Comité pour le soutien de Monjib et ses co-accusés
Rabat, le 11 octobre 2017
Déclaration de presse
Mesdames, Messieurs,
C’est dans un contexte de guerre contre les droits de l’Homme, marqué par une répression sans précédent contre le mouvement contestataire du Rif (Hirak du Rif) ayant entraîné l’arrestation et l’emprisonnement de centaines de jeunes activistes et de journalistes-citoyens, via des « procès fabriqués » que le « Comité de soutien de Monjib et ses co-accusés », organise mercredi 11 octobre 2017 au siège de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), une conférence de presse. Cette rencontre avec les journalistes vise à informer les opinions publiques nationale et internationale sur les vraies raisons politiques de ce procès, qui s’ouvre devant le Tribunal de première instance de Rabat. Le comité souhaite aussi dénoncer l’acharnement judiciaire dont sont victimes les 7 accusés, puisque ce jour-là correspond à la 9e audience de ce procès.
Parmi les personnes appelées à se présenter devant le juge et qui sont réellement poursuivies pour leurs activités de défense des droits de l’homme, cinq sont accusés d’atteinte à la sécurité de l’Etat pour avoir organisé des formations sur Story Maker, une application en logiciel libre téléchargeable sur internet. Ces personnes risquent cinq ans de prison.
Ces ateliers de formation, ont été organisés dans le cadre d’un programme de promotion du journalisme citoyen au Maroc et initiées par le Centre Ibn Rochd et l’Association marocaine d’Education de la Jeunesse (AMEJ), en partenariat avec l’ONG néerlandaise Free Press Unlimited.
Il s’agit de Maâti Monjib, (historien, journaliste, président de l’association Freedom Now pour la liberté d’expression au Maroc et ex-président du Centre Ibn Rochd d’Etudes et de Communication), Hisham Almiraat (son vrai nom Hicham Khribchi, médecin, ancien directeur de Global Voices Advocacy, fondateur et ex-président de l’Association des Droits numériques-ADN), Hicham Mansouri (chargé de projet à l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation-AMJI), Mohamed Sber, président de l’AMEJ et Abdessamad Aït Aïcha (ex- coordinateur du projet de formation du Centre Ibn Rochd, journaliste et membre de l’AMJI).
Les deux autres accusés, Rachid Tarik (journaliste, actuel président d’AMJI) et Maria Moukrim (journaliste, ancienne présidente d’AMJI), sont poursuivis pour avoir omis de notifier au Secrétariat Général du Gouvernement, la réception d’un financement venant de l’étranger (pour le bénéfice de leur association - AMJI), et ce en vertu d’une réglementation dont les modalités d’application sont à géométrie variable et qui vise surtout à faire taire les associations critiques. Les deux accusés risquent d’être condamnés à payer une amende de 10 000 DH.
Pour accréditer sa thèse, l’Etat marocain a utilisé tous les moyens pour diffamer les 7 accusés via des médias proches des « services » (la police politique). Face à la fragilité des charges présumées, la police a eu recours à plusieurs moyens (mises sur écoute, interdictions de quitter le territoire, convocations aux interrogatoires, fuites organisées dans la presse de certains contenus d’interrogatoires, etc.) pour créer une psychose chez l’opinion publique et conditionner éventuellement l’appareil judiciaire.
Depuis le déclenchement de cette affaire, une campagne médiatique diffamatoire agressive vise souvent M. Monjib, comme celle orchestrée par le journal arabophone « Alakhbar » via les éditos « incendiaires » de son directeur de publication Rachid Nini. Il ressort que durant toutes ces agressions, le Pouvoir n’a pas cessé d’utiliser les médias à sa disposition (comme al nahar al maghribiya ; Cawalisse.ma ; barlamane.com ; agora-presse.com ; diaspora.ma ; le360.ma ; al ahdath al maghribiya ; ahdath.info ; lareleve.ma ; telexpresse.com, etc.) contre M. Monjib et ses compagnons, les accusant d’une chose et de son contraire, entre autres, complot contre le Maroc, dépendre idéologiquement et matériellement du prince Hicham, rupture publique du jeûne pendant le Ramadan, adultère, homosexualité, consommation de boissons alcoolisées, collaboration avec des organisations sionistes, blasphème et insulte aux sacralités, etc.
