En Chine, la bombe à retardement de la dette
Aucun autre pays n’a connu un tel emballement en dix ans. L’origine du phénomène : les plans de relance de Pékin en faveur de sa croissance.
C’était il y a deux ans. Une éternité. A l’été 2015, la crainte d’un brutal ralentissement de l’économie chinoise, dopée à l’hyper-endettement, fait paniquer les marchés, provoquant une violente secousse sur les Bourses mondiales. Eté 2017 : Pékin navigue en eaux calmes. La croissance est maintenue à flot. Les investisseurs y croient. Tellement que, fin juin, pour la première fois, le prestigieux indice MSCI des marchés émergents décide de lui ouvrir la porte : plus de 200 valeurs chinoises cotées à Shanghaï et à Shenzhen vont y être intégrées dans les mois à venir.
Finies les inquiétudes ? Tout est question de point de vue. « Oui, l’activité s’est stabilisée, souligne Julien Marcilly, économiste en chef de l’assureur-crédit Coface. Mais c’est pour de mauvaises raisons : parce que le gouvernement a dépensé plus et relâché les vannes du crédit. » M. Marcilly n’est pas de ceux pour qui l’endettement chinois n’est qu’un épouvantail qu’on agite pour jouer à se faire peur. C’est une bombe à retardement. Ou, pour le moins, un risque à prendre très au sérieux.
De 151,4 % à 257 % du produit intérieur brut
Entre fin 2006 et fin 2016, la dette totale – ménages, entreprises (hors banques), Etat et collectivités – est passée de 151,4 % à 257 % du produit intérieur brut (PIB), selon la Banque des règlements internationaux. Sur la période, aucun autre pays n’a connu un tel emballement. La dette des entreprises suscite particulièrement l’inquiétude : elle a doublé depuis 2008 (plus de 160 % du PIB) ! Sans même compter les prêts non régulés obtenus grâce au « shadow banking », la « finance de l’ombre »… Ce gonflement ininterrompu est « le plus gros danger auquel est confrontée l’Asie émergente », mettait en garde le cabinet d’analyses Capital Economics dans une note publiée fin mai.
Les racines du phénomène sont connues. Depuis une décennie, Pékin a soutenu sa croissance à coups de plans de relance massifs. Pour contrer le ralentissement mondial, le levier de la dépense publique a été actionné, et les banques ont été encouragées à prêter généreusement, aux collectivités locales comme aux entreprises publiques. Cette flambée du crédit a bien permis d’éviter un fléchissement brutal de l’activité. Mais elle a contribué à fabriquer de vastes surcapacités de production dans des pans entiers de l’industrie. Et certaines sociétés, peu rentables et mal gérées, ne seront probablement jamais capables de rembourser leur dû.
« Va-et-vient permanent »
Fin mai, l’agence de notation financière Moody’s a tiré un coup de semonce : pour la première fois en vingt-huit ans, elle a dégradé la note de crédit de la Chine (de Aa3 à A1), disant craindre une érosion de la solidité financière de la deuxième économie mondiale. Le compte à rebours d’une crise financière est-il pour autant déclenché ? Pas si simple. « Il n’y aura pas de crise de la dette en Chine, affirme Patrick Artus, économiste en chef chez Natixis. Un schéma dans lequel l’Etat prête à l’Etat, ce n’est pas très dangereux. »
De fait, la majorité de la dette chinoise est libellée en yuans et détenue à l’intérieur du pays : très largement constituée de prêts délivrés par des banques publiques à des entreprises d’Etat, elle ne dépend pas de la mainmise des créanciers étrangers. Une configuration qui limite le risque de turbulences et de contagion. Le géant asiatique peut aussi se targuer d’être assis sur un épais surplus d’épargne. « En cas de problème, le gouvernement peut, à tout moment, mobiliser une montagne de dépôts bancaires », insiste M. Artus.
Les timoniers chinois assurent prendre l’affaire au sérieux et affichent leurs velléités de réformes. Ces derniers temps, les conditions d’accès au crédit ont été durcies. « Mais on est dans un va-et-vient permanent : quand la croissance se raffermit, le gouvernement referme un peu le robinet, mais, dès que celle-ci déçoit, il redevient laxiste, souligne M. Marcilly. Avec un tel niveau de dette, que se passera-t-il si un phénomène de panique s’empare des épargnants chinois et qu’ils se mettent brusquement à retirer leur argent de la banque ? »
Une équation délicate
Quoi qu’il décide, Pékin est mis face à une équation délicate. Freiner drastiquement l’endettement, au prix de douloureuses réformes se traduisant logiquement par des faillites d’entreprises, une hausse du chômage et de possibles troubles sociaux. Ou privilégier la stabilité économique et sociale – ce qu’il a fait jusqu’ici – au risque de ne plus pouvoir se détacher de la croissance par la dette.
« Le danger, plus qu’une crise financière, est alors de tomber dans un scénario à la japonaise », estime Françoise Huang, économiste chez Exane. A la façon du Japon des années 1990, la croissance de la Chine serait entravée par des banques et des entreprises « zombies », incapables de financer l’innovation. « Ce fardeau pèsera sur le développement, poursuit Mme Huang, alors même que la Chine n’appartient pas encore à la catégorie des pays à hauts revenus. »
Marie de Vergès
* LE MONDE ECONOMIE | 08.07.2017 à 10h46 • Mis à jour le 08.07.2017 à 11h00 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/07/08/en-chine-la-bombe-a-retardement-de-la-dette_5157819_3234.html#QGzvBTahWhlW3Huy.99
Sous l’œil de Pékin, le géant Wanda réduit sa dette
Plusieurs groupes sont dans le viseur des autorités, qui s’inquiètent de leur politique d’acquisitions à grands coups de crédit.
Il y a moins d’un an, l’homme le plus riche de Chine, Wang Jianlin, proclamait sur les chaînes de télévision de son pays son intention de dépasser l’empire du divertissement américain : « Glorifié hier, Disneyland appartient au passé. » Lundi 10 juillet, rattrapé par le fardeau de la dette, son groupe, Wanda, a dû annoncer la cession de ses parcs d’attractions et de l’essentiel de ses hôtels à un autre promoteur immobilier, Sunac. Ce dernier acquiert ainsi 91 % du capital des treize projets de parcs touristiques, dont trois seulement sont déjà ouverts, ainsi que 76 hôtels sur les 102 que possédait Wanda.
