« Nous nourrissons nos peuples et construisons le mouvement pour changer le monde »
Euskal Herria – Pays-Basque, du 16 au 24 juillet 2017
Nous, délégué-e-s de La Vía Campesina, représentant nos organisations et mouvements, sommes rassemblé-e-s au Pays-Basque à l’occasion de notre 7e Conférence Internationale du 16 au 24 juillet 2017. Euskal Herria est une terre de solidarité, de lutte et de résistance, une terre qui a sa propre langue et où demeure une forte tradition de bonne nourriture, produite par des paysan-ne-s et des pécheur-se-s locaux-les. Nous, paysan-ne-s, travailleurs-se-s ruraux-les, peuples sans terre, peuples autochtones, éleveur-se-s, pêcheur-se-s artisanaux-les, femmes du monde rural et toutes les autres populations qui travaillent à la campagne dans monde, déclarons que nous nourrissons nos peuples et construisons un mouvement pour changer le monde.
L’avènement du capitalisme financier a donné lieu à un accaparement effréné de notre eau, de nos semences, de notre terre et de nos territoires. Des technologies dangereuses, aux conséquences parfois irréversibles, on été promues comme par exemple les OGM, la production animale confinée à grande échelle et la biologie de synthèse. Le capital spéculatif entraine un remplacement accéléré de l’économie réelle et productive par l’économie financière. Les méga-fusions amènent à une concentration de plus en plus importante du pouvoir sur les systèmes alimentaires. Une nouvelle forme de néo-libéralisme, couplée à des discours haineux, utilise les problèmes créées par la concentration des richesses pour diviser nos peuples et provoquer des conflits ethniques, religieux et migratoires. Nous faisons face à une vague de violations des droits humains dans le monde : nos camarades sont assassiné-e-s, incarcéré-e-s, torturé-e-s et menacé-e-s.
Ceux qui s’accaparent les ressources sont en guerre contre nous, le plus souvent via l’OMC, la Banque mondiale, le FMI, l’impérialisme, les traités de libre échange et les lois qui privatisent les biens communs, mais aussi de plus en plus par des bombardements, des occupations militaires et des mesures économiques génocidaires. Nous sommes solidaires du peuple palestinien et des autres peuples qui continuent de souffrir et de résister face à ces diktats. Des millions de migrant-e-s et de réfugié-e-s sont forcé-e-s de se déplacer à cause de la guerre, du manque d’accès aux besoins primaires. Le vent glacial de la xénophobie, du racisme, du fondamentalisme religieux de la haine de classe souffle sur de nombreux pays.
La criminalisation des migrations et des protestations sociales est liée au pouvoir des groupes de médias privés et hégémoniques qui diabolisent la société civile organisée. Les médias privés dominants défendent les intérêts du Capital et ont récemment poussé au renversement de gouvernements et à l’installation d’autres. Ils manipulent des franges importantes de la population et créent les conditions propices aux violations des droits humains.
Le système capitaliste et patriarcal n’est pas capable de répondre à la crise dans laquelle l’humanité se trouve plongés, qui détruit nos peuples et réchauffe la Terre Mère. La Terre est vivante mais le capitalisme est une maladie qui peut la tuer.
Confronté-e-s à cette crise de civilisation :
1. Nous nourrissons nos peuples :
Durant plus d’un demi-siècle, on nous a vendu la « Révolution verte », qui n’a rien eu ni de vert ni de révolutionnaire. Prenant le prétexte de la productivité à court-terme, ce modèle agro-industriel a empoisonné les sols, monopolisé et pollué les eaux, rasé les forêts, asséché les fleuves et remplacé nos semences par des semences commerciales et transgéniques. Au lieu d’éradiquer la faim, l’agro-industrie a multiplié les problèmes d’alimentation et forcé les populations rurales à se déplacer. C’est un modèle d’agriculture particulièrement excluant et sans paysan-ne-s. Alors que l’agro-industrie profite de subventions et de politiques en sa faveur, nous continuons de faire ce que nous faisons depuis des millénaires grâce à notre agriculture paysanne et autochtone : produire de la nourriture saine pour nos familles, nos communautés et nos peuples.
Alors que les gouvernements imposent des lois semencières dans le but de garantir la privatisation et les profits des multinationales, nous continuons de protéger les semences paysannes, travaillées, sélectionnées et améliorées par nos ancêtres. Nos semences sont adaptées à nos terres sur lesquelles nous mettons en place une gestion agroécologique qui ne nécessite ni agro-toxique ni intrant externe. Notre agroécologie paysanne alimente le sol en matière organique, conserve les variétés paysannes de semences et de races animales, elle est fondée sur la biodiversité et sur la sagesse des peuples, en symbiose avec la Mère Terre. Sa source principale est le savoir paysan autochtone, ancestral et populaire, accumulée depuis des générations grâce l’observation et l’expérimentation constantes sur nos propres terres. Cette connaissance s’est enrichie ensuite grâce aux échanges entre paysan-ne-s et entre organisations. Notre agroécologie a un caractère paysan et populaire, elle ne se prête pas aux fausses solutions comme le capitalisme « vert », les marchés carbone et la « climate-smart agriculture » . Nous rejetons toute tentative d’accaparement de l’agroécologie par l’agro-industrie.
L’agroécologie paysanne est le fondement de notre proposition et de notre vision de la souveraineté alimentaire des peuples du monde. Pour cela, nous devons nous battre pour une réforme agraire intégrale et populaire, pour la défense des territoires autochtones et paysans et pour la restauration de systèmes alimentaires locaux.