Depuis le début de cette affaire, considérée comme une atteinte à la liberté d’expression, les ONG de défense des droits de l’homme (AMDH, Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, Amnesty International, Reporters sans Frontières, Comité pour la protection des journalistes, etc.) suivent de près ce « procès politique ». Ce procès a été également au centre d’une intervention publique, lors d’un débat général pendant la 31e session du Conseil des Droits de l’homme des Nations unies à Genève en mars 2016.
Depuis les déclarations de l’ancien ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, devant le Parlement en juillet 2014 qui a accusé plusieurs ONG nationales d’œuvrer pour un agenda politique étranger, plusieurs associations se sont vu interdites d’organiser des réunions publiques ou d’obtenir leur récépissé de dépôt légal, en violation de la Constitution 2011 et des engagements internationaux du Maroc en matière de respect des droits de l’Homme. Ces attaques contre le droit d’association et de réunions pacifiques, ont amené plusieurs ONG et organisations à créer le Réseau des associations et organisations victimes d’interdiction (RAVI).
Enfin, le « Comité pour le soutien de Monjib et ses co-accusés », remercie les journalistes ici présents (es) ainsi que toutes les personnes qui se sont solidarisées avec les 7 activistes à l’échelle nationale et internationale.
Comité pour le soutien de Monjib et ses co-accusés
Les raisons politiques derrière les poursuites contre Maâti Monjib et les six activistes
1 - Accusations contre les sept militants
En date du 28 octobre 2015, le procureur du roi près le tribunal de première instance de Rabat a adressé des convocations pour se présenter au tribunal le 19 novembre 2015 aux personnes suivantes devant répondre chacune dans l’affaire portant la cote 2015/2106/8776, aux chefs d’accusations ci-dessous :
1° - Maati Monjib : Atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat (article 206 du code pénal) ; Escroquerie (article 540 du code pénal) et Administration d’une association ayant des activités autres que celles prévues dans ses statuts (article 36 du dahir sur les associations).
2° - HichamKhribchi : Atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat (article 206 du code pénal) ; Avoir reçu des aides de parties étrangères et d’organisations internationales en contravention des articles 5 et 6 du dahir sur les associations.
3° - Abdessamad Aït Aïcha : Atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat (article 206 du code pénal) ; Avoir reçu des aides de parties étrangères et d’organisations internationales en contravention des articles 5 et 6 du dahir sur les associations.
4° - Mohamed Essaber : Atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat (article 206 du code pénal) ; Avoir reçu des aides de parties étrangères et d’organisations internationales en contravention des articles 5 et 6 du dahir sur les associations.
5° - HichamMansouri : Atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat (article 206 du code pénal).
6° - Rachid Tarik : Avoir reçu des aides de parties étrangères et d’organisations internationales en contravention des articles 5 et 6 du dahir sur les associations.
7° - Maria Moukrim : Avoir reçu des aides de parties étrangères et d’organisations internationales en contravention des articles 5 et 6 du dahir sur les associations.
2 – Campagnes haineuses et agressions contre Maâti Monjib et ses compagnons
Plusieurs organes de presse, écrite et électronique, connus pour leurs liens avec les services secrets, mènent des campagnes contre Maâti Monjib et les six autres militants pour tenter de les présenter à l’opinion publique intérieure et étrangère comme des escrocs et des non-patriotes et pour préparer les poursuites en tentant de faire croire que lesdites poursuites engagées n’ont aucun caractère politique.
En réalité, Maâti Monjib préoccupe le pouvoir depuis longtemps du fait de ses activités académiques et associatives à l’intérieur du Maroc et à l’étranger, concernant le manque de démocratie, la nature du pouvoir et la concentration des richesses. Ce qui semble inquiéter le plus le pouvoir, ce sont ses interventions et écrits en français et en anglais accessibles aux médias et aux sphères des décideurs occidentaux, ainsi que ses relations étroites avec des organisations et des personnalités éminentes dans le monde entier. Pour preuve, on rappelle ce que le mystérieux lanceur d’alerte, qui se fait appeler Chris Coleman, a révélé, à savoir un e-mail adressé par un ancien fonctionnaire néo-conservateur américain aux services marocains, pour attirer leur attention sur un article de Maâti Monjib analysant le régime politique marocain dans une revue universitaire américaine en 2011.
