L’Assemblée nationale vient d’adopter en nouvelle lecture le projet de loi Hulot visant à « mettre fin à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures ». Depuis plusieurs mois, nos organisations ont souligné le caractère approprié et ambitieux des objectifs de ce projet de loi, mais aussi ses failles ne permettant pas de les atteindre. Malheureusement les opportunités de renforcer le texte ont toutes été manquées. En première lecture, de trop nombreuses exemptions avaient été introduites par le gouvernement, et elles ont été confirmées aujourd’hui : possibilité d’octroyer des concessions dépassant la date de 2040 sur critères purement économiques, absence d’interdiction des gaz de couche, qui sont pourtant des hydrocarbures non conventionnels, et dérogation pour Lacq malgré le scandale sanitaire.
Vidée de son sens par le Sénat, la loi Hulot sur les hydrocarbures revenait en discussion en séance plénière de l’Assemblée nationale ce vendredi 1er décembre. Alors qu’ils avaient une nouvelle occasion de renforcer le texte, le gouvernement et la majorité se sont contentés, le plus souvent, de revenir au texte voté en première lecture, faiblesses et exemptions comprises.
Pour Isabelle Levy, du collectif du Pays Fertois “Non au pétrole de schiste” (77) : “Il a été beaucoup question d’équilibre tout au long de cette nouvelle lecture. Et pourtant le déséquilibre est clairement en faveur des droits acquis des industriels, présentés abusivement comme non négociables, alors que l’urgence climatique et sanitaire, qui nécessite pourtant des mesures bien plus courageuses et visionnaires, semble pouvoir, elle, être négociée !”
Le débat de ce matin a néanmoins permis de mettre en lumière les contradictions qui viennent mettre à mal la communication du gouvernement sur le caractère “exemplaire” et “historique” de cette loi sur les hydrocarbures. Ainsi, Nicolas Hulot a bien dû reconnaître que la date de 2040 n’était pas “une cloison étanche”, alors que cette date était pourtant érigée comme une limite infranchissable pour la fin de toute exploration et exploitation lors de la présentation du projet de loi.
Par ailleurs, le ministre a reconnu que le gouvernement n’a jamais souhaité interdire l’exploration et l’exploitation de l’ensemble des hydrocarbures non conventionnels comme il l’a pourtant revendiqué à plusieurs reprises. En effet, selon la définition des techniques non conventionnelles interdites par l’article 3, l’exploration et l’exploitation des gaz de couche restent autorisées, alors que l’ensemble de la communauté scientifique reconnaît leur caractère “non conventionnel”. La définition présente désormais dans l’article 3 de la loi Hulot se contente donc en réalité d’interdire la fracturation hydraulique… en en proposant enfin une définition.
Pour Juliette Renaud, des Amis de la Terre France : “Nous avons multiplié les interpellations à ce sujet [1] , et depuis plus d’un mois le gouvernement se cache derrière des arguments techniques, alors qu’il s’agissait bien d’un choix politique : celui de céder aux pressions de la Française de l’Energie, qui détient des permis d’exploration de gaz de couche en Lorraine, de peur d’avoir à lui payer des compensations financières. Mais que sont ces éventuelles compensations au regard des impacts irréversibles de ces forages [2] ? Le gouvernement aurait-il ainsi protégé les industriels si la mobilisation avait été aussi forte en Lorraine qu’en Ardèche en 2011 au moment de la bataille des gaz de schiste ?”
C’est à se demander si les Lorrains valent moins que les Ardéchois ou, pour le dire autrement, si la protection de la santé et de l’environnement est fonction de la capacité de mobilisation des populations locales. Une question également valable pour le bassin de Lacq qui avait été exempté de l’interdiction d’exploitation par le gouvernement lors de la première lecture. Des études, longtemps gardées secrètes ainsi que des articles de presse attestent désormais de la gravité du scandale sanitaire en cours, sur place.
Selon Maxime Combes, d’Attac France : “Nicolas Hulot a refusé de remettre en cause l’exemption accordée à Lacq au motif qu’il ne disposerait pas de “faits scientifiquement établis” : mourir plus jeune et vivre en plus mauvaise santé que la moyenne des Français sont pourtant des faits incontestables ! La présence de rejets dangereux pour la santé à proximité des sites industriels, établie et connue de tous, constitue un faisceau d’éléments sérieux suffisants qui devrait conduire le gouvernement à mettre en œuvre urgemment un processus de reconversion industrielle sur le territoire concerné plutôt que prolonger les autorisations d’exploitation au-delà de 2040.”
A peine 15 jours après la nouvelle alerte des 15 000 scientifiques attestant de l’urgence d’agir, nos organisations déplorent la frilosité et le manque de détermination du gouvernement et de la majorité présidentielle. Quand on écarte des amendements modestes visant à réglementer les importations d’hydrocarbures les plus polluants, comme les sables bitumineux, ou à ne plus autoriser l’État à apporter son concours direct aux activités des pétroliers à l’exportation, au motif qu’ils sont prématurés, comme l’a fait Nicolas Hulot, le slogan #MakeThePlanetGreatAgain a bien été supplanté par le #BusinessAsUsual.