L’opération coûtera 63,17 milliards de yuans, soit 8,15 milliards d’euros, à Sunac. Comme d’autres grandes chaînes hôtelières avant lui, M. Wang semble, dans ce secteur, vouloir se limiter à apporter un concept et des services, et ne plus être propriétaire des murs. Mais son retrait des parcs à thèmes est l’aveu d’un revers.
Pas plus tard qu’en septembre 2016, il prévenait que la quinzaine de parcs d’attractions qu’il ferait construire dans le pays serait comme une « meute de chiens » s’attaquant au tigre Disney. Pour cela, il misait sur les villes de second rang : Hefei, Nanchang, capitales de provinces rurales et pauvres, ou encore Xishuangbanna, près de la frontière laotienne, lorsque Disney avait choisi Shanghaï. M. Wang se moquait des 5,5 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros) dépensés par l’américain – contre 1,5 milliard pour son parc de Nanchang. Mais Disney Shanghaï a attiré 11 millions de visiteurs sur sa première année, contre 1,3 million sur les sept premiers mois pour Wanda dans la capitale du Jiangxi (pour 10 millions de visiteurs espérés sur l’année).
Audit réclamé aux banques
L’homme d’affaires a bâti un empire dans les centres commerciaux, qu’il a étendu aux hôtels de luxe et au cinéma, devenant le plus gros exploitant de salles de la planète en acquérant en 2012 le réseau américain AMC. Il s’essaye depuis à la production de blockbusters, finançant La Grande Muraille, sorti en 2016 avec Matt Damon en tête d’affiche, et a lancé dans le grand port du nord-est de Qingdao le chantier de gigantesques studios. Il comptait également sur l’essor des loisirs auprès de la nouvelle classe moyenne chinoise pour ses parcs d’attractions. En 2014, Wanda inaugurait en grande pompe un parc sur le thème du cinéma à Wuhan (centre), mais celui-ci n’a pas attiré les foules attendues et a fermé ses portes en 2016 pour une réorganisation sans date de réouverture.
L’annonce de cette cession intervient quelques semaines après que Pékin a réclamé aux grandes banques du pays un audit de leur exposition à cinq groupes emblématiques de la percée chinoise à l’étranger – dont Wanda –, la Commission de régulation bancaire craignant le « risque systémique que font porter certaines grandes entreprises » aux banques.
La vague d’acquisitions en cours hors des frontières, bien qu’étant un nouvel attribut de la puissance chinoise, inquiète Pékin. Le gouvernement craint que, nourrie par les ambitions démesurées de ces hommes d’affaires et financée à coups de crédits, elle ne se traduise demain par une crise tant pour l’image que pour l’économie du pays en cas de faillite.
Rentrer dans le rang
Le régulateur demandait d’observer en particulier quatre groupes dont Fosun, propriétaire du Club Med et du Cirque du soleil. HNA est aussi visé. L’actionnaire du groupe Hilton, des plateaux-repas Servair, de la compagnie Aigle Azur et de Pierre et Vacances a dépensé un peu plus de 40 milliards de dollars à l’étranger en deux ans.
On compte aussi Anbang, propriétaire du Waldorf Astoria et qui jusqu’à peu était en discussion sur un projet immobilier avec la famille Kushner, dont l’héritier Jared est le beau-fils de Donald Trump. Anbang a semblé particulièrement dans le viseur : son fondateur, Wu Xiaohui, qui a appuyé son ascension sur son mariage avec la fille du dirigeant Deng Xiaoping, le père de l’ouverture économique chinoise, avait mystérieusement disparu en juin avant d’être retrouvé dans le bureau des enquêteurs.
Enfin était ciblé Wanda, qui, en 2016, a dépensé 3,5 milliards de dollars pour acquérir Legendary Entertainment, le studio hollywoodien derrière les derniers Batman et Interstellar.
Avec la cession colossale de ses parcs d’attractions et de l’essentiel de ses hôtels, qui marque un coup d’arrêt à certaines de ses plus grandes ambitions, M. Wang montre à Pékin qu’il rentre dans le rang. « Par ce transfert d’actifs, notre ratio d’endettement va baisser significativement. Ce retour de fonds sera entièrement utilisé pour payer les prêts, et Wanda prévoit de rembourser l’essentiel de ses crédits bancaires avant la fin de l’année », a déclaré l’homme d’affaires, lundi, au site d’information économique Caixin.
Harold Thibault (Pékin, envoyé spécial)
* LE MONDE ECONOMIE | 11.07.2017 à 11h45 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/07/11/sous-l-il-de-pekin-le-geant-wanda-reduit-sa-dette_5158976_3234.html
Pékin et le capitalisme sous contrôle
Les autorités chinoises, obsédées par le risque systémique, ont placé sous surveillance quatre entreprises très actives à l’international, HNA, Fosun, Wanda et Anbang.
Si aux Etats-Unis, le FBI avait, en 2006, « enlevé » quelques patrons de sociétés immobilières pour une explication musclée sur leurs pratiques financières, le cours de la crise de 2007-2008 aurait peut-être été différent. Les autorités chinoises, qui aiment convoquer l’Histoire et ont précisément étudié les crises économiques récentes, ne s’encombrent pas de scrupules pour recadrer les entrepreneurs un peu trop aventureux. L’imprudent et flamboyant Wu Xiaohui, patron de la société d’assurance Anbang, l’a appris à ses dépens le 14 juin dernier. Il a soudain disparu, pour réapparaître dans les locaux de la police pékinoise. Ses investissements spectaculaires, notamment dans l’Hôtel Waldorf Astoria de New York, et surtout la manière dont ils sont financés, interrogent les autorités.
Ce jeudi 22 juin, le pouvoir chinois a serré une nouvelle fois la vis. L’Autorité de régulation bancaire a ordonné aux banques du pays d’examiner leur exposition à quatre entreprises particulièrement actives à l’international depuis quelques années. HNA, qui a acheté le groupe Hilton, Fosun, l’acquéreur du Club Med, Wanda et ses studios à Hollywood et, bien sûr, Anbang et ses palaces, sont placés sous surveillance.