Le pouvoir reproche à Monjib également ses efforts pour établir un dialogue entre la gauche et les islamistes qui rejettent la violence. Efforts qui sapent les efforts du pouvoir pour maintenir une hostilité farouche entre les deux camps à son avantage. Autres activités qui dérangent, Monjib encourage les jeunes journalistes et organise un prix au sein de l’Association marocaine pour le Journalisme d’Investigation (AMJI) pour des sujets comme la corruption et l’exploitation injuste des richesses au Maroc.
En date du 14 juillet 2014, Maâti Monjib a été abordé par un inconnu, alors qu’il marchait sur l’avenue Abtal (quartier Agdal) à Rabat, qui lui a lancé sur un ton comminatoire « Ta langue est trop bien pendue, apprends à la retenir ».
En date du 22 septembre 2014, Maâti a été approché par un autre inconnu qui lui a lancé « Tu as entendu parler de Daesh. Elle va s’occuper de toi ».
Le pouvoir enfin s’acharne contre Monjib du fait de la participation du Centre Ibn Roch d’Etudes et de Communication, qu’il a créé et présidé, à la formation au journalisme d’investigation en utilisant l’application Story Maker (qui permet d’enregistrer avec un Smartphone des flagrants délits de corruption ou de violence), développée par l’ONG néerlandaise Free PressUnlimited, de sa participation au Mouvement du 20-Février, et de sa présidence de l’association FreedomNow pour la Liberté d’expression (que les autorités refusent de reconnaître).
C’est pour tout cela que le pouvoir porte des accusations aussi lourdes contre Maâti Monjib et ses compagnons HichamMansouri et Abdessamad Aït Aïcha, tous deux militants du Mouvement 20-Février et membres actifs de l’AMJI, de même que contre Rachid Tarik, président actuel de cette association, Maria Moukrim, ancienne présidente) et Mohamed Essaber, président de l’Association marocaine pour l’Education de la Jeunesse (AMEJ).
3 – Agression physique contre Hicham Mansouri
HichamMansouri, proche collaborateur de Maâti Monjib , a été agressé le 24 septembre 2014, deux jours après des menaces contre Monjib et moins d’une minute après l’avoir quitté. Deux hommes d’une carrure imposante et manifestement bien entraînés à ce genre d’activités criminelles, l’ont abordé près de l’hôtel Ibis, à côté de la gare d’Agdal et de l’Ecole des Mines, tandis qu’un troisième homme était resté à bord d’une voiture Gulf Zebra noire aux verres teintés. Après l’agression, Mansouri est resté inconscient sur le trottoir, baignant dans son sang, tandis que ses agresseurs sont repartis tranquillement dans la Gulf noire. Une partie de la scène a été filmée par les caméras de surveillance de l’hôtel Ibis.
L’avocat de Hicham, Me Nouaydi, a déposé plainte le 26 septembre 2014 auprès du procureur du roi au tribunal de première instance de Rabat mais les enquêteurs ont refusé, sans explication, d’utiliser l’enregistrement vidéo de l’agression pour tenter d’identifier les agresseurs et même d’interroger les nombreux chauffeurs de taxi stationnés près de l’hôtel. Pourtant deux policiers qui enquêtaient sur l’agression ont visionné en compagnie de Hicham la vidéo. Mais ils ne l’ont pas versé au dossier. Aucune suite n’a été donnée à la plainte.
4 – Fausses accusations contre Mansouri et sa condamnation à 10 mois prison à la suite d’un procès inéquitable
Six mois après son agression, le 17 mars 2015, une brigade, composée d’une dizaine d’éléments de la police judiciaire, est intervenue violemment, en cassant la porte, à l’appartement de HichamMansouri alors qu’il prenait son petit déjeuner en compagnie d’une amie qui s’était présentée à lui comme étant divorcée et qu’il voulait épouser. Les policiers l’ont contraint à se déshabiller avant de le photographier nu pour justifier par la suite l’accusation absurde de l’utilisation de son domicile à des fins de proxénétisme et de complicité d’adultère. L’accusation policière était prétendument basée sur des plaintes déposées par les autres résidents de l’immeuble et le concierge. La défense de Mansouri a, de son côté, déposé au tribunal des témoignages écrits, signés et légalisés des habitants et du concierge attestant de la bonne moralité de Mansouri et niant avoir déposé une quelconque plainte contre lui.
