Le soi-disant cessez-le-feu « national » signé en octobre 2015 entre le gouvernement birman et huit groupes armés des minorités ethniques – sur une galaxie de 21 mouvements de guérillas – n’aura décidément pas réglé, loin s’en faut, tous les conflits en cours depuis des décennies sur les marches du Myanmar. Pire encore, un de ces conflits est en train de s’exacerber dans l’Etat shan, dans le nord du pays. Au point que ce ne sont plus seulement des guérillas qui ferraillent contre la Tatmadaw, l’armée birmane, mais des groupes ethniques qui se battent entre eux…
Depuis la fin novembre et jusqu’à récemment, des combats se sont poursuivis entre les guerriers de la « Shan State Army-South » (Armée du sud de l’Etat shan, SSA-S), l’une des deux guérillas de l’ethnie shan, et les combattants du groupe armé d’un petit peuple montagnard, celui des Ta’ang, qui ont formé la Ta’ang National Liberation Army (TNLA). A cela s’ajoutent les efforts de l’armée birmane pour entretenir les conflits interethniques dans la bonne vieille tradition coloniale du « diviser pour mieux régner » : les Shan serviraient ainsi dans l’histoire de véritables supplétifs de la Tatmadaw, qui mène ainsi une guerre par procuration.
Engagement indirect de l’armée birmane
Illustration de cette proximité nouvelle, des troupes de la SSA-S, qui a signé les accords de cessez-le-feu en 2015, ont même été transportées jusqu’au front dans des véhicules de l’armée nationale. Selon Anthony Davis, analyste de la revue Jane’s Defense Weekly et spécialiste des questions militaires en Asie du Sud-Est, des informations obtenues milieu janvier lui permettent d’affirmer que « 300 soldats shan se sont déplacés en janvier vers le nord, cette fois convoyés par des camions de l’armée birmane ».
Un reporter photographe français, Niels Larsen, joint par téléphone dans la région, et qui vient de passer plusieurs semaines avec un détachement de guerriers Ta’ang engagés dans une opération antidrogue, confirme l’engagement indirect de l’armée birmane. Alors que les Ta’ang brûlaient les champs de pavot alentour pour empêcher que le fléau de la drogue (opium, héroïne) ne continue de dévaster leurs villages, l’aviation birmane les a attaqués, semble-t-il pour prêter main-forte à des gangs de narcotrafiquants déguisés en milices pro-gouvernementales, souvent composées de sino-birmans. Et qui sont eux-mêmes en conflit avec les Ta’ang de la TNLA.
« Nous avons été survolés par deux jets de combat birmans le 16 février ; le lendemain, trois hélicoptères d’assaut MI 35 ont bombardé à coups de roquettes les positions de la guérilla Ta’ang », a-t-il raconté.
Niels Larsen a également rapporté que, lors d’un entretien qu’il a eu avec le secrétaire général de la TNLA, le colonel Tar Bone Kyaw, ce dernier a estimé que « le but de la Tatmadaw est non seulement de protéger les narcotrafiquants, mais aussi de provoquer des tensions interethniques afin d’en recueillir les fruits en termes de contrôle régional ».
Nouvelle rivalité entre la Birmanie et la Chine
Pour Anthony Davis, la signature, le 15 octobre 2015, de l’accord « historique » entre un certain nombre de groupes armés et le gouvernement birman a de fait « préparé le terrain à une nouvelle guerre, car il a permis une alliance de circonstance entre l’armée et le seul groupe ethnique disposant d’un potentiel militaire crédible, la Shan State Army [South] ».
La stratégie du « diviser pour mieux régner » de l’armée, qui est et restera sous le prochain gouvernement d’Aung San Suu Kyi une institution disposant de pouvoirs énormes, n’a sans doute pas que des impératifs militairo-mafieux : les groupes armés qui combattent les militaires dans le nord de l’Etat shan sont, de près ou de loin, sous l’influence de la Chine. Cette dernière a même directement armé l’organisation de l’ethnie Wa, qui ne combat plus, mais pourrait, selon certaines rumeurs, entrer dans la danse aux côtés de la TNLA…
En ce sens, les combats en cours illustreraient la nouvelle rivalité entre la Birmanie et la Chine, qui étaient encore il y a peu de très proches alliés. La démocratisation du Myanmar, qui se poursuit dans le cadre d’un étonnant compromis passé entre Aung San Suu Kyi et les anciens officiers supérieurs issus d’une junte qui l’avait persécutée, pourrait avoir pour conséquence l’infléchissement de la Birmanie vers le camp occidental dans le contexte d’une sorte de guerre froide sino-américaine en Asie.