En plus de renforcer et de développer nos marché paysans locaux, nous devons construire de nouvelles relations entre les travailleur-se-s des campagnes et des villes, de nouveaux canaux de distribution et de vente ainsi qu’un nouveau modèle de relations humaines, économiques et sociales, fondées sur le respect, la solidarité et l’éthique. Nous refroidissons la planète et construisons des sociétés justes et plus humaines grâce à la réforme agraire, l’agroécologie paysanne et la souveraineté alimentaire.
2. Nous construisons le mouvement
L’humanité en crise cherche des solutions. Notre mouvement est de plus en plus perçu comme un exemple pour les peuples qui luttent. La Vía Campesina continue de grandir et notre proposition se renforce. Toutefois, nos ennemis se renforcent eux aussi et nous faisons toujours à des défis pour la construction de notre mouvement.
La lutte de masse est au cœur de La Vía Campesina. Le travail de base de nos organisations doit être renforcé pour intégrer un plus grande nombre de travailleur-se-s ruraux-les, de paysan-ne-s, de communautés autochtones, de migrant-e-s, de personnes des diasporas africaines et de victimes du modèle capitaliste agro-hydro-extractiviste. Nous devons renforcer les alliances aux niveaux local, national et international, notamment entre les travailleur-se-s des campagnes et des villes.
Notre mouvement a comme ennemi le patriarcat. Le caractère féministe de La Vía Campesina renforce notre unité et notre engagement à lutter dans l’égalité et l’équité de genre. La construction d’un mouvement paysan féministe au sein de La Vía Campesina est la clé du renforcement de nos propres organisations et à la concrétisation d’alliances plus larges. Nous allons renforcer la participation politique des femmes dans tous les espaces et à tous les échelons de notre mouvement. Notre lutte vise l’éradication de toute forme de violence à l’encontre des femmes : physique, sexuelle, psychologique et économique. Nous nous engageons à développer nos capacités de compréhension et à créer des environnements positifs sur la question du genre au sein de nos organisations et de nos alliances. Le manque de tolérance à l’égard de la diversité fait partie du processus de spoliation de la jeunesse rurale. Des campagnes diverses, non-violentes et inclusives sont fondamentales pour La Vía Campesina.
Dans le monde entier, les diverses formes du capital n’ont de cesse d’expulser de plus en plus les jeunes hors des zones rurales. Le patriarcat et la discrimination par l’âge restreignent leur visibilité et leur participation pleine et entière dans nos organisations. Nous nous engageons en faveur des nouvelles générations dans les campagnes et dans notre mouvement et luttons pour la pleine intégration des jeunes dans les espaces de direction et de prise de décision au sein de nos organisations, dans la formation et dans la production d’une nourriture agroécologique.
Des millions d’entre nous migrons comme une forme de résistance pour que nous ne disparaissions pas en tant que peuples, paysan-ne-s, femmes ou jeunes. Nous défions les frontières, faisons tomber les murs et nous opposons au racisme et à la xénophobie. Nous construisons un mouvement qui articule les paysan-ne-s, les travailleurs/ses ruraux/les et migrant-e-s, non comme des victimes méritant assistance, mais bien comme des détenteurs/rices de droits, y compris du droit à la libre circulation des personnes.
Le travail que nous menons avec nos alliés pour obtenir une Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et d’autres personnes travaillant dans les zones rurales est fondamental pour des centaines de millions de personnes dans le monde. Nous renforcerons notre travail au niveau national pour parvenir à l’adoption de cette déclaration. Cet instrument crucial permettra de renforcer les droits des peuples ruraux à protéger leurs moyens de subsistance et à continuer à nourrir le monde.
Nous devons continuer à accélérer la formation politique, idéologique, organisationnelle et technique fondée sur nos propres concepts puisqu’il est clair que l’éducation conventionnelle réprime notre identité et nos idées. La formation est fondamentale pour que nos mouvements puissent forger de nouveaux-elles acteur-trice-s actif-ve-s, capables de forger notre propre destin. Dans notre lutte, nous devons également construire notre propre communication, autonome et en collaboration avec des médias alternatifs, qui nous permettent de développer nos connaissances relatives à notre culture, à notre dignité et à notre capacité de transformer la société.
3. Changer le monde :
Le chemin est long. Nous grandissons en tant que mouvement, mais le capitalisme sauvage et les guerres d’un système mondial en crise mettent nos communautés, nos organisations et nos sociétés en danger. Face à la barbarie, il faut de toute urgence construire un autre futur pour l’humanité. Dans un contexte des plus complexes, La Vía Campesina est le moteur de luttes pour la transformation et pour la paix dans le monde. Grâce à notre travail quotidien sur le terrain, à notre contribution mondiale à l’alimentation, à nos alliances et à notre lutte pour la souveraineté alimentaire, nous sommes parvenu-e-s à gagner la confiance d’une grande partie des peuples et des mouvements. Nous assumons la pleine responsabilité de continuer à semer la paix sur la planète, tout comme nous avons globalisé la lutte et semé l’espoir dans tous les coins du monde.