En dépit de cela, le tribunal, présidé par le juge connu sous le nom de « Raqiq », a condamné Mansouri à 10 mois de prison. (C’est ce même juge qui dirige aujourd’hui le procès des sept activistes).
Ce procès a été dénoncé comme inéquitable par plusieurs organisations de défense des droits humains au Maroc et à l’étranger, comme l’AMDH, Amnesty International, HumanRights Watch, etc.
Hicham Mansouri doit être libéré le 17 janvier 2016.
5 – L’instrumentalisation des médias proches des services
Durant toutes ces agressions, le pouvoir n’a pas cessé d’utiliser les médias à sa disposition (comme al nahar al maghribiya ; Cawalisse.ma ; barlamane.com ; agora-presse.com ; diaspora.ma ; le360.ma ; al ahdath al maghribiya ; ahdath.info ; lareleve.ma ; telexpresse.com, etc.) contre Maati Monjib et ses compagnons les accusant d’une chose et de son contraire, entre autres, complot contre le Maroc, dépendre idéologiquement et matériellement de Moulay Hicham, rupture publique du jeûne pendant le ramadan, adultère, homosexualité, consommation de boissons alcoolisées, collaboration avec des organisations sionistes, blasphème et insulte aux sacralités, etc. Ces médias ne se contentent pas d’insulter Maâti Monjib et ses compagnons mais utilisent le chantage en menaçant de faire des révélations s’ils ne cessent leurs activités.
6 – Le cas de Hicham Khribchi
Hicham Khribchi, plus connu sous son nom de plume en ligne HichamAlmiraat, est un médecin de profession, l’un des premiers blogueurs politiques au Maroc et le co-fondateur en 2011 du site d’opposition Mamfakinch.com. Mamfakinch est le lauréat en 2012 du Prix international BreakingBorders décerné par Google pour récompenser les initiatives visant à promouvoir la liberté d’expression sur internet. Mamfakinch a largement rendu compte des manifestations pro-démocratiques qui ont eu lieu à travers le Maroc dans le sillage du « printemps arabe » entre 2011 et 2013. Le site a rapidement gagné en popularité et a offert une plate-forme pour les voix de l’opposition, en particulier le Mouvement Février 20.
Ayant une bonne maîtrise en français et en anglais, Hicham a commenté abondamment sur la politique marocaine et régionale contribuant à de nombreuses publications, y compris ForeignPolicy, la BBC, Global Voices. (Un échantillon des écrits de Hicham peut être trouvé ici : https://Hicham.contently.com/)
Entre 2012 et 2014, Hicham a servi comme directeur de plaidoyer pour l’organisation Global Voices, gagnant une réputation internationale pour son travail en faveur de la liberté d’expression en ligne. Pendant ce temps, Hicham a travaillé avec les défenseurs de la liberté d’expression et de la vie privée dans plusieurs pays et a acquis une expérience en matière de protection des données personnelles et de sécurité numérique. Il a, en retour, contribué à la formation de journalistes et de militants pour la démocratie au Maroc sur des questions de sécurité et de confidentialité numériques.
Pour consolider ces efforts, Hicham a fondé en mai 2014 l ’Association des Droits Numériques, ou ADN. ADN est la première ONG marocaine dédiée à la sensibilisation, la valorisation et la recherche en matière de libertés et droits numériques. Malgré les efforts de l’ADN pour se conformer à la loi, les autorités ont à plusieurs reprises refusé de lui accorder le permis d’exercer ses activités.
Plus récemment, Hicham a travaillé comme coordonnateur de projet pour l’ONG néerlandaise Free PressUnlimited (FPU) et le Centre Ibn Rochd, facilitant la mise en œuvre de « StoryMaker », un programme développé par FPU pour former des journalistes, des blogueurs et des militants de la société civile sur l’utilisation d’une application mobile servant à produire des reportages.
