Le Hezbollah est un mouvement politique chiite fondé dans la période qui suit l’agression israélienne et l’expulsion de l’OLP du Liban, en 1982. Dès la seconde moitié des années 80, et surtout dans le courant des années 90, il devient la colonne vertébrale de la résistance à l’occupation israélienne au Sud-Liban, qu’avait pourtant initiée avant lui le Parti communiste. Sa position a été depuis renforcée par sa résistance acharnée aux agressions israéliennes successives de 1993, 1996 et 2006. Il dispose aujourd’hui d’un véritable sanctuaire dans les quartiers pauvres de Beyrouth Sud.
Depuis 1992, sous la direction de Hassan Nasrallah, il a pris une indépendance croissante par rapport aux orientations « fondamentalistes » de la révolution iranienne pour évoluer vers des positions nationalistes. Ainsi, il s’est prononcé pour l’abandon du système politique confessionnel et a renoncé à la perspective d’un Etat islamiste, qu’il considère comme impossible dans un pays multi-confessionnel comme le Liban : dès 1997, il a intégré des combattants non chiites dans ses Bataillons de la résistance libanaise. Il insiste aussi sur le libre choix de chacun en matière de foi et de prescription religieuses (consommation d’alcool, tenue vestimentaire, voile pour les femmes). Depuis plusieurs années, il plaide aussi pour des élections au scrutin proportionnel.
L’un de ses responsables, Ali Fayad, présente ainsi les principaux objectifs du Hezbollah : « Nous luttons pour la préservation de la liberté d’expression et d’association. Nous joignons nos forces à ceux qui combattent le capitalisme sauvage incarné par le néolibéralisme, pour la protection de l’économie libanaise des lois du marché et des défis de la mondialisation. Nous réclamons un plus grand rôle de l’Etat dans la protection des classes défavorisées, le développement des services et de la protection sociale » (cité par W. Charara et F. Domont, Le Hezbollah. Un mouvement islamo-nationaliste, Paris, Fayard, 2004, p. 142).
Une telle évolution, même si personne ne peut assurer qu’elle soit durable, n’a rien de surprenant ni d’extraordinaire. Depuis les années 30 au moins, on observe une influence réciproque et une osmose permanente entre les forces politiques issues de l’islam, du nationalisme et de la gauche laïque au Moyen-Orient. Ainsi, de nombreuses figures du nationalisme arabe et de la résistance palestinienne, dont Yasser Arafat, sont issues de la confrérie sunnite des Frères musulmans, avec laquelle ils ont rompu. En sens inverse, le Hezbollah a su capter des forces provenant de la gauche laïque, notamment d’organisations de la résistance palestinienne, come le FPLP, au Liban.
Aujourd’hui, le Hezbollah constitue l’une des forces essentielles de la résistance nationale, dont les principales composantes organisées vont du Parti communiste à un secteur important de la bourgeoisie chrétienne (le Mouvement patriotique libre du général Aoun, qui dispose d’une large implantation populaire), en passant par l’écrasante majorité de la communauté chiite. La principale critique que l’on peut adresser au Hezbollah porte sur sa stratégie d’alliance prioritaire avec l’Iran et la Syrie, ainsi qu’avec des secteurs de la bourgeoisie libanaise, dont les engagements anti-impérialistes sont pour le moins fragiles… Cet œcuménisme politique sans critères de classe – sur les plans social et démocratique – pourrait se révéler beaucoup plus dangereux que son obédience religieuse.
La résistance armée du Hezbollah est largement responsable du retrait des troupes d’occupation israéliennes du Sud-Liban, en 2000, et de la traduction de ses collaborateurs les plus en vue devant les tribunaux libanais. Depuis lors, elle n’a pas désarmé, dans la mesure où la menace israélienne est constante et que le Liban revendique toujours la restitution des fermes de Chebaa (région stratégique et acquifère essentielle, occupée depuis 1967), ainsi que la libération des prisonniers libanais encore détenus en Israël.
Le Hezbollah a été placé sur la liste des organisations terroristes par le Département d’Etat US, apparemment à la demande instante d’Ariel Sharon. L’Union Européenne a refusé de s’aligner. Quant à l’ONU, elle le considère au contraire comme un mouvement national de résistance. En réalité, au-delà de la lutte armée, il est à la tête d’un important réseau d’institutions sociales, en particulier en faveur des familles victimes de la guerre, mais plus largemement dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement et des infrastructures de base. Il détient aussi une chaîne de télévision – al-Manar – qui n’a cessé d’émettre pendant l’agression israélienne de l’été 2006.