Il est particulièrement importer de noter que notre lutte est parvenue à forger une nouvelle reconnaissance de la paysannerie, à changer le langage utilisé au sein des débats internationaux et nationaux sur l’alimentation, l’agriculture et le monde rural. On ne formulera plus de politiques sans que la voix des paysan-ne-s se fasse entendre ou sans que soient sur la table les droits des paysan-ne-s, l’agro-écologie, la réforme agraire et surtout la souveraineté alimentaire.
Grandir et nous renforcer en tant que mouvement signifie prêter attention au travail de terrain, construire et entretenir des alliances, lutter avec conviction contre le patriarcat, l’impérialisme et le capital financier, avec engagement et discipline. Cette lutte est vitale pour l’humanité et pour la survie de la Terre-Mère. Depuis Euskal Herria, nous lançons un appel aux peuples du monde entier à lutter avec nous. Il est temps de construire un monde plus fraternel, fondé sur la solidarité entre les peuples.
« Nous nourrissons nos peuples et construisons le mouvement pour changer le monde ».
Globalisons la lutte !
Globalisons l’espoir !
La Via Campesina
* https://viacampesina.org/fr/declaration-de-euskal-herria/
Document politique de l’Assemblée des jeunes de La Via Campesina
Nous, jeunesse de La Via Campesina, unie à l’occasion de notre IVe Assemblée internationale des jeunes, nous sommes rassemblé dans le Pays basque – Euskal Herria pour renforcer notre mouvement pour la souveraineté alimentaire. Nous sommes paysan-nes, pêcheurs-ses, peuples autochtones originaires d’Afrique, des Amériques, d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient et représentons des organisations venues de 47 pays. Nous avons convergé pour échanger des idées, développer des stratégies et faire entendre la voix de la jeunesse.
Les luttes de la jeunesse sont le reflet du contexte politique global dans lequel nous sommes particulièrement affecté-e-s. La crise mondiale présente des dimensions économique, sociale, politique et culturelle. Nous assistons à une attaque de plus en plus forte de la démocratie par le capitalisme. Nous éprouvons une violence structurelle et la criminalisation de nos luttes et mouvements sociaux. Un nombre de plus en plus important de militant-e-s paysan-ne-s ou environnementaux-les est ciblé et assassiné. Nous subissons des migrations forcées dues aux guerres, au changement climatique et aux conditions économiques et sociales oppressantes. Nos ressources (terre et territoires, semences, ressources marines, ressources en eau, etc.) sont accaparées par les industries extractives, y compris l’agribusiness, les activités minières et même le secteur des énergies renouvelables (centrales hydro-electriques, fermes solaires, etc.). Le travail de la jeunesse et des migrant-e-s est sous-évalué et brutalement exploité.
Le patriarcat et la discrimination fondée sur l’âge freinent la visibilité et la participation des jeunes aux processus décisionnels. Les médias capitalistes dominants continuent de propager le postulat erroné selon lequel l’agriculture n’a pas d’avenir et que seul l’emploi urbain dans le secteur formel peut être source de prospérité.
La terre et les territoires sont maintenant perçus comme des marchandises, exploitées via des investissements spéculatifs et via l’accaparement des terres. Ceci a pour résultat des coûts élevés et une disponibilité limitée de la terre. Cela restreint la possibilité pour les jeunes, notamment les jeunes femmes, d’accéder à la terre. Au même moment, les dures réalités et la faible rentabilité de l’agriculture fait qu’il est difficile pour les jeunes de prospérer grâce à la terre. L’accaparement des terres par le capital transnational pour les investissements industriels, la production d’énergie, l’extractivisme et le développement sont des phénomènes répandus. La situation est encore aggravée par les conséquences graves et différenciées du changement climatique.
Ensemble, ces processus forcent les jeunes à migrer à quitter les zones rurales. Les jeunes sont privé-e-s de toute opportunité et de leur responsabilité à jouer un rôle significatif dans l’action de nourrir les peuples et la Terre Mère. Les campagnes voient leur population vieillir et cela a un impact direct et des conséquences immédiates sur le présent et l’avenir de l’Humanité.
Nous luttons pour la démocratisation de nos sociétés et pour la participation pleine et entière de la jeunesse aux processus décisionnels. Nous devons nous assurer qu’au sein de nos propres organisations, les jeunes sont capables de développer des compétences de leadership. Nous devons promouvoir des politiques publiques fortes et notamment une réforme agraire intégrale et populaire afin de garantir aux jeunes leur droit de rester sur la terre.
Nous exhortons les Nations Unies à adopter la Déclaration des droits paysans qui affirme notre droit universel, en tant que jeunes, à la terre, à l’autodétermination et la souveraineté alimentaire.
Nous condamnons les assassinats, les injustices et les massacres du capitalisme patriarcal. Nous nous déclarons solidaires de tous les peuples opprimés se battant pour la paix et la dignité.
En nous appuyant sur notre expérience, nous rejetons les allégations selon lesquelles le libre-échange accroît le bien-être de notre société. Nous exigeons que l’agriculture soit exclue des accords commerciaux et que la voix des jeunes paysan-ne-s soit reconnue dans les les processus décisionnels.