Un suivi obsessionnel
Depuis cinq ans, ces quatre-là ont dépensé 56 milliards de dollars (50 milliards d’euros) à l’étranger. Pékin craint comme la peste le risque systémique et redoute de voir les montages audacieux de ces rois de l’immobilier ou de l’assurance contaminer le système bancaire chinois, déjà fragilisé par la masse considérable des créances douteuses à l’intérieur du pays.
Le gouverneur de la banque centrale, Zhou Xiaochuan, l’a expliqué sans détour cette semaine : « L’expérience de la crise globale nous apprend que la première priorité est de garder des institutions financières saines. Nous ne pouvons pas tolérer des pratiques comme un levier d’endettement excessif, une capitalisation trop faible et des prêts non performants. » Alors, sans complexe, le pouvoir étend son contrôle sur l’économie. Aucun pays au monde n’est géré avec un tel degré de précision. Il avait déjà ordonné la restriction des sorties de capitaux, il pilote de jour en jour le cours de sa monnaie, surveille comme le lait sur le feu la santé de sa Bourse, de ses entreprises et celle du marché de l’immobilier, courant d’un foyer à l’autre pour éteindre les incendies avant qu’ils ne se propagent.
Pour l’instant, ce suivi obsessionnel de la santé de son économie lui a plutôt réussi. Il a évité tous les pièges qui se présentaient. Maniant la carotte de la fortune rapide et le bâton de la disgrâce immédiate, il pilote ses entrepreneurs privés pendant qu’il tente dans le même temps de moderniser son immense secteur public. La Chine n’est pas Abou Dhabi ou le Qatar. Ses entreprises n’ont pas vocation à sortir des capitaux du pays pour investir dans des palaces parisiens ou new-yorkais, mais à servir le développement économique de la nation. Capitalisme sous contrôle.
Philippe Escande
* LE MONDE ECONOMIE | 23.06.2017 à 11h29 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/06/23/pekin-et-le-capitalisme-sous-controle_5149971_3234.html#57R1Hi2Qku7cHp4P.99
Le patron de l’assureur Anbang détenu en Chine
Wu Xiaohui est entendu par les enquêteurs. Sa société appartientà un secteur surveillé de près par les autorités financières chinoises.
Décidément, il ne fait pas bon travailler dans la banque et dans l’assurance en Chine par les temps qui courent. Les autorités, qui luttent contre la spéculation et le surendettement, ont annoncé, jeudi 15 juin, la destitution du numéro deux de la Commission de régulation bancaire, Yang Jiacai. Elles ont aussi l’assureur Anbang et son patron, Wu Xiaohui, dans leur collimateur. Le milliardaire, qui a multiplié la taille de son entreprise par plus de dix grâce à des investissements osés, mais risqués, est entendu depuis une semaine par des enquêteurs chinois.
Vendredi 9 juin, le régulateur de l’assurance a informé Anbang que son PDG était détenu, sans donner de précisions, rapporte le magazine économique Caijing. Mardi 13, l’entreprise a expliqué que M. Wu ne pouvait pas, temporairement, assurer ses fonctions. Selon Bloomberg, les banques chinoises ont reçu l’ordre de ne plus faire d’affaires avec Anbang et six grands établissements financiers ont d’ores et déjà cessé de vendre ses polices d’assurance dans leur réseau.
Troisième assureur chinois, Anbang compte 30 000 employés et gère 1 970 milliards de yuans d’actifs (258 milliards d’euros). Créée en 2004, l’entreprise a explosé dans les années 2010. D’après des données publiques, elle détenait 27 milliards de yuans d’actions sur les seules places boursières chinoises fin 2013. Trois ans plus tard, ce montant s’élevait à 203 milliards, selon un décompte du Wall Street Journal.
Multiples acquisitions à l’étranger
Depuis deux ans, l’entreprise faisait partie de ces grands groupes chinois multipliant les acquisitions à l’étranger, comme Wanda, HNA ou Fosun, entre autres. Anbang a notamment racheté l’hôtel américain Waldorf-Astoria, à New York, pour 1,95 milliard de dollars en février 2015, puis un groupe d’hôtels détenu par Blackstone pour 5,5 milliards, en mars 2016, juste avant de tenter d’acquérir la chaîne Starwood Hotels, pour 13 milliards de dollars, un projet abandonné.
L’entreprise a aussi racheté des assureurs américain, coréen, belge et hollandais, pour plusieurs milliards de dollars. En décembre 2016 enfin, Anbang s’était intéressé à un gratte-ciel détenu par la famille de Jared Kushner, le gendre du président américain. Mais, face au risque de conflit d’intérêts soulevé par la presse américaine, le chinois avait retiré son offre.
Depuis le début d’une vaste campagne anticorruption en 2013, lancée par le président Xi Jinping qui venait d’arriver au pouvoir, un certain nombre de grands patrons ont été entendus par des enquêteurs. Certains sont réapparus après quelques jours, comme le patron de Fosun, conglomérat qui détient, entre autres, le Club Med. Mais d’autres n’ont pas eu cette chance : en janvier, l’homme d’affaires Xiao Jianhua avait été enlevé dans un hôtel à Hongkong, « pour collaborer à une enquête », selon la version officielle. Ce milliardaire de la finance, proche de grandes familles communistes chinoises, n’est pas réapparu.
A ce stade, difficile de savoir si le patron d’Anbang est entendu au sujet des activités de son groupe, particulièrement agressif dans le milieu de l’assurance, ou de ses connexions politiques. M. Wu est en effet marié à la petite-fille de l’ancien leader chinois Deng Xiaoping. De quoi alimenter des théories sur une guerre entre factions liées aux grandes familles rouges, à quelques mois du 19e congrès du Parti communiste qui doit renouveler en partie la classe politique chinoise.
Un secteur en surchauffe
Mais l’assurance fournit à elle seule son lot de mystères. Après plusieurs années de dérégulation, les autorités semblent décidées à réduire les risques financiers en Chine, en s’attaquant notamment au surendettement et à un manque de transparence endémique. En mars dernier, le président de la commission de régulation de l’assurance chinoise (CIRC) a été limogé et placé sous enquête. Entre 2011 et 2017, l’industrie avait triplé de volume, notamment grâce à une libéralisation menée sous son autorité.
