée comme candidate en 200 par les militants communistes, quid du rassemblement antilibéral qu’ell entendait incarner ? Représentants de la gauche radicale et communiste ont acté que le mouvement né dans la foulée du référendum de 2005 avai vécu. Du moins sous sa forme actuelle. Les premiers n’entendent pas s lancer dans la campagne derrière Buffet. « A ce stade, je suis bien en peine de dire si et qui je soutiendrais en 2007 », a expliqué hier Clémentine Autain (lire l’entretien sur libération. fr). Le syndicaliste Claude Debons, lui, a assuré hier qu’il « ne collera pas les affiches des diviseurs ». Quant à la numéro 1 du PCF, qui plafonne à 3 % dans les sondages, elle prévoit de donner dès aujourd’hui le coup d’envoi de sa campagne : elle sera l’invitée ce soir du journal de TF1.
Comme prévu, donc, Buffet, 57 ans, a été relégitimée par les communistes : 81 % d’entre eux souhaitent qu’elle « porte le rassemblement antilibéral » à la présidentielle, contre 19 % qui auraient voulu qu’elle se retire. Organisé dans l’urgence, ce scrutin a mobilisé 56 % des quelque 94 000 adhérents. Buffet avait déjà été « présentée » par 96 % des communistes, début novembre. Les collectifs antilibéraux l’avaient désignée à 55 %, mi-décembre. Mais son nom avait été rejeté par le collectif national, au motif qu’elle ne faisait pas « consensus », puisque étant chef de parti.
Malgré cette « rupture », comme l’explique Claude Debons, coordinateur du collectif, l’ex-ministre de Jospin entend rattacher les wagons avec les antilibéraux. Et surtout avec les collectifs locaux, dont nombre sont à majorité communiste. Au risque d’entretenir « l’ambiguïté », selon un responsable antilibéral, le premier tract de sa campagne est titré « L’urgence » et surtitré « Rassemblement antilibéral ». Buffet fera aussi siennes les 125 propositions contenues dans le programme des antilibéraux. Selon l’expression d’Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, elle devrait aussi proposer « un modus vivendi » à ses partenaires du collectif national. Et leur promettre une nouvelle union pour les législatives qui suivront la présidentielle. « Certains veulent faire de la politique autrement, ironise un responsable PCF. Mais ils sont très intéressés par des mandats. »
Pas sûr que les tenants de la gauche radicale entrent dans ce petit jeu. « Nous voulions un accord global présidentielle-législatives, réplique Claude Debons. Maintenant, nous voulons regrouper les autres forces antilibérales, pour discuter avec le PCF dans un rapport de forces plus favorable. Nous ne souhaitons pas être des poussières face à un rocher. »
Ils n’entendent pas plus se lancer dans l’aventure présidentielle sous leurs propres couleurs. « Je n’imagine en tout cas pas une candidature supplémentaire : ce serait ajouter de la division à la division », explique Clémentine Autain, qui a été candidate à l’investiture. Claude Debons abonde : « Nous sommes pour une candidature unitaire. Nous n’en voulons pas d’une troisième aux côtés de celles de Marie-George Buffet et d’Olivier Besancenot. » Pourtant, certains n’ont peut-être pas abandonné cette idée. Notamment du côté des amis de José Bové : « Tout est ouvert », explique l’entourage de l’altermondialiste, pour nuancer aussitôt : « Mais ce n’est pas l’hypothèse la plus probable. » Encore faudra-t-il voir dans quelques semaines comment les événements évolueront et savoir, par exemple, si le porte-parole de la LCR est en mesure d’obtenir les 500 parrainages d’élus requis.
* Paru dans le quotidien français Libération le 22 décembre 2006.
La gauche radicale en désordre de marche
Les militants PCF devraient confirmer la désignation de Marie-George Buffet, condamnant toute candidature unique des antilibéraux.