L’agroécologie paysanne est notre chemin vers la souveraineté alimentaire et la solution à la crise mondiale pluridimensionnelle. L’agroécologie est une vision politique et d’un mode de vie qui nous a été légué par nos ancêtres, nous rejetons tout cooptation de ce terme par l’agri-business. Les processus et les écoles d’agroécologie que nous avons créé au sein de notre mouvement se développent à travers le monde en engendrent une multitude d’expériences couronnées de succès. Nous réaffirmons que les formations en agroécologie se doivent d’être intégrales, globales et de réunir des aspects aussi bien techniques que politiques et idéologiques, y compris des compétences essentielles en communication et des outils méthodologiques. La méthodologique de « paysan à paysan » que nous appliquons dans nos écoles d’agroécologie est un instrument important et probant d’échange d’information et de renforcement des processus de communication et de formation au sein de notre mouvement. Nous constatons que cette méthode respecte les traditionnels de nos territoires et des nos peuples, de manière à ce que nous puissions transmettre ce savoir entre les générations. Nous proposons d’étendre et de défendre notre méthode de formation en agroécologie et de la rendre accessible partout dans notre mouvement et à travers le monde.
Nous travaillons à combler le fossé entre la jeunesse urbaine et rurale. Malgré les apparences, les combats auxquels nous faisons face sont le résultat des mêmes forces oppressives du capital et du pouvoir mondiaux. Nous devons inclure dans notre mouvement tous les jeunes qui pratiquement l’agriculture urbaine, qui tentent de retourner à la terre, qui construisent la souveraineté alimentaire au niveau des communautés ou qui travaillent pour la justice sociale, à quelque titre que ce soit.
Il n’y aura pas de souveraineté alimentaire ou de justice sans féminisme ou sans égalité entre toutes et tous. Nous reconnaissons et respectons la diversité sous toutes ces formes, y compris la diversité raciale, de genre, de sexualité ou de classe. Nous allons éradiquer le patriarcat et les discriminations où qu’elles aient lieu. Nous nous engageons à mener le travail difficile d’identifier nos propres biais et les façons dont nous pouvons nous-même relayer le patriarcat malgré de bonnes intentions.
La lutte de la jeunesse mondiale n’est pas seulement la nôtre. Nous devons continuer à construire des solidarités et des convergences entre nos luttes via le partage d’informations et la création collective de savoirs.
Nous, jeunesse de La Via Campesina, devons exploiter la richesse de notre diversité culturelle, géographique, identitaire et linguistique pour continuer à renforcer notre mouvement grâce à une lutte permanente et une mobilisation active.
Nous réaffirmons notre lutte pour la terre, les territoires et nos droits collectifs sur les ressources nécessaires à pratiquer l’agroécologie paysanne comme mode de vie. Nous réaffirmons notre droit, notre capacité et notre engagement à remplir notre rôle dans la construction de la souveraineté alimentaire. Les semences que nous semons aujourd’hui nous nourriront dans le futur. La terre est prête et fertile.
Nous investissons dans la jeunesse paysanne, semer aujourd’hui pour récolter demain.
* https://viacampesina.org/fr/document-politique-de-lassemblee-jeunes-de-via-campesina/
Notes de la VII Conférence
Contexte politique et luttes en Europe
Le premier après-midi de la VIIe Conférence Internationale de La Via Campesina a été consacré au contexte politique international. Celui-ci est caractérisé par la crise insoluble du capitalisme et les pressions de plus en plus fortes qu’il exerce sur les populations, les états et l’environnement, et par la dangereuse mercantilisation de toutes les ressources naturelles. Le lendemain, ce sont les luttes et les résistances qui ont été évoquées. Partout, la souveraineté alimentaire est considérée par les membres de La Via Campesina comme la seule alternative possible au modèle imposé, et l’agroécologie le moyen d’y parvenir et de nourrir les peuples. Dans ces deux espaces, les spécificités régionales ont été analysées.
Contexte politique
En Europe, le néolibéralisme est un dogme hégémonique auquel même les partis dits socialistes souscrivent, personne ne parle plus de lutte des classes, bien que 15% de la population soit en état d’insécurité alimentaire. Dans la partie occidentale de l’Europe, après 70 ans de modernisation, on voit apparaître des dynamiques de repaysannisation, mais l’accès à la terre et la reprise de fermes est difficile et cher. Les crises du secteur s’enchaînent, les prix de vente ne couvrent plus les prix de production. Rien qu’en France, un paysan se suicide tous les 3 jours. L’entrée dans l’Union européenne des pays de l’ancien bloc de l’Est a ravivé la question de la petite paysannerie en Europe, mais il y a peu d’organisations paysannes en Europe de l’est donc cette partie du monde est encore peu représentée au sein de La Via Campesina. Le rapprochement des zones de conflits crée un climat de peur et de repli, la xénophobie est bien présente.
Luttes et résistances
Les paysans militants européens ont conscience de la position hégémonique et impérialiste de leur continent et du poids que les décisions prises ici peuvent avoir partout dans le monde. C’est pourquoi leurs luttes ne peuvent se limiter au niveau régional, il s’agit d’une responsabilité pour eux d’agir auprès de toutes les institutions internationales qui siègent en Europe. Ils sont aussi conscients de l’importance de l’empêcher de devenir une forteresse. Le succès du dernier forum Nyéléni, qui a fait converger quelques 600 personnes en Roumanie en octobre 2016, a montré la volonté commune de parvenir à la souveraineté alimentaire. Du côté des luttes sur le terrain, les fauches de champs d’OGM continuent, comme les actions directes contre les sièges des multinationales de l’agrobusiness ou le travail de plaidoyer pour défendre les droits des paysans et leur permettre d’être toujours maîtres de leurs semences. La question de l’accès à la terre est également très centrale car en Europe aussi, le problème d’accaparement des ressources naturelles existe et nécessite d’être rendu plus visible.