En mai 2015, l ’ADN et son partenaire britannique, l’ONG Privacy International, publient un rapport intitulé « TheirEyes On Me » (https://www.privacyinternational.org/?q=node/554), décrivant des technologies impliquées dans la surveillance électronique illégale contre des militants des droits de l’Homme et des journalistes indépendants au Maroc. Le rapport cite le témoignage personnel de Hicham, lui-même une victime de la surveillance en ligne, ainsi que ceux d’une demi-douzaine de journalistes et d’activistes. Le rapport appelle surtout les autorités marocaines à ouvrir un débat sur les violations de la vie privée sur internet.
Quelques jours après la publication du rapport, le ministère de l’Intérieur marocain a ouvert une enquête pour identifier « les personnes qui ont préparé et distribué un rapport qui contient de graves accusations d’espionnage » contre le ministère et ses services.
Le 8 Septembre 2015, Hicham est cité à comparaître au siège de la police judiciaire à Casablanca (BNPJ) où il sera interrogé pendant 15 heures d’affilée sur les activités d’ADN et sa relation avec Maati Monjib, Free PressUnlimited et Privacy International
Pendant son interrogatoire, les policiers l’ont accusé d’être à l’origine d’ « accusations diffamatoires », de « dénigrer les efforts de l’Etat » et de « mépris pour un corps constitué de l’État » - des accusations qui peuvent mener à longues peines de prison.
Hicham Khribchi est aujourd’hui officiellement chargé, ainsi que plusieurs de ses amis et collaborateurs, pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». Il risque jusqu’à cinq ans de prison.
Le 2 Septembre, Hicham Khribchi est convoqué à la Brigade Nationale de la Police Judiciaire (BNPJ) à Casablanca où il sera interrogé pendant 15 heures d’affilée. Les policiers l’interrogent au sujet de ses activités politiques, ses opinions, ses écrits, sa relation avec Free PressUnlimited et ses partenaires au Maroc dont le Centre Ibn Rochd, son travail pour l’ADN, et sa relation avec un certain nombre d’ONG internationales. Il est relâché vers minuit et est convoqué à comparaître au siège de la BNPJ le lendemain pour 3 heures supplémentaires d’interrogatoire.
Le 28 Octobre, Hicham Khribchi est convoquée de nouveau à la BNPJ. À l’arrivée à la BNPJ à Casablanca, son téléphone portable est confisqué et il est conduit dans un fourgon de police et conduit au Tribunal de première instance de la capitale Rabat (une heure de route du siège de la BNPJ). On le fera ensuite attendre pendant des heures dans le sous-sol du tribunal jusqu’à ce qu’un procureur l’interroge brièvement, peu avant minuit et lui fasse signer une transcription de son interrogatoire. Le Procureur lui tendra alors une citation à comparaître devant le même tribunal le 19 novembre 2015.
7 – Les autorités policières et judiciaires cherchent le moyen de faire taire les activistes
Les autorités policières et judiciaires avaient lancé en mai 2015, d’une manière clandestine, l’ordre d’interdire de sortie du territoire ou de mise sous écoute à l’encontre de plusieurs personnes, à la suite de l’annonce de l’organisation du 9 au 12 juin 2015 à l’hôtel Amani à Marrakech par l’AMEJ, avec l’aide de Free PressUnlimited, d’un atelier de formation à l’utilisation de l’application Story Maker.
Le 10 juin, les participants avaient été surpris par l’intrusion de trois éléments de la police judiciaire qui ont procédé à la confiscation de 26 téléphones portables, utilisés pendant la formation, sans présenter un quelconque mandat ou ordre d’un juge.
De cette date à fin octobre 2015, les personnes qui vont faire l’objet des poursuites par la suite, ont été convoquées par la police judiciaire et ont subi des interrogatoires pendant de longues heures.
Le 25 août 2015, Abdessamad Aït Aïcha a été empêché d’embarquer à l’aéroport de Casablanca par des policiers.