A quelques jours du sommet “One Planet Summit”, le message envoyé au reste du monde est celui d’un gouvernement passé maître dans l’art du hashtag … et des promesses inabouties. Cette riche et noble ambition qui consiste à “laisser les énergies fossiles dans le sol” mérite définitivement mieux. Nous donnons rendez-vous le 12 décembre pour une grande mobilisation citoyenne, en marge du sommet organisé par Emmanuel Macron, intitulée “Pas un euro de plus pour les énergies du passé” [3].
1er décembre
Collectif
Loi Hulot : sous l’impulsion du gouvernement, l’Assemblée nationale vote une loi en demi-teinte
Le 4 octobre 2017 - L’Assemblée nationale vient d’examiner le projet de loi Hulot « mettant fin à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures ». Alors que le passage en commission Développement durable avait permis de renforcer le texte sur certains points (notamment l’interdiction des techniques non conventionnelles, et l’arrêt de toutes les concessions en 2040), le vote en plénière signe aujourd’hui un net recul. En effet, deux amendements très problématiques du gouvernement ont été adoptés, et ce dernier a bloqué systématiquement les modestes propositions qui voulaient donner au texte un contenu en accord avec ses objectifs et ambitions.
Alors qu’elle devait permettre de mettre en œuvre l’Accord de Paris et de tourner la page des énergies fossiles, la loi Hulot est en net retrait par rapport aux discours et aux engagements réitérés du président de la République, du gouvernement et du ministre de la Transition écologique et solidaire. Le texte voté aujourd’hui est le résultat de renonciations et reculs successifs de Nicolas Hulot, depuis la présentation d’une première version au CNTE fin août [4], jusqu’à la discussion en plénière.
Selon Nicolas Haeringer, de 350.org, « Au nom d’une conception datée de la “liberté d’entreprendre”, inadaptée au défi que représente le réchauffement climatique, les députés ont manqué une opportunité rare de voter un texte qui aurait dû servir d’exemple au reste de la communauté internationale ».
Face aux failles initiales du texte, nos organisations avaient fait des propositions concrètes d’amélioration, soutenues par la mobilisation en ligne de plusieurs milliers de citoyens [5]. La discussion en commission du Développement durable la semaine dernière avait pu faire croire un instant que quelques avancées étaient possibles [6]. Elles ont été malheureusement balayées au cours des trois séances de discussions en assemblée plénière. En plus de concéder aux lobbies industriels une dérogation discutable pour le bassin de Lacq - l’exploitation génère de fortes pollutions aux impacts sanitaires majeurs -, le gouvernement a déposé un amendement qui ouvre une nouvelle faille dans la loi : la possibilité, pour les premières concessions délivrées en vertu du droit de suite, d’être octroyées pour une échéance excédant 2040 dans le cas où les industriels démontreraient qu’ils ne peuvent pas rentrer dans leurs frais.
Selon Juliette Renaud, des Amis de la Terre France : « Cet amendement est le symbole de la frilosité du gouvernement : il n’ose pas toucher au code minier, qui pourtant réduit sa capacité d’action à presque néant. De même, le gouvernement a de nouveau bloqué les amendements qui voulaient supprimer ou simplement restreindre le droit de suite. Face à l’urgence climatique, le ministre disait vouloir lancer un signal aux industriels, pour sortir des énergies fossiles, mais ce texte envoie le signal inverse : entre les intérêts économiques et le climat, ce sont toujours les intérêts économiques qui priment et ce, jusqu’à 2040 voire au-delà ! ».
Pour Isabelle Levy, du collectif du pays Fertois « Non au pétrole de schiste » , « Le projet ambitieux de Nicolas Hulot se limite à afficher un panneau “fermé” sur la porte du bureau où sont habituellement déposées les demandes de permis de recherche. Pour le reste c’est business as usual : les permis actuels seront prolongés, et pourront donner lieu à de nouvelles concessions qui pourront même aller au-delà de 2040 ! ».
L’autre recul notable concerne les hydrocarbures non conventionnels. En commission du Développement durable, un amendement avait été voté permettant de renforcer la loi Jacob de 2011 : il interdisait, au-delà de la fracturation hydraulique, la stimulation et les autres techniques non conventionnelles. Mais le gouvernement a proposé en dernière minute un amendement qui, sous motif de précision technique, vide en réalité de tout son sens la définition des techniques interdites. En dehors de l’abrogation des articles 2 et 4 de la loi Jacob concernant l’expérimentation, la loi Hulot n’apporte donc aucune amélioration en la matière.
Maxime Combes, d’Attac France conclut : « Aux objectifs ambitieux et appropriés initialement annoncés par le gouvernement, correspond une loi en demi-teinte bien éloignée de l’exemplarité totale attendue. En multipliant les dérogations et en refusant de s’engager sur la réductions des importations d’hydrocarbures (99 % de notre consommation), le gouvernement a préféré sécuriser les droits des détenteurs des permis plutôt que commencer à résoudre le défi de ce début de 21e siècle : faire en sorte que le droit des affaires, notamment le droit minier, la liberté d’entreprendre et le commerce international, soient enfin soumis à l’impératif climatique. C’est la tâche que nous poursuivrons dans les mois à venir : #MakethePlanetGreatAgain ou #BusinessAsUsual, il va bien falloir choisir ».
350.org, Attac France, Collectif « Non au pétrole de schiste » du Pays Fertois, Les Amis de la Terre