Bruno Philip (Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est)
* Le Monde.fr | 25.02.2016 à 17h44 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/02/25/les-conflits-interethniques-s-exacerbent-en-birmanie-malgre-le-cessez-le-feu_4871865_3216.html
Pour les Shan de Birmanie, la guerre se poursuit
Malgré une trêve récente et la victoire électorale d’Aung San Suu Kyi, le pays shan reste déchiré par les combats.
C’est la guerre dans une préfecture reculée du nord de la Birmanie, sur les hauts plateaux de l’Etat Shan. De nouveau, en ces lendemains de scrutin prometteur venant d’accorder une victoire écrasante au parti d’Aung San Suu Kyi, « Mère Courage » de la lutte pour la démocratie, lors des législatives du 8 novembre, des affrontements ont lieu entre une guérilla de l’ethnie shan et l’armée birmane.
« Les combats ont continué toute la semaine », confirmait le 20 novembre le « commandant » Sai Phone Harn, un officier maquisard joint sur son téléphone portable à Wan Hai, petite bourgade où est installé le QG de l’Armée du nord de l’Etat Shan (SSA-North). « Jeudi, des hélicoptères sont venus ravitailler les soldats birmans autour de nos positions. Des avions de chasse nous ont survolés. Ce matin, des hélicoptères ont bombardé les alentours. »

Le Monde
L’utilisation des hélicoptères semble une nouveauté pour ces populations endurcies par des décennies de conflit. A Taunggyi, la capitale de l’Etat Shan située à environ 200 kilomètres des zones de combat, Mai Kaisi explique que, « depuis lundi 9 novembre, les gens paniquent quand ils entendent un avion dans le ciel, même un vol commercial ». Cette femme, qui travaille pour une ONG dont l’activité principale est la reconversion dans des activités pacifiques d’anciens guérilleros, rentre tout juste de la petite ville de Laika, où des centaines de Shan viennent de se réfugier. « Les évacués m’ont dit que, dans les premiers jours qui ont suivi les élections, six hélicoptères ont bombardé les alentours des positions de la SSA-North et qu’ils ont lâché seize missiles dans le coin. » Selon le Myanmar Times, des cas de choléra sont apparus parmi les réfugiés.
Le site d’information The Irrawaddy vient de rapporter que, depuis le 24 novembre, une trêve est en vigueur, sorte de paix armée à laquelle les guérilleros ne croient guère en dépit de négociations en cours à Rangoun entre les responsables politiques de la SSA-North et le gouvernement.
« Tirs de mortiers »
La victoire de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), la formation de la « Lady » qui a remporté 77 % des sièges aux législatives, masque une réalité occultée par l’enthousiasme international qu’a soulevé le triomphe de la « Gandhi » des temps modernes : les insurrections de certaines minorités composant l’Union du Myanmar continuent et risquent de se prolonger. Car ce pays reste plutôt une désunion, vaste et complexe poudrière ethnique, tissu multiculturel déchiré de longue date.
« Ça a commencé avec des tirs de mortiers de 122 mm, dimanche ou lundi [8 et 9 novembre], je ne me souviens plus exactement, raconte Pa Pok, une dame de 65 ans dont la connaissance en matière de calibre d’obus est un peu déroutante, mais en dit long sur la vie de la population de cette terre de rébellion permanente. Puis les hélicoptères sont arrivés et ont bombardé Mong Naw, mon village. Les maisons des civils ont été aussi visées. »
Si ces informations pouvaient être vérifiées de manière indépendante et étaient confirmées, l’armée birmane serait alors en train de se rendre coupable d’un nouveau crime de guerre. Mais, depuis le début des heurts, la région est isolée. Toutes les routes sont barrées par l’armée régulière. Une dizaine de milliers de personnes auraient fui dans toutes les directions.