Le 31 août 2015, Maâti Monjib a été retenu pendant 20 minutes par la police des frontières à l’aéroport de Casablanca à son retour au Maroc avant d’être informé qu’il faisait l’objet d’un « avis de recherche pour atteinte à la sécurité de l’Etat. »
A la suite de la multiplication d’actes de harcèlement contre Maâti Monjib et ses assistants, les avocats de la défense ont écrit au procureur du roi le 10 septembre 2015 pour lui demander de veiller à la légalité des initiatives de la police judiciaire.
Le 14 septembre 2015, Maâti Monjib a été convoqué par la police judiciaire qui l’a interrogé pendant trois heures sans l’informer, malgré son insistance, des accusations dont il ferait l’objet, ce qui est contraire au code de procédure pénale.
8 – Les grèves de la faim de Maati Monjib
Le 16 septembre 2015, Maâti a été empêché d’embarquer pour Barcelone où il était invité à une rencontre académique consacrée à la liberté des médias et organisée par l’Institut pour la Méditerranée et le Centre Al Jazeera pour les Etudes. Il a décidé, en protestation, de lancer une grève de la faim d’avertissement de trois jours. A la suite de quoi, l’agence très officielle MAP a publié un communiqué du ministère de l’Intérieur qui niait le fait que Maâti Monjib était interdit de quitter le territoire mais qu’il était soupçonné d’irrégularités.
Le 7 octobre, il a été à nouveau interdit d’embarquer, à partir de l’aéroport de Rabat-Salé. Il fut alors informé, à sa grande surprise, qu’il faisait l’objet d’une interdiction de quitter le territoire depuis le 10 août 2015 et que cet ordre était toujours valide malgré le communiqué du ministère de l’Intérieur qui affirmait le contraire.
A la suite de ce dernier épisode, Maâti a pris la décision d’entamer une grève de la faim illimitée jusqu’à la levée de son interdiction de quitter le territoire et l’arrêt du harcèlement, par les agents du ministère de l’Intérieur, contre lui et sa famille.
Sa grève de la faim a duré 24 jours au cours de laquelle ont été constitués un comité de soutien national et un autre international comprenant des personnalités éminentes, en particulier Noam Chomsky, Abdellah Hammoudi, Richard Falk Abdellatif Laâbi et Alain Gresh. Certaines de ces personnalités ont adressé une lettre au roi Mohammed VI lui demandant de faire cesser le harcèlement de Maâti Monjib.
Par le biais de ses avocats, les bâtonniers Abderrahmane Benameur et AbderrahimJamaï, le professeur Abdelaziz Nouaydi et Me Mohamed Messaoudi, Maâti Monjib a demandé le 13 octobre 2015 au procureur général du roi à Rabat de prendre copie de l’ordre d’interdiction de sortie du territoire afin de connaître les accusations portées contre lui pour qu’il puisse préparer sa défense, comme le stipule l’article 49 du code de procédure pénale. Le procureur refusa la demande mais promit d’y répondre par écrit, ce qu’il ne fit jamais.
9 – Le recours au tribunal administratif
Le 23 octobre 2015, le comité de défense de Maâti Monjib a saisi le tribunal administratif pour faire annuler l’interdiction de quitter le territoire qui lui est faite, considérant qu’il s’agissait d’une violation qui constitue une voie de fait s’agissant d’un droit fondamental, ne répondant à aucune loi. En effet, cette décision d’interdiction n’a jamais été communiquée à Monjib ni à ses avocats. Le tribunal administratif, après avoir considéré la décision d’interdiction comme étant un acte administratif susceptible d’être contrôlé par le juge administratif, a conclu que la requête est irrecevable pour le moment et qu’il faut attendre le passage de trois mois pour que la décision soit attaquable. Cette jurisprudence n’est pas conforme à la loi qui fixe dans son article 49 (code de procédure pénale) un délai d’un mois pour la levée de la décision d’interdiction si la personne concernée ne fait pas obstacle à l’action de la justice, ce qui est le cas de Maâti.
10 – Les choses se précipitent le 28 octobre 2015
C’est le 23e jour de la grève de faim de Monjib qui s’affaiblit beaucoup et ne peut plus tenir debout : le jour même de la décision du tribunal administratif du 28 octobre, toute une série de mesures judiciaires sont prises en toute hâte et dont nous ne citerons que deux :
– Lettre du procureur adjoint du roi près le tribunal de première instance de Rabat à la police judiciaire pour annuler l’ordre d’interdiction de quitter le territoire contre HichamKhribchi, Abdessamad Aït Aïcha, Maâti Monjibet Mohamed Essaber.