Anbang avait été l’une des entreprises les plus gourmandes du secteur. Certaines assurances vendues par les assureurs chinois font polémique : les produits de gestion de fortune. « Ce que vend Anbang, ce sont des produits d’investissement, avec une caractéristique assurantielle. Anbang peut vendre une assurance-vie, sauf qu’après deux ans ou cinq ans vous pouvez retirer votre mise, avec 6 % ou 7 % d’intérêt. »
Problème : ces produits ont été vendus tellement massivement que l’économie en dépend. En mars 2017, les assureurs chinois géraient 1 800 milliards d’euros, deux fois plus qu’en 2013. Et, avec des intérêts garantis à 7,5 % en moyenne, ils ont dû faire des investissements de plus en plus risqués. « Vous connaissez l’expression : si vous devez 10 millions à la banque, c’est votre problème, si vous lui devez 100 millions, c’est le problème de la banque ! Avec 300 milliards d’actifs, et des millions de clients, Anbang peut causer de vrais problèmes à la Chine, donc aux autorités », estime le chercheur à l’université de Pékin Christopher Balding.
En décembre dernier, la compagnie d’assurances Foresea s’est vu interdire de vendre ces produits d’investissement. En avril, elle a écrit à la CIRC pour demander la levée de l’interdiction « afin d’éviter des incidents de masse provoqués par des clients, et des risques systémiques qui mettraient en danger l’industrie ». Des menaces à peine voilées. En mai, Anbang a été frappée de la même interdiction.
Simon Leplâtre (Shanghaï, correpondance)
* LE MONDE ECONOMIE | 15.06.2017 à 11h11 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/06/15/le-patron-de-l-assureur-anbang-detenu-en-chine_5144927_3234.html
La Chine s’attaque aux banquiers corrompus
La purge que mène le président chinois Xi Jinping fait désormais des victimes dans la finance. Une manière pour l’exécutif de reprendre la main dans ce secteur.
La campagne contre la corruption que mènent le président chinois Xi Jinping et ses alliés politiques passe désormais par le secteur financier. La multiplication des annonces d’enquêtes visant les dirigeants de grandes banques chinoises ces derniers jours en atteste.
Une cour de justice de Nankin (Jiangsu, Est) a annoncé, mercredi 4 février, la condamnation à la réclusion à perpétuité de Yang Kun, l’ancien vice-président de la Banque agricole de Chine. Il était accusé d’avoir abusé de son pouvoir pour engranger l’équivalent de plus de quatre millions d’euros de pots-de-vin en dollars de Hongkong ou des Etats-Unis, mais aussi en peintures, lingots d’or et meubles en palissandre, entre son accession à la tête de la troisième institution financière du pays et son arrestation en 2012.
Son procès s’était ouvert en juin 2014 et la cour n’a pas expliqué pourquoi elle a attendu cette semaine pour faire état de ce verdict. Elle fait preuve d’un sens aigu du calendrier politique. Car la chute d’un autre banquier a été annoncée lundi soir : celle du directeur du conseil d’administration de la Banque de Pékin, Lu Haijun, suspecté de « graves violations de la discipline », formule synonyme de corruption.
Surtout, l’éviction d’un troisième financier de haut vol, Mao Xiaofeng, avait été annoncée deux jours plus tôt, le 31 janvier. Il s’agit là de l’affaire la plus suivie, du fait du profil du personnage. Il était président depuis août 2014 de la banque Minsheng, première banque d’ampleur nationale, dont l’actionnariat est majoritairement privé.
Etoile montante, parfois surnommé « président Mao », car originaire de la province du Hunan comme le fondateur de la République populaire, 42 ans, bosseur mais aussi tombeur dont les histoires de cœur faisaient jaser, Mao Xiaofeng avait rejoint la banque dès 2002, d’abord à un rang de sous-directeur. Il a officiellement démissionné pour « raisons personnelles ».
En réalité, M. Mao a été emmené par les agents du « Jiwei », la commission disciplinaire du Parti communiste chinois (PCC), le 25 janvier, dans le cadre des enquêtes sur les réseaux de Ling Jihua, directeur, de 2007 à 2012, de l’Office général du PCC – l’équivalent d’un secrétaire de l’Elysée – sous la présidence de Hu Jintao.
L’ouverture d’une enquête sur l’ex-bras droit de Hu Jintao avait été annoncée le 22 décembre 2014, là encore pour « graves violations de la discipline ». Elle constitue une deuxième phase dans la « chasse aux tigres » menée par Xi Jinping pour renforcer ses propres réseaux en même temps que pour lutter contre la gangrène du parti unique, après avoir obtenu la chute de l’ancien « tsar » de l’appareil sécuritaire, Zhou Yongkang, et d’un nombre important de ses acolytes dans l’industrie pétrolière.
Financiers rouges
De sorte que la pelote se déroule désormais dans les secteurs où Ling Jihua avait tissé son réseau d’influence. « Avec la tombée en disgrâce de M. Ling, la banque Minsheng a perdu son bouclier de protection et se trouve exposée à la campagne », constate par téléphone Li Chengyan, directeur du Centre d’études anticorruption de l’université de Pékin.
Car, avant d’être « parachuté » à la banque Minsheng, comme le décrit la presse chinoise, Mao Xiaofeng est passé de 1996 à 2002 par les rangs de la Ligue de la jeunesse communiste, bastion de l’ancien président Hu et de son bras droit déchu, une période durant laquelle le prodige étudiera également aux Etats-Unis à la Kennedy School of Government d’Harvard. Selon le quotidien Nouvelles de Pékin, M. Mao a su renvoyer l’ascenseur en arrangeant un « club VIP » pour que l’épouse de Ling Jihua bénéficie d’un emploi fictif dans une branche de la Minsheng, de même que la femme de Su Rong, ex-vice-président d’une assemblée consultative, lui aussi objet d’une enquête.
C’est le contrôle du premier prêteur chinois dont le capital n’est pas directement entre les mains du gouvernement central qui est en jeu derrière ces luttes de pouvoir entre financiers rouges et politiques, et ce à l’heure où Pékin promet de donner un rôle plus important au privé et au marché, notamment dans le secteur bancaire.