Contexte politique et luttes en Asie
(Dério, 22 juillet 2017) Le premier après-midi de la VIIe Conférence Internationale de La Via Campesina a été consacré au contexte politique international. Celui-ci est caractérisé par la crise insoluble du capitalisme et les pressions de plus en plus fortes qu’il exerce sur les populations, les états et l’environnement, et par la dangereuse mercantilisation de toutes les ressources naturelles. Le lendemain, ce sont les luttes et les résistances qui ont été évoquées. Partout, la souveraineté alimentaire est considérée par les membres de La Via Campesina comme la seule alternative possible au modèle imposé, et l’agroécologie le moyen d’y parvenir et de nourrir les peuples. Dans ces deux espaces, les spécificités régionales ont été analysées.
Contexte politique
D’Asie, il a surtout été rapporté la toute puissance de l’OMC et les innombrables traités de libre-échange qui rendent les populations de plus en plus dépendantes. Elles sont par ailleurs particulièrement touchées par les changements climatiques et la paysannerie est pressurisée par l’agriculture « intelligente » promue par les multinationales. Les pêcheurs aussi sont touchés. Au niveau géopolitique, les tensions belliqueuses entre les Etats-Unis et une Chine de plus en plus puissante se font ressentir ici plus que nulle part ailleurs. Elles s’illustrent en particulier sur la péninsule coréenne où les Etats-Unis veulent mettre en place un bouclier anti-missiles, dans une démonstration de force face à la Russie et à la Chine. Les Etats Unis cherchent par ailleurs à militariser l’Europe de l’est, pour avoir l’Asie en ligne de mire. En Inde, les paysannes et paysans continuent à se suicider quotidiennement.
Luttes et résistances
La résistance contre le capitalisme et la pauvreté endémique s’organise de plus en plus et on trouve quelques beaux exemples de luttes victorieuses en Asie. Le Népal a ajouté la souveraineté alimentaire à sa constitution. En Indonésie, où le travail pour une Déclaration des droits paysans a débuté, SPI, le Syndicat Paysan Indonésien, a convaincu le gouvernement d’implémenter plusieurs politiques publiques en faveur de l’agroécologie paysanne. Les membres asiatiques de La Via Campesina participent aux mobilisations internationales, ils seront présents à la COP23 et se rendront à Buenos Aires en décembre, pour protester contre la conférence ministérielle de l’OMC. L’agroécologie permet aussi la convergence des luttes, elle est liée à la justice climatique et participe au renforcement du mouvement. L’éducation à son sujet s’organise, entre les formations de paysan à paysan et les écoles régionales. En Inde, le mouvement de « l’agroécologie à budget zéro » prend de l’ampleur.
Contexte politique et luttes en Amérique du Nord
Le premier après-midi de la VIIe Conférence Internationale de La Via Campesina a été consacré au contexte politique international. Celui-ci est caractérisé par la crise insoluble du capitalisme et les pressions de plus en plus fortes qu’il exerce sur les populations, les états et l’environnement, et par la dangereuse mercantilisation de toutes les ressources naturelles. Le lendemain, ce sont les luttes et les résistances qui ont été évoquées. Partout, la souveraineté alimentaire est considérée par les membres de La Via Campesina comme la seule alternative possible au modèle imposé, et l’agroécologie le moyen d’y parvenir et de nourrir les peuples. Dans ces deux espaces, les spécificités régionales ont été analysées.
Contexte politique
Les paysans des trois grands pays d’Amérique du nord sont tous affectés par les effets néfastes de l’Accord de libre échange nord américain (ALENA), qui va être renégocié en août. Cet accord réactive les agressions contre les populations indigènes et noires-américaines ainsi que les migrants, cette cible favorite de l’administration Trump et qui fournit une main d’œuvre si bon marché, en particulier dans le domaine agricole. Autres éléments de contexte dramatique : de nombreux pesticides sont à nouveau autorisés aux Etats-Unis ; la militarisation – publique aux Etats-Unis, voit son enveloppe augmentée au détriment des programmes sociaux ; l’économie criminelle (drogue mais aussi armes, prostitution ou organes) constitue désormais 10% du PIB mexicain.
Luttes et résistances
L’élection du 45e président états-uniens, en dépit ou à cause des dangers qu’elle représente, a participé à intensifier la mobilisation des citoyens – en premier lieu les femmes et les jeunes – qui ont pris conscience que leurs droits étaient réellement menacés. La bataille de Standing Rock, en plus de rendre visibilises d’autres luttes liées aux territoires et à l’extractivisme, a activé ou renforcer les liens de solidarité entre les indigènes et différents mouvements de défense de l’environnement et des droits civils. La société civile commence à s’unir pour la souveraineté et contre le capitalisme. L’activisme pour exiger que les banques, fonds de pensions et gouvernements abandonnent les projets d’investissement dans les grands projets inutiles ou achats de terres sur d’autres continents s’organise. Les paysans s’allient aux pêcheurs, aux indigènes, et créent des réseaux et des groupes de travail pour promouvoir l’agroécologie, tandis que les consommateurs comprennent de mieux en mieux les liens entre les OGM et leurs impacts sur la santé ou sur l’économie.