Dans un monastère situé sur les hauteurs de Taunggyi, Sai Ung, un paysan de 26 ans, montre son ventre barré d’une cicatrice de fraîche date. « J’ai été blessé par un éclat d’obus le 26 octobre. Ce jour-là, des soldats birmans se sont tirés dessus sans le savoir, chacun croyant avoir affaire avec l’ennemi. Finalement, l’un des deux groupes, se croyant attaqué, alors qu’il n’y avait aucun combattant shan dans le coin, s’est mis à pilonner mon village à l’artillerie. J’ai été pris entre deux feux. »
Hostilité contre les Bamars
Pour le « colonel » Sai Oo, officier de liaison à Taunggyi pour l’Armée du sud de l’Etat Shan (SSA-South), l’autre organisation combattante shan qui vient, elle, de signer un cessez-le-feu, l’affaire est claire : « Ce ne sont pas les combattants shan qui attaquent l’armée, c’est l’armée qui les attaque. La stratégie de la Tatmadaw [armée birmane] consiste avant tout à effrayer les populations et à punir la SSA-North, un groupe qui a refusé de signer le cessez-le-feu. » Celui-ci, célébré en fanfare le 15 octobre, a été un événement prometteur et historique, mais d’une portée limitée : plusieurs des grandes guérillas de Birmanie ont refusé d’accepter le principe de cet ambitieux « cessez-le-feu national ».
Le bilan humain des derniers combats, même s’il semble encore limité, augure mal l’avenir, au moins jusqu’au printemps prochain, quand le gouvernement d’Aung San Suu Kyi sera formé. Cette guerre locale entre une armée birmane réputée pour sa violence et les combattants shan n’est que le dernier épisode d’une longue saga. Depuis le coup d’Etat du général Ne Win, en 1962, la guerre n’a jamais vraiment cessé dans cet Etat qui incarne, de manière presque caricaturale, une terre de brassage de populations minoritaires.
L’hostilité de ces dernières contre les Bamar, l’ethnie majoritaire au pouvoir, constitue un facteur de rassemblement. Les minorités perçoivent la présence politique administrative et militaire de ces « étrangers » dans leurs régions montagneuses comme une « occupation ». L’arrivée au pouvoir de la « dame de Rangoun » ne va sans doute pas signifier que l’heure de la grande réconciliation a sonné : Aung San Suu Kyi est, elle aussi, considérée ici d’abord comme Bamar, avant d’être saluée comme démocrate.
« La “Lady” ne connaît rien à nos problèmes, n’a jamais mis les pieds dans un village shan. Et n’a jamais manifesté un réel intérêt pour le sort des ethnies. Qu’est-ce qu’on a à en faire de ses préoccupations de démocrate quand nos villages manquent d’écoles et que notre peuple est le moins alphabétisé de toutes les populations birmanes ? », dit, agacée, l’écrivaine Khur Hsen, une femme de 60 ans qui fut aussi la porte-parole de la SSA-South. La réconciliation nationale qu’appelle de ses vœux Ang San Suu Kyi ne semble pas pour demain.
Bruno Philip (Taunggyi (Birmanie), envoyé spécial)
* LE MONDE | 03.12.2015 à 11h50 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/12/03/pour-les-shan-de-birmanie-la-guerre-se-poursuit_4823332_3216.html
Birmanie : les limites du « cessez-le-feu national »
L’accord signé avec les chefs de huit guérillas séparatistes ne règle pas les conflits du nord du pays qui opposent d’autres ethnies au pouvoir birman.
C’est un accord historique qui est aussi l’aveu d’un échec : les chefs de huit guérillas séparatistes d’ethnies minoritaires de Birmanie ont signé, jeudi 15 octobre, un cessez-le-feu avec le gouvernement du Myanmar (le nom officiel de la Birmanie) dans sa capitale de Naypyidaw. Une cérémonie à laquelle avaient été conviés des représentants de la Chine, du Japon, de l’Inde, de l’Union européenne et des Nations unies.
Mais treize autres organisations indépendantistes appartenant à la galaxie complexe d’une rébellion protéiforme, divisée et aussi ancienne que l’indépendance de 1948, ne l’ont pas ratifié. Certaines ont refusé et d’autres, qui auraient été désireuses de le faire, avaient été au préalable écartées par les autorités.
Le « cessez-le-feu national » voulu par le président Thein Sein, un ex-général qui fut le premier ministre de la défunte junte, a beau inclure des guérillas majeures, il laisse de côté des groupes d’importance. Leur absence l’amoindrit considérablement.