– Envoi des convocations aux sept accusés pour le début du procès le 19 novembre 2015 (dossier sous la cote 2015/2106/8776).
11 – Report des audiences au 27 janvier 2016
A l’ouverture de l’audience le 19 novembre 2015, étaient présents la plupart des accusés et ainsi que leurs avocats. Les avocats ont demandé un délai pour étudier le dossier et préparer la défense de leurs clients. Il fut décidé de reporter la prochaine audience au 27 janvier 2016.
Au conseil des Droits de l’homme des Nations Unies
Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies : 31e Session
Point 4 : Débat d’ordre général
Intervention publique
15 Mars 2016
Merci Monsieur le Président,
Nos organisations réitèrent leur profonde inquiétude s’agissant des restrictions croissantes à l’encontre des journalistes, des défenseurs de la liberté d’expression et de la liberté d’association au Maroc.
Dans une semaine, le 23 mars prochain, le procès de sept éminents journalistes, défenseurs des droits humains et collaborateurs d’ONG marocains reprendra. Cinq d’entre eux font face à des accusations d’atteinte à la sûreté de l’Etat, et les deux autres sont accusés, dans le même procès, « d’avoir omis de déclarer des fonds étrangers ». Si reconnus coupables, les cinq premiers activistes encourent jusqu’à
cinq ans de prison. Ces personnes sont confrontées à un procès politique pour avoir pris part à un projet de journalisme engagé et citoyen. Ces procès font suite à de multiples affaires d’harcèlement contre des activistes et journalistes au Maroc et de diminution de la tolérance pour la dissidence pacifique, et se conjugue à une tendance croissante de restrictions à l’encontre des organisations nationales et internationales des droits humains dans le pays.
Au Maroc, un article du Code Pénal formulé de manière très générique, criminalise le fait de recevoir des fonds d’organisations étrangères, sous prétexte de « porter atteinte à l’intégrité, la souveraineté ou l’indépendance du Royaume, ou d’ébranler la loyauté que les citoyens doivent à l’Etat. » Cet article peut être utilisé pour pénaliser un large éventail de droits liés à la liberté d’expression et d’association et pour restreindre le droit de la société civile marocaine à rechercher librement des financements, tel que cela est garanti par les conventions internationales des droits de l’Homme auxquelles le Maroc est partie.
Le même jour, Ali Anouzla, éminent journaliste et rédacteur en chef d’un site internet indépendant d’informations, sera également jugé dans un procès pour atteinte à l’intégrité territoriale du pays. S’il est reconnu coupable, Ali Anouzla risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
En conséquence, nous appelons les autorités marocaines à abandonner toutes les charges contre les sept militants et le journaliste Ali Anouzla, afin de mettre fin à toutes les restrictions injustifiées qui sont imposées à la société civile et qui pèsent sur la liberté d’expression dans le pays. Nous demandons la révision du code pénal et l’accélération du processus d’adoption et de révision de la législation afin que le Maroc se conforme aux obligations qu’il a de lui-même adoptées, de faire respecter les droits de la liberté d’expression et d’association en vertu du droit international des droits humains, et comme il est stipulé dans la Constitution marocaine de 2011.
Merci Monsieur le Président.
Organisations cosignataires :
L’Institut du caire pour l’étude des droits humains (Cairo Institute for Human Rights Studies, CIHRS)
Le Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists, CPJ)
EuroMed Droits
International Media Support
Association Marocaine des Droits humains (AMDH)
Communiqué de presse
AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
28 juin 2016
Maroc. Des journalistes menacés d’emprisonnement parce qu’ils ont tenu une formation sur une application de smartphone
Le procès qui s’ouvre demain au Maroc contre sept journalistes et militants mis en cause parce qu’ils ont formé des personnes au journalisme citoyen pourrait créer un dangereux précédent en matière de restriction de la liberté d’expression, a déclaré Amnesty International.
Sept personnes comparaissent en procès à Rabat après avoir mené une formation au journalisme citoyen via l’utilisation de smartphones.