Une importante compagnie d’assurances, Anbang, qui s’est déjà offert à l’automne 2014 l’Hôtel Waldorf Astoria à New York ainsi que l’assureur Fidea et la banque Delta Lloyd – ces deux sociétés sont belges –, a d’ailleurs œuvré en décembre pour devenir le premier actionnaire de la banque Minsheng. « Anbang lui-même est le fruit du capitalisme bureaucratique. Je pense qu’Anbang a pris cette décision car il devait savoir de longue date pour le départ de Mao Xiaofeng », ose penser le professeur Li Chengyan. De fait, 17 % du capital de la banque Minsheng est désormais contrôlé par Anbang, dont le fondateur, Wu Xiaohui, n’est autre que l’ex-époux de la petite-fille du père des réformes chinoises, le défunt Deng Xiaoping.
Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)
* LE MONDE ECONOMIE | 05.02.2015 à 12h14 • Mis à jour le 05.02.2015 à 12h14 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/05/la-chine-s-attaque-aux-banquiers-corrompus_4570597_3234.html
En Chine, le régulateur bancaire s’attaque à la finance de l’ombre
Certains établissements, affectés par les créances douteuses, sont en grande difficulté.
En une phrase, la Commission de régulation bancaire chinoise (CBRC, en anglais) a résumé l’épineux problème auquel doit faire face l’institution. Et l’économie chinoise : « Nous espérons maintenant éviter les risques, qui ont résulté des nouvelles réglementations afin de réduire les risques à long terme », a déclaré Xiao Yuanqi, chef de département de la CBRC, le 12 mai.
Les risques à long terme ? Le surendettement des banques, entreprises, et collectivités chinoises, dont le total atteint 270 % du produit intérieur brut (PIB) chinois, en partie dissimulé par les montages et les produits financiers complexes de la « finance de l’ombre » (shadow banking). Le défi, pour l’institution et son nouveau chef, Guo Shuqing : mettre un terme à ces pratiques dangereuses, sans provoquer de crise ouverte qui menacerait la deuxième économie mondiale.
Illustration : le 16 mai, la banque centrale de Chine (PBOC) a dû injecter 24,7 milliards de dollars sur le marché interbancaire, la plus importante intervention depuis le Nouvel An chinois, période habituelle de retrait d’argent. Nombre de banques seraient en difficulté depuis que la banque centrale fait remonter ses taux d’intérêt et limite les injections de « cash » dans le système financier. La PBOC a renouvelé l’opération lundi 22 mai, à hauteur de 40 milliards de yuans net (5,2 milliards d’euros).
« Les taux d’intérêt montent, la Bourse chute, et les matières premières sont en baisse depuis la mise en place de ces réformes. Ce n’est pas facile ! Mais la finance de l’ombre a pris une telle importance qu’il fallait absolument agir, explique Hao Hong, directeur de la recherche à la Bank of Communications International. Certaines banques de taille moyenne ont des actifs, en dehors de leur bilan, aussi importants que ceux qui y figurent ! Cela donne le vertige. »
Complexité de l’opération
La nomination de Guo Shuqing à la tête de la CRBC en février avait été vue comme un signal positif. M. Guo est considéré comme un réformateur et un libéral, dans le contexte chinois. Surtout, elle est intervenue à un moment où les dirigeants semblaient prendre la mesure des risques d’une croissance stimulée par l’accumulation de dette.
Lire aussi : Les mauvaises dettes inquiètent les banquiers chinois
Avec l’approbation du président chinois, Xi Jinping, le nouveau président de la CBRC a lancé un vaste audit des institutions financières du pays, qu’il décrivait sans langue de bois lors de sa première conférence de presse le 2 mars : « Banques, fonds d’investissement, courtiers et assureurs gèrent des actifs comparables, mais sont soumis à des règles distinctes et à des régulateurs différents (la CBRC, l’autorité des marchés financiers, l’autorité du secteur de l’assurance). C’est le Far West ! »
L’audit, censé durer huit mois, a déjà fait des victimes : mi-avril, la banque Minsheng annonçait une enquête de police sur l’un de ses cadres, après la disparition de 1,65 milliard de yuans prétendument investis dans des produits de gestion de fortune. D’après la banque, il s’agit d’un cas individuel qui implique un employé malhonnête, en l’occurrence le vice-président d’une branche de la Minsheng, à Pékin. Mais la police a détenu d’autres employés, et l’affaire souligne le manque de contrôles internes.
« LES TAUX D’INTÉRÊT MONTENT, LA BOURSE CHUTE, ET LES MATIÈRES PREMIÈRES SONT EN BAISSE DEPUIS LA MISE EN PLACE DE CES RÉFORMES. CE N’EST PAS FACILE ! MAIS IL FALLAIT ABSOLUMENT AGIR »
Une façon pour la CRBC de faire preuve de sa détermination. Mais aussi de montrer la complexité de l’opération : après l’annonce de l’affaire, les investisseurs clients de la banque, craignant d’être ruinés, ont manifesté devant les locaux pékinois de l’institution… L’exemple de « trouble à l’ordre public » que Pékin cherche à éviter à tout prix.
Quelques jours plus tôt, le 9 avril, le président du régulateur des assurances, Xiang Junbo, était démis de ses fonctions et placé sous enquête de la Commission centrale pour l’inspection de la discipline du Parti communiste. Accusé de « violation sévère de la discipline », il est le plus haut responsable du secteur financier à tomber dans la campagne de lutte contre la corruption lancée par Xi Jinping en 2013.
87 % du PIB
Sous son règne, les grandes compagnies d’assurances du pays étaient devenues les acteurs financiers les plus agressifs, multipliant les acquisitions grâce à l’argent collecté, en vendant des produits d’assurance similaires aux produits de « gestion de fortune » des banques. Dans les deux cas, des taux élevés, parfois garantis, mais aucune transparence sur l’utilisation des fonds.
Or, par un jeu d’intermédiaires et de restructuration de produits financiers, certains prêts à risque sont dilués avec des créances moins dangereuses. Des pratiques qui rappellent les « subprimes » américains. Une manière aussi de faire sortir des bilans des banques les créances douteuses, revendues par l’intermédiaire d’autres institutions financières.