« Une fracture Nord-Sud »
Deux groupes célèbres figurent parmi les signataires : la puissante Union nationale karen, figure de proue de l’ethnie du même nom, qui livra bataille au sud du pays contre la Tatmadaw (l’armée birmane) durant des décennies. Et aussi l’une des deux guérillas principales de l’ethnie shan, première minorité de par son poids démographique dans le pays. Les ethnies constituent 30 % d’une population de 51 millions d’habitants.
Parmi ceux qui ont refusé de signer, l’Organisation de l’indépendance kachin (KIO), autre minorité ethnique d’importance qui continue de se battre au nord du pays contre l’armée birmane. Un autre groupe armé de Shan, guérilla avec laquelle des escarmouches se poursuivent, a également renoncé à signer. La petite organisation armée de l’ethnie palaung et celle des combattants kokang, population d’origine chinoise, toujours en guerre, ont de leur côté été rayées de la liste des candidats potentiels au cessez-le-feu par les autorités.
« Pour schématiser, on voit qu’il y a une fracture Nord-Sud, entre ceux du Nord qui ne signent pas et ceux du Sud qui signent », remarque une source proche du Myanmar Peace Center, l’organisme chargé de conduire les négociations. « En un sens, poursuit cette source qui a requis l’anonymat, c’est vrai qu’il n’y a pas de quoi pavoiser : certains estiment que cette signature n’est que le constat d’un échec, tandis que le gouvernement assure que c’est un préalable indispensable à l’établissement d’une paix durable. Je pense que la vérité est entre les deux et que, si les cessez-le-feu tiennent, d’autres guérillas finiront par signer aussi des accords. »
« Nous voulons que l’accord inclue tous les groupes »
Aung Min, responsable pour le gouvernement des négociations conduites avec les guérillas depuis deux ans, a promis que l’armée n’avait « aucunement l’intention de lancer des offensives contre les groupes qui ne signeront pas l’accord ». « Ce n’était pas une décision facile à prendre pour le gouvernement », a-t-il ajouté.
Même au sein de certaines organisations, le principe de cet accord ne fait pas l’unanimité. Ainsi, les Karen sont apparus très divisés sur l’opportunité de signer avec un gouvernement dont l’armée s’est rendue responsable, dans un passé récent, de graves violations des droits de l’homme. « Je pense que nous ne devrions pas nous précipiter pour signer l’accord de cessez-le-feu, estime Naw Wah Khu Shee, porte-parole d’une coalition représentant des organisations de la société civile des Karen. Si on signe alors que les combats continuent dans les Etats kachin et shan, cela ne fera que renforcer la crédibilité et la légitimité du gouvernement. »
Le principe de cet accord est également vivement dénoncé par les chefs de la guérilla kachin. Recevant Le Monde, lundi 12 octobre, dans son quartier général de Laiza, situé sur la frontière de la province chinoise du Yunnan, le numéro deux de la KIO, le général Gun Maw, a affirmé : « Nous ne signons pas l’accord, car nous voulons qu’il inclue tous les autres groupes ethniques, mais le gouvernement birman a rejeté ce caractère inclusif. »
Les « renégats » de la région Kokang exclus des négociations
L’Armée pour l’indépendance kachin – branche armée de la KIO – opère en effet en collaboration avec deux autres guérillas du Nord, celle des Palaung et des Kokang ; elle craint de se retrouver affaiblie si ces groupes étaient tenus à l’écart des débats. Les Kachin redoutent aussi que le pouvoir central ne cherche à les diviser.
De son côté, le gouvernement birman considère les « renégats » de la région de Kokang, une ethnie de descendants de Chinois, comme une rébellion quasi étrangère, et refuse de leur conférer la moindre légitimité en les associant au processus de paix, d’autant plus que d’intenses combats ont eu lieu dans cette enclave adossée au Yunnan depuis février.