« Le procès de ces journalistes est préoccupant et aura valeur de test pour la liberté de la presse au Maroc, a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe par intérim du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Les accusations selon lesquelles les journalistes et les citoyens qui s’expriment librement mettent en péril la sûreté de l’État sont extrêmement inquiétantes. »
Selon des documents officiels du tribunal, cinq des prévenus, notamment l’historien Maati Monjib, sont accusés d’« atteintes à la sûreté intérieure de l’État » par le biais d’une « propagande » de nature à « ébranler la fidélité que les citoyens doivent à l’État et aux institutions du peuple marocain » (article 206 du Code pénal). S’ils sont déclarés coupables, ils pourraient se voir infliger une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
Maati Monjib est par ailleurs inculpé d’escroquerie. Les deux autres prévenus, les journalistes Maria Moukrim et Rachid Tarik, sont jugés pour avoir « reçu des fonds étrangers sans en avoir informé le secrétariat général du gouvernement ».
Amnesty International demande aux autorités d’abandonner les charges pesant contre les sept prévenus.
Ces derniers mois, le gouvernement marocain a annoncé haut et fort de grandes réformes dans le domaine de la justice, et notamment une refonte du Code pénal. Adopté par le gouvernement le 9 juin, le projet de loi de modification du Code pénal contient des dispositions positives en matière de droits humains. L’article 206, utilisé pour restreindre la liberté d’expression, demeure toutefois inchangé, ce qui met en évidence les profondes défaillances qui persistent dans la loi.
« Les autorités marocaines doivent abandonner immédiatement les charges qui pèsent de manière intolérable contre les sept journalistes et militants, a déclaré Magdalena Mughrabi. Elles doivent abroger l’article 206, ou le modifier de telle manière qu’il ne puisse plus être utilisé pour restreindre de manière arbitraire la liberté d’expression. »
Mise au point par Free Press Unlimited (FPU), le Guardian Project et Small World News, StoryMaker est une application sécurisée qui permet à des journalistes citoyens de publier des contenus de manière anonyme s’ils le souhaitent. FPU a récemment fait savoir qu’elle n’avait reçu aucune réponse à sa demande de rendez-vous avec les autorités marocaines – il s’agissait de leur expliquer le travail qu’elle mène et de leur donner des précisions sur l’application StoryMaker. FPU demande aux autorités marocaines d’abandonner les poursuites contre les sept prévenus et de ne pas intenter de procès à la liberté d’expression.
Complément d’information
Les prévenus dans ce procès sont :
Maati Monjib, 54 ans, historien et fondateur du Centre Ibn Rochd d’études et de communication, président de l’ONG Freedom Now (qu’il a créée avec Ali Anouzla) et membre de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI). S’exprimant régulièrement au sujet de la politique marocaine dans les médias internationaux, au sein de clubs de réflexion et sur la scène universitaire, il est une personnalité importante parmi les hommes et les femmes visés par ces poursuites.
Abdessamad Ait Aicha (connu sous le nom de Samad Iach), 31 ans, journaliste, ancien employé du Centre Ibn Rochd d’études et de communication, et membre de l’AMJI.
Hicham Mansouri, 35 ans, journaliste et ancien employé de l’AMJI, récemment remis en liberté après avoir purgé une peine de 10 mois de prison. Amnesty International craint que sa condamnation n’ait été motivée par des considérations politiques.
Hicham Khreibchi (connu sous le nom d’Hicham Al Miraat), 39 ans, médecin, fondateur et ancien président de l’Association des droits numériques (ADN), et ancien responsable des actions de plaidoyer à Global Voices.
Mohamed Sber, 44 ans, président de l’Association marocaine pour l’éducation de la jeunesse (AMEJ).
Maria Moukrim, 39 ans, journaliste, ancienne présidente de l’AMJI.
Rachid Tarik, 62 ans, journaliste (à la retraite), président de l’AMJI.
Plusieurs accusés sont par ailleurs d’anciens sympathisants ou membres du mouvement du 20-Février, une mouvance pacifique pro-démocratie et anti-corruption ayant émergé en 2011 au Maroc dans le contexte des soulèvements populaires dans la région.
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