D’après une étude d’UBS Group AG, 22 000 milliards de yuans de créances n’auraient pas été comptabilisés dans la mesure totale des crédits octroyés en 2016, contre 16 500 milliards en 2015. Ainsi, la « finance de l’ombre » aurait triplé en cinq ans, et représenterait aujourd’hui 65 000 milliards de yuans, fin 2016, soit 87 % du PIB chinois, selon l’agence de notation Moody’s.
« En ce moment, personne n’a le droit de vendre ces produits. C’est un grand changement qui pèse sur le marché de la dette. Mais il aurait fallu le faire il y a longtemps », estime l’économiste Hao Hong.
Simon Leplâtre (Shanghaï, correpondance)
* LE MONDE ECONOMIE | 22.05.2017 à 11h09 • Mis à jour le 22.05.2017 à 11h10 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/05/22/en-chine-le-regulateur-bancaire-s-attaque-a-la-finance-de-l-ombre_5131612_3234.html
La Chine freine la boulimie d’acquisitions de ses entreprises
Pour lutter contre la fuite des capitaux, Pékin limite les possibilités pour les groupes chinois d’investir à l’étranger.
Les autorités chinoises s’en défendent, mais les exemples s’accumulent : le contrôle des capitaux imposé par Pékin à ses entreprises a bien un effet négatif sur les affaires. Dernière victime, Wanda, le groupe de l’homme le plus riche de Chine, Wang Jianlin, et l’un des plus offensifs en matière d’acquisitions à l’étranger ces cinq dernières années. L’entreprise a dû renoncer au rachat pour 1 milliard de dollars (940 millions d’euros) de la société américaine Dick Clark Productions (DCP), qui organise notamment la cérémonie des Golden Globes. En cause, des difficultés à faire sortir de Chine la somme promise, d’après Bloomberg.
Depuis fin novembre 2016, les autorités chinoises ont, en effet, étendu le contrôle des capitaux aux grandes entreprises. La soif de rachats de firmes étrangères, d’abord encouragée par le pouvoir pour élargir l’influence de la Chine ou l’acquisition de savoir-faire, est vue d’un mauvais œil. Notamment quand des groupes chinois investissent massivement dans l’immobilier à l’étranger : des achats sûrs, mais peu stratégiques, apparaissant comme une manière déguisée d’investir dans des dollars. Depuis trois ans, la monnaie chinoise a reculé de 12 % face au billet vert. Une tendance qui devrait se poursuivre en 2017, compte tenu des hausses de taux prévues aux Etats-Unis.
« Investissements à l’aveuglette »
Pour les autorités chinoises, il y avait urgence à stopper l’hémorragie de yuans. En janvier, les réserves de change chinoises sont passées pour la première fois depuis six ans sous la barre symbolique des 3 000 milliards de yuans (408 milliards d’euros), atteignant 2 998 milliards, contre près de 4 000 milliards en 2014.
Outre la chute de ses réserves, la fuite des capitaux peut poser des problèmes à l’économie chinoise. Pour stimuler l’activité et limiter le ralentissement de la croissance – son rythme est le plus faible depuis vingt-six ans avec une progression du produit intérieur brut de 6,7 % en 2016 –, la Chine augmente la quantité de monnaie en circulation. Mais, si l’argent injecté dans l’économie quitte le pays, les efforts de la banque centrale sont réduits à néant.
« La chute libre des réserves de yuans est devenue un sujet sensible pour les autorités, qui veulent mettre un terme à cette tendance, analyse l’économiste Andy Xie, spécialiste des politiques monétaires. Face à la volonté des hauts dirigeants, même des patrons qui ont de bonnes relations avec le pouvoir, comme Wang Jianlin, n’y peuvent rien. »
Samedi 11 mars, le nouveau ministre du commerce, Zhong Shan, avait justifié cette politique en critiquant des « investissements à l’aveuglette », par des entreprises « sans solidité, ni expérience, mal administrées », rapporte l’AFP. Et, désormais, tous les achats importants doivent obtenir l’aval de la commission au plan chinoise, la National Development and Reform Commission (NDRC).
Un coup rude pour Wanda
Pour Wanda, qui avait annoncé en grande pompe son offre de rachat de la société de production américaine en novembre 2016, le coup est rude. Cette opération devait permettre au géant immobilier chinois de poursuivre sa diversification dans la culture et le divertissement.
En Chine, le groupe construit des salles de cinéma et des parcs d’attractions. Aux Etats-Unis, Wanda s’attaque à Hollywood : rachat de la chaîne de salles de cinéma AMC Theatres, pour 2,6 milliards de dollars, en 2012 ; acquisition des studios Legendary Pictures, auxquels on doit notamment la trilogie Batman, ou Jurassic World, pour 3,5 milliards de dollars, en 2016.
Au moment de l’annonce, le montant de la transaction de DCP de 1 milliard de dollars avait surpris aux Etats-Unis. Mais les entreprises chinoises pressées de faire leurs emplettes n’hésitent pas à se montrer généreuses pour convaincre. Sauf que cette fois les négociations ont bloqué en janvier, faute de cash, d’après Bloomberg, et ce alors qu’un accord avait été trouvé. Eldridge Industries, qui détient DCP, a indiqué vendredi avoir « résilié l’accord (…) une semaine après que Wanda eut été dans l’incapacité d’honorer ses obligations contractuelles ».
Fermeté des autorités
Au final, cet accord raté pourrait coûter 50 millions de dollars d’indemnités à Wanda. Eldridge Industries a attaqué ce dernier devant une cour américaine pour récupérer le total du montant mis en dépôt par l’entreprise chinoise pendant les négociations.
La fermeté des autorités pourrait coûter cher à d’autres entreprises. Le projet de deux sociétés de production chinoises d’investir 1 milliard de dollars dans les studios Paramount Pictures serait aussi au point mort depuis janvier. Quant à l’acquisition de l’AC Milan par un consortium chinois pour 740 millions d’euros, qui aurait dû être conclue début mars, elle a été repoussée sine die par les investisseurs chinois. Leur offre est sans doute intervenue trop tard : en juin 2016, le vendeur d’électroménager Suning avait, lui, pu mettre la main sur l’Inter de Milan pour 307 millions de dollars. Plus tôt, le géant ChemChina avait conclu un accord pour le rachat de Syngenta pour 43 milliards de dollars, qui devrait recevoir l’aval des autorités européennes de la concurrence début avril.