Outre ces désaccords sur les parties prenantes, les Kachin considèrent plus fondamentalement qu’il conviendrait de discuter dès à présent du pouvoir des minorités dans un Etat fédéral, car un précédent cessez-le-feu n’a pas amené de progrès sur ce dossier essentiel en dix-sept ans. « Le texte de l’accord de cessez-le-feu ne répond pas à nos attentes, dit encore Gun Maw. Nous avons par exemple proposé de former une union fédérale, mais le gouvernement birman veut que ce sujet soit débattu ultérieurement. Nous avons proposé de former une armée fédérale, mais ils n’en veulent pas et ils ne veulent pas utiliser le nom. Ils se contentent de dire que toutes les affaires militaires seront débattues dans le cadre du dialogue politique. »
Certains anciens dissidents, exilés durant la période de dictature (1962-2011), se veulent cependant confiants en l’avenir. Tel Aung Naing Oo, qui participa aux manifestations pro-démocratiques de 1988, réprimées avec violence par l’armée, et aujourd’hui devenu directeur d’un programme dépendant de l’organisation gouvernementale chargée des négociations : « Pour les signataires, les bénéfices d’un accord l’emportent sur les risques. Le gouvernement est décidé à signer plus tard avec tous les groupes. » Mais après une soixantaine d’années de combats, la méfiance reste encore vive chez les ethnies.
Harold Thibault (Laiza, Birmanie, envoyé spécial) et Bruno Philip (Bangkok, correspondant en Asie du sud-est)
* LE MONDE | 15.10.2015 à 10h01 • Mis à jour le 15.10.2015 à 10h07 :
http://abonnes.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/10/15/en-birmanie-le-cessez-le-feu-national-echoue-a-mettre-un-terme-a-toutes-les-guerillas-ethniques_4789783_3216.html
Le conflit birman déborde en Chine
L’armée birmane a bombardé un village chinois, faisant cinq morts.
La mort, vendredi 13 mars, de cinq paysans chinois fauchés par un obus birman dans un champ de canne à sucre à Lincang, non loin de la frontière sino-birmane, a poussé la Chine à réagir vivement : « Nous avons la responsabilité et la capacité d’assurer la stabilité dans la zone frontalière entre les deux nations et de sauvegarder la vie et les biens de nos citoyens », a déclaré, dimanche, le premier ministre chinois, Li Keqiang. La bombe aurait été lâchée, selon Pékin, par un avion de l’armée birmane, qui cherche à mater une rébellion en armes dans la région spéciale de Kokang, une enclave autogérée peuplée de Chinois d’ethnie han, dans l’Etat chan, dans le nord-est de la Birmanie.
Le gouvernement birman a exprimé lundi son « profond chagrin » et envoyé une délégation côté chinois afin d’enquêter conjointement avec les autorités chinoises sur les causes de l’incident. Naypyidaw n’a pas officiellement admis qu’un de ses avions ait pu bombarder le territoire chinois et a accusé les rebelles d’un coup monté. A Pékin, l’ambassadeur birman a été convoqué dès vendredi pour s’expliquer.
« Mesures décisives »
L’aviation chinoise a été placée en état d’alerte : le porte-parole du ministère de la défense chinois, Geng Yansheng, a déclaré dans un communiqué samedi que l’armée chinoise « répondrait par des mesures décisives » si un avion militaire birman franchissait de nouveau la frontière. Le même jour, Fan Changlong, le vice-président de la Commission militaire centrale, c’est-à-dire le plus haut responsable militaire de l’armée chinoise, exhortait son homologue, le commandant en chef des armées birmanes, Min Aung Hlaing, à « contrôler fermement » ses troupes.
Au moins 30 000 habitants de Kokang ont gagné la province chinoise voisine du Yunnan, fuyant les combats depuis le 9 février. Les rebelles sont emmenés par l’ancien homme fort de la région, l’octogénaire Peng Jiasheng, qui a pris le maquis en 2009 et est protégé depuis par une autre rébellion, la Kachin Independance Army. La Chine estime ne pas avoir de différend territorial avec la Birmanie, mais des voix se sont élevées à Naypyidaw qui accusent des officiels chinois de soutenir les rebelles. Cela pourrait avoir été le cas en 2009 : un haut gradé de l’armée chinoise, le major général Huang Xing, chef d’un département de recherche au sein de l’Académie chinoise des sciences militaires, arrêté début janvier, serait soupçonné d’avoir divulgué des secrets d’Etat aux rebelles Kokang en 2009, selon la presse de Hongkong.
Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)
* LE MONDE | 16.03.2015 à 10h25 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/03/16/le-conflit-birman-deborde-en-chine_4594096_3216.html