Contexte politique et luttes en Amérique latine et Caraïbes
(Derio, 22 Juillet 2017) Le premier après-midi de la VIIe Conférence Internationale de La Via Campesina a été consacré au contexte politique international. Celui-ci est caractérisé par la crise insoluble du capitalisme et les pressions de plus en plus fortes qu’il exerce sur les populations, les états et l’environnement, et par la dangereuse mercantilisation de toutes les ressources naturelles. Le lendemain, ce sont les luttes et les résistances qui ont été évoquées. Partout, la souveraineté alimentaire est considérée par les membres de La Via Campesina comme la seule alternative possible au modèle imposé, et l’agroécologie le moyen d’y parvenir et de nourrir les peuples. Dans ces deux espaces, les spécificités régionales ont été analysées.
Contexte politique
L’Amérique latine, à l’exception de certains pays qui ont un gouvernement socialiste, qui ont connu une réforme agraire, qui constituent des foyers de résistance, est le théâtre d’une gouvernance de droite. De nombreux pays ont récemment connu des coups d’états, la lutte pour la démocratie et contre l’oligarchie y est de plus en plus en plus violente, marquée par une criminalisation extrêmement brutale de tous ceux qui se mobilisent pour leurs droits. Les assassinats des promoteurs de la paix se transforme en logique de répression, au Paraguay, au Honduras, au Brésil, au Guatemala et la militarisation se renforce. Le cas du Venezuela a aussi mis en exergue le problème de l’information, la majorité des médias est en effet dans les mains de ceux qui se sont déjà saisi du pouvoir. Et partout, des Caraïbes à la Terre de Feu, l’agression capitaliste rend urgente la bataille pour la préservation de toutes les ressources naturelles, au delà de l’historique lutte pour la terre.
Luttes et résistances
Si les exemples de victoires au niveau politique existent aussi, grâce à des pays comme le Salvador, la Bolivie, Cuba ou le Nicaragua, une résistance de tous les jours, basée sur un socialisme de la base, est aussi en cours sur tout le continent. Pour le mouvement paysan l’éducation est essentielle à l’avènement d’une société juste et solidaire. A travers tout le continent, la formation politique est la clé de voûte de la résistance. Les paysannes et paysans bénéficient d’une formation idéologique, en plus d’être formés techniquement à l’agroécologie par le biais d’écoles et d’universités paysannes, d’échanges de paysan à paysan, de camps pour les jeunes ou pour les femmes. La souveraineté alimentaire seule peut nourrir l’Amérique, et celle-ci est aussi un moyen de lutte, comme au Venezuela ou des initiatives de production hors marché permettent de contrer le siège alimentaire exercé par les entreprises de la distribution, qui ne livrent plus certaines denrées de base à la population. Au delà du message de paix dont elle porteuse, La Via Campesina s’implique aussi dans des actions en faveur de la paix dans le monde. Par exemple, en Colombie, elle a activement participé au processus de paix, dont elle doit à présent garantir l’application.
Contexte politique et luttes en Afrique
(Derio, 23 Juillet 2017) Le premier après-midi de la VIIe Conférence Internationale de La Via Campesina a été consacré au contexte politique international. Celui-ci est caractérisé par la crise insoluble du capitalisme et les pressions de plus en plus fortes qu’il exerce sur les populations, les états et l’environnement, et par la dangereuse mercantilisation de toutes les ressources naturelles. Le lendemain, ce sont les luttes et les résistances qui ont été évoquées. Partout, la souveraineté alimentaire est considérée par les membres de La Via Campesina comme la seule alternative possible au modèle imposé, et l’agroécologie le moyen d’y parvenir et de nourrir les peuples. Dans ces deux espaces, les spécificités régionales ont été analysées.
Contexte politique
En Afrique, la jeune et fragile démocratie subit un grave recul, et avec elle la liberté d’expression et d’organisation. Les systèmes politiques sont sclérosés et les droits des citoyens bafoués. Depuis la libéralisation des années 80, les marchés africains sont devenus les plus ouverts du monde, à présent l’état de droit n’est plus respecté. Les terres ont été les premières accaparées, puis les semences – avec l’appui de la fondation Bill Gates, et consorts – puis l’eau, et finalement ce sont toutes les richesses du continent qui se concentrent entre quelques mains, avec la bénédiction du FMI (Fonds mondial international) et de la Banque mondiale. Dans le domaine agricole, ce sont d’immenses terrains soi-disant sous-exploités qui sont sacrifiés à des projets d’investissement de large envergure, mécanisation et chimie en prime. Cette conjoncture pousse une jeunesse, majoritaire en termes démographiques et sans perspective, hors du continent, sur le périlleux chemin de la migration ou sont exploités par fondamentalistes, faisant le jeu de l’extrémisme.
Luttes et résistances
La justice – climatique, civile, l’accès aux biens communs – articule toutes les luttes africaines. Le mouvement paysan est présent sur tous fronts. Il se bat contre l’inextricable pouvoir corporativo-étatique, notamment par le biais de tribunaux populaires, de pressions sur les gouvernements, d’une caravane pour les semences, l’eau et la terre qui a parcouru l’Afrique de l’Ouest ce printemps ou de la Campagne pour le démantèlement du pouvoir des multinationales et contre l’impunité de celles-ci. Les actions pour le climat permettent aux paysans de construire des alliances et de renforcer le mouvement, les consultations régionales sur les droits paysans ont impliqué d’autres membres de la société civile. L’objectif des organisations de La Via Campesina est d’atteindre la masse critique de jeunes qui croient qu’une vie digne et un autre monde sont possibles. Ainsi ils mettent en place de nombreuses formations politiques et idéologiques, pour une agroécologie paysanne basée sur l’autonomie et le partage des savoirs.