Cette politique de resserrement du contrôle des capitaux se s’adresse pas uniquement aux entreprises. Les particuliers, dont les achats de monnaies étrangères ont été limités, sont aussi concernés. Et, à en croire les derniers chiffres des réserves de change de la banque centrale chinoise (elles ont légèrement augmenté en février), cette politique semblerait porter ses fruits. « Les réserves de change vont augmenter cette année, estime Andy Xie. La Chine a un excédent commercial important. Donc, sans fuite des capitaux, il est normal qu’elles augmentent. »
En attendant, les entreprises étrangères se plaignent de difficultés à rapatrier leurs bénéfices réalisés en Chine. Une situation qui pourrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année, à cause de l’agenda politique particulier : le 19e congrès du Parti communiste doit se tenir à l’automne prochain et, d’ici là, les autorités veulent maintenir à tout prix la stabilité de l’économie. « Je ne vois pas de changement avant le congrès du Parti, juge Andy Xie. Ensuite, les restrictions pourront être allégées mais, jusque-là, tous les deals à l’étranger sont morts. »
Simon Leplâtre (Shanghaï, correpondance)
* LE MONDE ECONOMIE | 14.03.2017 à 12h04http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/03/14/la-chine-freine-la-boulimie-d-acquisitions-de-ses-entreprises_5094240_3234.html
Les mauvaises dettes inquiètent les banquiers chinois
Selon la Commission de régulation des banques chinoises, les créances douteuses représentaient 1,74 % des créances totales des banques fin 2016, contre 1,67 % fin 2015. Un chiffre largement sous-estimé.
Les banquiers chinois n’ont qu’une peur, que la dette leur tombe sur la tête. Pour 90 % d’entre eux, les mauvaises dettes, celles qui risquent de ne pas être remboursées, sont leur défi principal, selon une étude annuelle de l’Association bancaire chinoise en collaboration avec PricewaterhouseCoopers publiée le 24 février.
Les créances douteuses des banques chinoises totalisaient 1 500 milliards de yuans fin 2016, soit 206 milliards d’euros. Selon la Commission de régulation des banques chinoises, elles représentaient 1,74 % des créances totales des banques fin 2016, contre 1,67 % fin 2015. Mais ce chiffre serait largement sous-estimé. Mi-2016, McKinsey Global Institute estimait les dettes dangereuses à 7 % du total. Tandis que d’autres chercheurs tout aussi sérieux, comme ceux du Fonds monétaire international (FMI), avancent le chiffre bien supérieur de 15 %.
Pourquoi de telles disparités ? Parce que les méthodes de décompte des créances dangereuses sont très aléatoires. Les banques chinoises sont très libres dans leur appréciation des prêts qui risquent de ne pas être remboursés. Alors que, selon la norme la plus courante, est « non performant » un prêt dont l’échéance a plus de quatre-vingt-dix jours de retard, ce n’est pas le cas en Chine. Les banques chinoises peuvent considérer que les créances en retard des entreprises d’Etat ne sont pas « dangereuses », parce que, en dernier ressort, celui-ci paiera.
Les chercheurs indépendants de McKinsey ou du FMI tentent de leur côté de passer par les bilans des entreprises pour se faire une idée des risques, avec des mesures éventuellement différentes et une bonne part d’estimation.
Douloureux réveil d’ici trois à cinq ans
Face à l’absence de données statistiques fiables, ce sondage du sentiment de 1 794 banquiers chinois, réalisé fin 2016, est d’autant plus intéressant. Pour 70 % d’entre eux, le montant des créances douteuses est encore largement sous-estimé. Les deux tiers estiment que l’on découvrira l’ampleur du problème d’ici un à deux ans, les autres prévoyant le douloureux réveil plutôt d’ici trois à cinq ans.
D’après le rapport, les emprunts chinois ont servi en priorité à financer des projets d’infrastructures urbaines. Officiellement justifiés par l’urbanisation du pays, ces projets sont souvent déconnectés des besoins et plutôt destinés à stimuler l’activité, alors que la croissance ralentit. Une méthode efficace à court terme, puisque la Chine a réussi à maintenir la progression de son économie à un niveau élevé (6,7 % en 2016), mais qui hypothèque l’avenir.
Pour l’instant, malgré une hausse des taux d’intérêt par la Banque centrale chinoise, les emprunts se sont à nouveau envolés début 2017. En janvier, les banques ont accordé 2 030 milliards de yuans, soit trois fois plus qu’en novembre mais moins qu’en janvier 2016, un mois qui avait vu les établissements bancaires accorder un record absolu de prêts – 2 510 milliards de yuans.
Simon Leplâtre (Shanghaï, correpondance)
* LE MONDE ECONOMIE | 27.02.2017 à 11h40 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/02/27/les-mauvaises-dettes-inquietent-les-banquiers-chinois_5086231_3234.html
Les patrons chinois priés de serrer les rangs derrière le pouvoir
Le magnat de Hongkong, Li Ka-shing, se retrouve sous le feu des critiques pour avoir sorti de Chine une partie de sa fortune.
Sous Xi Jinping, les hommes d’affaires doivent serrer les rangs derrière le pouvoir chinois. Puisqu’il faut toujours un condamné pour l’exemple, le glaive frappe Li Ka-shing, première fortune de Hongkong, détenteur de gratte-ciel et de réseaux mobiles et premier opérateur de terminaux portuaires de la planète.
En septembre, l’attaque est d’abord venue d’un centre de recherche gouvernemental, l’institut Liaowang, qui a accusé M. Li de se séparer de ses actifs chinois à un moment sensible et de « propager le sentiment pessimiste ». Puis, ce fut au tour du très officiel Quotidien du peuple de poursuivre l’offensive, le 21 septembre : « Aux yeux des gens ordinaires, nous avons partagé le confort et la prospérité ensemble dans les bons moments et lorsque les temps se font durs il nous abandonne, cela a vraiment laissé certains sans voix. »
Li Ka-Shing, « Superman » des affaires
En cause, la stratégie de diversification de M. Li, consistant à sortir une partie de sa fortune de l’immobilier de Chine continentale, en ralentissement, pour se tourner vers l’Europe. Au mois de juin, son conglomérat CK Hutchison a mis en vente un complexe composé de deux tours de bureaux et d’un centre commercial en construction à Lujiazui, le quartier financier de Shanghaï. En 2013, « Superman », le surnom que lui vaut son sens des affaires, s’était déjà séparé pour un peu plus de 100 millions d’euros du Centre financier oriental, un gratte-ciel situé dans le même district d’affaires. En mars 2015, il n’a par contre pas hésité à mettre la main à la poche pour se saisir de l’opérateur mobile britannique O2.
