En gestation depuis pratiquement trois ans, ce texte a été accaparé par Sarkozy dans le cadre de sa campagne électorale. Surfant sur des faits-divers violents, le ministre de l’Intérieur entend réformer une fois de plus l’ordonnance de 1945 en aggravant les sanctions pour les mineurs, transformer les maires en shérifs en accroissant leurs pouvoirs locaux, supprimer le secret professionnel garant des libertés individuelles des populations en difficulté.
Nicolas Sarkozy fait du vote de cette loi un enjeu majeur dans le bilan de son action au gouvernement. Mais, outre les positionnements de l’opposition PS-PCF-Verts, il doit aussi compter avec son propre camp ! La ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a regretté qu’un jeune soit trop souvent présenté comme un délinquant en devenir. Le Premier ministre et le ministre de la Justice se sont opposés à deux amendements supplémentaires de Sarkozy : la suppression de l’excuse de minorité, qui divise par deux les peines encourues pour les mineurs, et l’instauration de peines planchers pour les récidivistes. Facilité par les rivalités internes à l’UMP, ce recul est à mettre avant tout à l’actif du mouvement de mobilisation des professionnels du social, qui ont encore manifesté à travers la France, le 18 novembre dernier. Malgré tout, ces mesures sont d’ores et déjà inscrites dans le programme électoral de l’UMP.
L’UDF votera contre le projet, comme elle l’a fait au Sénat, parce qu’elle juge que les moyens accordés à cette politique sont insuffisants. Le PS et le PCF ont déposé des motions mais, comme au Sénat, elles sont repoussées sans qu’il y ait de grand combat. Le PS, qui s’affiche comme opposant au projet, a des positions ambiguës. Le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a ainsi demandé un « pacte de non-agression », car il ne fallait pas faire de la délinquance un enjeu électoral ! La remise en cause de la politique sécuritaire du gouvernement n’est pas encore à l’ordre du jour au PS ! Les maires de France, réunis en congrès cette semaine, sont très réticents sur ce projet, car ils craignent que la population, pensant que la loi leur donne tout pouvoir en matière de délinquance, exige d’eux des résultats.
En définitive, le projet de loi ne perd quasiment rien de son pouvoir nuisible. Si les articles donnant des pouvoirs aux maires concernant les hospitalisations psychiatriques d’office sont reportés pour une autre loi, des délits nouveaux apparaissent, comme celui d’agression des forces de l’ordre avec « embuscade » ou l’augmentation des peines en cas de rébellion envers les forces de l’ordre. La résistance est toujours nécessaire.