Contexte politique et luttes en Afrique
(Derio, 23 Juillet 2017) Le premier après-midi de la VIIe Conférence Internationale de La Via Campesina a été consacré au contexte politique international. Celui-ci est caractérisé par la crise insoluble du capitalisme et les pressions de plus en plus fortes qu’il exerce sur les populations, les états et l’environnement, et par la dangereuse mercantilisation de toutes les ressources naturelles. Le lendemain, ce sont les luttes et les résistances qui ont été évoquées. Partout, la souveraineté alimentaire est considérée par les membres de La Via Campesina comme la seule alternative possible au modèle imposé, et l’agroécologie le moyen d’y parvenir et de nourrir les peuples. Dans ces deux espaces, les spécificités régionales ont été analysées.
Contexte politique
En Afrique, la jeune et fragile démocratie subit un grave recul, et avec elle la liberté d’expression et d’organisation. Les systèmes politiques sont sclérosés et les droits des citoyens bafoués. Depuis la libéralisation des années 80, les marchés africains sont devenus les plus ouverts du monde, à présent l’état de droit n’est plus respecté. Les terres ont été les premières accaparées, puis les semences – avec l’appui de la fondation Bill Gates, et consorts – puis l’eau, et finalement ce sont toutes les richesses du continent qui se concentrent entre quelques mains, avec la bénédiction du FMI (Fonds mondial international) et de la Banque mondiale. Dans le domaine agricole, ce sont d’immenses terrains soi-disant sous-exploités qui sont sacrifiés à des projets d’investissement de large envergure, mécanisation et chimie en prime. Cette conjoncture pousse une jeunesse, majoritaire en termes démographiques et sans perspective, hors du continent, sur le périlleux chemin de la migration ou sont exploités par fondamentalistes, faisant le jeu de l’extrémisme.
Luttes et résistances
La justice – climatique, civile, l’accès aux biens communs – articule toutes les luttes africaines. Le mouvement paysan est présent sur tous fronts. Il se bat contre l’inextricable pouvoir corporativo-étatique, notamment par le biais de tribunaux populaires, de pressions sur les gouvernements, d’une caravane pour les semences, l’eau et la terre qui a parcouru l’Afrique de l’Ouest ce printemps ou de la Campagne pour le démantèlement du pouvoir des multinationales et contre l’impunité de celles-ci. Les actions pour le climat permettent aux paysans de construire des alliances et de renforcer le mouvement, les consultations régionales sur les droits paysans ont impliqué d’autres membres de la société civile. L’objectif des organisations de La Via Campesina est d’atteindre la masse critique de jeunes qui croient qu’une vie digne et un autre monde sont possibles. Ainsi ils mettent en place de nombreuses formations politiques et idéologiques, pour une agroécologie paysanne basée sur l’autonomie et le partage des savoirs.
Contexte politique et luttes en Afrique du nord et Moyen Orient
(Derio, 20 juillet 2017) Le premier après-midi de la VIIe Conférence Internationale de La Via Campesina a été consacré au contexte politique international. Celui-ci est caractérisé par la crise insoluble du capitalisme et les pressions de plus en plus fortes qu’il exerce sur les populations, les états et l’environnement, et par la dangereuse mercantilisation de toutes les ressources naturelles. Le lendemain, ce sont les luttes et les résistances qui ont été évoquées. Partout, la souveraineté alimentaire est considérée par les membres de La Via Campesina comme la seule alternative possible au modèle imposé, et l’agroécologie le moyen d’y parvenir et de nourrir les peuples. Dans ces deux espaces, les spécificités régionales ont été analysées.
Contexte politique
Au Moyen Orient et en Afrique du nord, le capitalisme et l’impérialisme, arment des groupes terroristes et sont soutenus par des états réactionnaires. Cet hégémonisme, étouffe les peuples de presque tous les pays de la région. A quelques exceptions près, comme la Tunisie – premier foyer des révolutions arabes en 2011, qui fait encore figure de maigre espoir – la guerre civile est partout. Les yéménites sont isolés, appauvris, oubliés. Le peuple syrien, qui était auto-suffisant en terme d’alimentation et dont la culture millénaire a été détruite, est décimé. La Palestine reste occupée militairement par Israël, colonisée, ses ressources détruites, ses récoltes brûlées. Au Maghreb, la terre désertique est un cimetière pour les migrants et la terre fertile est la ceinture maraîchère bon marché pour l’Europe. La Libye a été détruite, pillée par le capitalisme. Les terres marocaines ont été offertes sur un plateau d’argent aux multinationales européennes, et ceux qui les cultivaient rejoignent les flux migratoires du sud vers le nord, prêts à grossir les rangs des « nouveaux esclaves » en Europe.
Luttes et résistances
Malgré les répressions constantes, les peuples du Orient et d’Afrique du nord n’ont pas fini de se soulever, de se battre pour leurs droits, contre la désertification provoquée par le capitalisme, au propre comme au figuré. Les mouvements de révoltes populaires grandissent, politiquement ou organiquement, et les membres de La Via Campesina de cette région progressent, intensifient les liens de solidarité et tâchent de ramener les luttes paysannes au cœur des débats. Un million d’arbres a été plantés en Palestine. La petite paysannerie a connu quelques victoires, des semences locales sont préservées et échangées, la souveraineté alimentaire peut nourrir les populations locales, même dans les régions sèches comme au sud de la Tunisie. Dans le Rif marocain, un mouvement de contestation populaire ne cesse de s’intensifier, de se diversifier et de s’organiser contre une répression policière brutale.