Pour sa défense, Li Ka-shing a rétorqué que le chef de l’Etat en personne appelle à se développer à l’étranger. « Le président Xi encourage les entreprises à accroître leurs investissements hors de Chine », a fait valoir l’empire CK Hutchison dans un communiqué. M Li reconnaît être « plus prudent » sur l’immobilier mais se targue d’avoir, en revanche, augmenté de 77 % en vingt-quatre mois le nombre de ses commerces sur le territoire chinois, passé à 2 300, des supermarchés aux cosmétiques en passant par la parapharmacie.
La politique n’étant jamais trop éloignée des affaires, particulièrement dans le contexte chinois, il ne peut être exclu que Li Ka-shing paye aujourd’hui sa proximité historique avec Jiang Zemin, ex-secrétaire du Parti communiste demeuré influent en coulisses sous son prédécesseur, Hu Jintao, mais dont Xi Jinping neutralise progressivement les réseaux. M. Li a ainsi investi dans Boyu Capital, le fonds d’investissement bâti par Alvin Jiang, petit-fils de l’ancien homme fort du PCC.
Ne pas susciter la panique
La formule pour préserver son capital politique consiste à reconnaître la réalité du ralentissement sans pour autant susciter la panique. Wang Jianlin, patron des centres commerciaux Wanda, propriétaire des cinémas américains AMC et actionnaire de l’Atletico Madrid, a su trouver les mots, au mois d’août, en arguant d’une transformation douloureuse mais nécessaire. « La Chine doit abandonner le fantasme d’un fort taux de croissance de 7 % ou 8 % et simplement accepter 6,7 % ou même 5 % », a déclaré M. Wang, selon Reuters. Lui a su mettre les dirigeants politiques de son côté. Le New York Times révélait en avril que, parmi les investisseurs qui ont eu la chance d’entrer tôt au capital de Wanda, se trouvent notamment Qi Qiaoqiao, sœur de Xi Jinping (elle a cédé en 2013 ses parts à une de ses partenaires en affaires) ainsi que des proches de l’ex-premier ministre, Wen Jiabao.
La majorité des magnats de l’immobilier ont souffert du net ralentissement du marché. Devant le Club des correspondants étrangers de Shanghaï, le 21 septembre, Zhang Xin, fondatrice de l’empire Soho, expliquait avoir tardivement changé un projet de centre commercial, déjà trop nombreux dans la ville, en bureaux. Selon elle, tous les promoteurs s’interrogent sur la suite des événements, en se voulant toutefois rassurante : « Les sentiments sont toujours exagérés, le sentiment négatif l’est aussi. Nous sommes confrontés à un ralentissement, pas à un effondrement. » Mme Zhang concluait en plaisantant : « C’est un casse-tête d’avoir de l’argent aujourd’hui. »
Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)
* LE MONDE ECONOMIE | 19.10.2015 à 11h34 :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/19/les-patrons-chinois-pries-de-serrer-les-rangs-derriere-le-pouvoir_4792296_3234.htm
Quels dangers du shadow banking en Chine ?
Le secteur parallèle bancaire chinois dépasse 7 000 milliards d’euros. Ses interconnexions avec l’activité réelle inquiètent les régulateurs chinois et internationaux.
Le Conseil de stabilité financière (FSB), l’agence de surveillance des risques financiers du G20, a critiqué Pékin pour avoir lentement fourni des données financières clés en provenance de Chine, notamment concernant le shadow banking, le secteur parallèle bancaire. La Chine a pourtant promis de surveiller les risques financiers, l’affichant comme une priorité absolue cette année, rappelle la Deutsche Welle. Cependant, le contrôle plus strict de Pékin sur les prêts bancaires semble pousser les emprunteurs vers d’autres sources de financement, y compris le secteur bancaire parallèle opaque, souvent peu réglementé. Le secteur bancaire parallèle chinois, qui atteint 7,7 trillions de dollars (7 060 milliards d’euros) et comprend des formes de crédit non bancaires comme les produits de gestion de patrimoine, est réduit par celui des Etats-Unis et d’Europe, mais la rapidité avec laquelle il s’étend devient une préoccupation pour les régulateurs chinois et à l’étranger, inquiets du risque systémique caché.
Le FSB a déclaré qu’un retard dans la réception des données du secteur financier chinois signifiait qu’il était incapable de fournir une mesure des activités bancaires parallèles en Chine qui pourraient constituer une menace pour la stabilité financière. Le secteur bancaire de l’ombre chinois s’est classé au quatrième rang mondial après celui de la zone euro, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, mais en termes de croissance, il est deuxième derrière l’Argentine, se développant de 31 % par rapport à l’année précédente.
Il y a des inquiétudes croissantes concernant le risque systémique créé par les interconnexions entre les entités financières de la deuxième économie mondiale. « L’interconnexion entre les banques moyennes et petites et le secteur bancaire parallèle continue de croître, augmentant le risque que les structures de financement puissent devenir fragiles », remarque Michael Taylor, managing director chez Moody’s. Les régulateurs financiers chinois ont visé des véhicules financiers du secteur bancaire parallèle qui auraient financé des entreprises publiques endettées, des gouvernements provinciaux fortement endettés ou des projets immobiliers en difficulté. La politique régulatrice de Pékin pourrait se renforcer face à ces risques. Mais les banques de l’ombre étant devenues si importantes après des années de croissance galopante que les décideurs chinois devaient faire preuve de prudence, selon Chen Long, économiste Chine chez Gavekal Dragonomics, car des tentatives excessives d’entraver l’activité financière pourraient provoquer une crise financière. « Ils ne peuvent pas la réglementer, mais ils ne peuvent pas non plus prendre des sanctions inutilement sévères », souligne M. Chen.
Edouard Pflimlin
* LE MONDE | 11.05.2017 à 11h30 :
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/05/11/quels-dangers-du-shadow-banking-en-chine_5126068_3216.html