Par Pascal VIROT
Libération, jeudi 21 décembre 2006
Au feu ! La maison commune de la gauche de la gauche, construite a printemps 2005 avant la victoire du non au référendum européen, brûle l’hiver 2006. Sauf énorme surprise, Marie-George Buffet devait êtr confirmée hier comme candidate à la présidentielle par les militant communistes. Et eux seuls. Autant dire que le rassemblement antilibéral qui s’est fortement lézardé ces dernières semaines, risque de se disloque dès aujourd’hui
Hostilité à Royal. Une candidature Buffet « aboutira à l’explosion des collectifs », a ainsi prévenu hier Clémentine Autain. L’adjointe (apparentée PCF) à la mairie de Paris juge « suicidaire » le forcing de la numéro 1 communiste. Y compris pour le PCF. Quant au sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon, noniste en 2005, et qui a fait des offres de services aux antilibéraux pour 2007 par hostilité à Ségolène Royal, il a dressé hier l’acte de décès du rassemblement. « Je pense que c’est fini », a-t-il dit sur RTL. L’échec était annoncé, tant l’histoire, la culture et les pratiques politiques diffèrent entre les composantes des collectifs antilibéraux. Et peut-être le mariage était-il impossible entre la gauche « partidaire » (LO, LCR, PCF) que l’historien et politologue Marc Lazar qualifie de « néocommuniste » (1) et la gauche « mouvementiste ».
Pourtant, toutes les composantes de ce collectif antilibéral (PCF, minoritaires de la LCR et des Verts, groupes issus du chevènementisme, comme Mars, ou Gauche républicaine, proche du socialiste Jean-Luc Mélenchon, Convergence citoyenne de Claire Villiers, etc.), ses adhérents (syndicalistes, altermondialistes, défenseurs des « sans », féministes, non-encartés, etc.) et leurs figures de proue (Clémentine Autain, José Bové, Patrick Braouezec, Yves Salesse, Claude Debons, etc.) étaient tombés d’accord en septembre sur un projet de 125 propositions. Mais la question stratégique de l’attitude à adopter face au PS désistement au second tour de 2007, participation à un gouvernement avait été mise entre parenthèses pour ne pas fâcher. Et pour cause : le PCF, qui participe à des exécutifs avec les socialistes, ne veut pas insulter l’avenir, alors que les autres parties prenantes sont plus que réservées vis-à-vis d’un PS « social-libéral ». Plus encore depuis que Ségolène Royal en est sa candidate.
Score soviétique. Mais la principale pierre d’achoppement touchait au nom à écrire sur le bulletin de vote pour 2007. Force la plus importante du rassemblement, le PCF a considéré que Marie-George Buffet était la candidate naturelle. D’autant que les collectifs locaux l’ont début décembre placée en tête (avec 55 % des voix) des candidats à l’investiture. Ses alliés, à commencer par José Bové et Clémentine Autain, jugent que le collectif ne pouvait être représenté par la numéro 1 du PCF. Le veto opposé à Buffet a atteint son paroxysme les 9 et 10 décembre lors d’une rencontre violente des collectifs locaux à l’île Saint-Denis. Devant cet oukase, la direction du PCF a décidé de reconsulter les militants communistes, afin qu’ils confirment le score soviétique (96 %) obtenu début novembre par Buffet...
« Vieux et nouveaux ». Au final, la gauche de la gauche est victime de ses intérêts divergents, voire contradictoires. Le PCF croyait se refaire une santé après ses échecs historiques (dont les 3,37 % obtenus par Robert Hue à la présidentielle de 2002), grâce à ses nouveaux alliés. Ses partenaires pensaient, eux, opérer une recomposition de la gauche du PS, un parti qu’ils vouent aux gémonies. Recomposition opérée en partie sur le dos du PCF. « Il fallait réaliser une synthèse entre le vieux et le nouveau », explique le syndicaliste Claude Debons. C’est raté.
(1) Libération du 12 décembre.