Les paysans africains partagent leurs luttes à la VIIe conférence internationale de La Via Campesina
(Derio, 21 Juillet 2017) « C’est impressionnant de voir à quel point nos luttes sont connectées. » Avec un visage laissant transparaître son enthousiasme et son empressement, Nicolette Cupido ne peut dissimuler ses émotions. Elle est heureuse pour deux raisons. C’est la première fois qu’elle participe à une conférence internationale des mouvements paysans comme celui qui se déroule à Derio, dans les environs de Bilbao, au Pays Basque. Et son organisation en Afrique du Sud, la Réforme Agraire pour la Souveraineté Alimentaire (FSC), fait partie des quelques nouveaux membres à rejoindre cette année La Via Campesina.
Coordinatrice auprès des communautés et membre du FSC, Nicolette s’engage dans la production d’aliments, chez elle comme dans les jardins communautaires de Moorreesburg un village de la province de Western Cape, à quelques 120 kilomètre du Cap. Elle cultive une grande diversité de légumes, c’est ainsi qu’elle contribue à la construction de la souveraineté alimentaire. « Je plante des tomates, des oignons, des betteraves, des choux et des carottes. La lutte pour la souveraineté alimentaire doit être concrète, aussi » déclare-t-elle.
Comme Nicolette, une vingtaine de paysans africains sont venus du Mozambique, du Niger, du Zimbabwe, du Mali, du Sénégal représenter leurs mouvements à la conférence. Celle-ci se déroule tandis que l’Afrique vit un moment difficile, a indiqué Ibrahima Coulibaly, de la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) du Mali. Presque partout l’élite et les multinationales s’efforcent de s’accaparer et de contrôler les moyens de subsistance des populations, comme la terre, les ressources minières, les semences et l’eau. Ces ressources naturelles sont de plus en plus privatisées, à cause de la multitude d’accords d’investissement et des politiques guidées par les nouvelles approches institutionnelles, imposée au continent par les puissances occidentales et les institutions de Bretton Woods comme la Banque Mondiale ou le FMI. « La démocratie est attaquée. La répression des protestations et les assassinats de leaders politiques augmentent, mais nous devons continuer à construire des alternatives » a déclaré Coulibaly.
Elizabeth Mpofu, du Forum des petits paysans agroécologiques du Zimbabwe (ZIMSOFF) est une paysanne qui a accédé à la terre après avoir pris part à l’occupation radicale des terres, qui a provoqué le premier train de réforme agraire au Zimbabwe, au début des années 2000. Selon elle, la construction d’alternatives passe par l’action directe. « J’étais une femme sans terre. Avec courage et détermination nous nous sommes levés et nous avons agis. Maintenant j’ai une terre et je pratique l’agroécologie. »
Les relations entre l’état, le pouvoir corporatif et la paysannerie ont toujours été ceux de l’exploitation. Ceci sous-tend la question agraire en Afrique. Comme certains chercheurs l’ont démontré, ces relations ont été coercitives. La perception que l’Afrique est un territoire sous-exploité et donc disponible pour l’investissement agricole à grande échelle a encore cours auprès des gouvernement occidentaux et des investisseurs étrangers.
La paysannerie africaine a cependant toujours résisté à l’avancée du capitalisme dans ses campagnes. « L’Afrique nous a enseigné plusieurs siècles de luttes et de résistances » a remarqué Eberto Diaz, leader paysan de Colombie, membre de la FENSUAGRO (Federación Nacional Sindical Unitaria Agropecuaria), lors de la séance d’ouverture de la VIIe conférence de La Via Campesina. Elizabeth Mpofu partage la même conviction : « Je pense que nos luttes, passées comme actuelles, peuvent inspirer nos camarades d’autres pays. »
Domingos Buramo, du Syndicat Paysan du Mozambique (UNAC), a rapporté à la conférence l’expérience des paysans du Mozambique et du reste de la société civile dans leur lutte contre l’accaparement de terres et les projets d’investissement de grande envergure au Mozambique. Il a mentionné la résistance contre ProSavana, un de ces projets agricoles géants, pour montrer à quel point les luttes articulées peuvent être transformatrices. « A présent le gouvernement change de point de vue, grâce à notre travail. Ce sont toutes nos sociétés que nous pouvons changer. »
En Afrique du Sud, les sans-terre s’engagent dans différentes sortes de protestations pour accéder à la terre, à l’eau et aux différentes bien communs. « Nous entreprenons diverses actions sociales, comme des marches de protestation, des piquets de grèves, des sit-in et même des occupations de terres », déclare Tieho Mofokeng, du Mouvement des Peuples Sans Terre (MLP), de Free State en Afrique du Sud.
L’Afrique – comprenant également le Maghreb – dernier continent à rejoindre La Via Campesina. Depuis 2004, le nombre des organisations africaines à venir grandir le mouvement n’a fait qu’augmenter. Les mouvements africains considèrent leur adhésion au grand mouvement paysan comme un processus stratégique d’amplification de leurs luttes et un renforcement de l’internationalisme.
La conférence internationale de La Via Campesina est l’espace décisionnel le plus haut et le plus important du mouvement.