Nous sommes dans un temps ou le poids des mots s’est accru. On parle de djihad que l’on traduit par « guerre sainte ». Qu’en est-il exactement. Djihad vient de « djuhd » qui signifie effort. Théologiquement le djihad est divisé en deux djihads : le grand et le petit. Le grand djihad est une guerre livrée par l’homme contre sa propre faiblesse, sa petitesse, ses instincts, ses possessions, ses obsessions, avec un objectif de détachement, un affranchissement vis-à-vis des tentations et une maîtrise de soi. À cet égard, on peut rapprocher cet effort de la plupart des grandes sagesses et de certaines philosophies, ou encore du bouddhisme ou de la mystique chrétienne qui appellent à cette maîtrise de soi et à cette liberté par rapport à la condition matérielle et aux besoins de l’homme.
Le petit djihad, lui, est une guerre dans le sens réel du mot mais une guerre défensive. Contrairement aux chrétiens - quand bien même ont sait qu’ils ont pris bien des libertés avec cela -, le musulman est autorisé par le Coran à prendre les armes mais uniquement pour se défendre. Le seul verset qui fait allusion à ce djihad, dans la sourate II, est celui-ci :
« Combattez dans la voie de Dieu ceux qui vous combattent et n’agressez point. Dieu n’aime pas les agresseurs. »
D’autres versets, il est vrai, expriment un souci guerrier mais ils ne font pas juridiction car ils sont liés aux circonstances de l’époque de la révolution coranique et notamment au siège de Médine, contre le prophète et les musulmans, siège auquel ils répondirent par une bataille célèbre.
J’ai donné un jour cette explication très orthodoxe et qui ne correspond pas exactement à mon avis, plus réformiste et plus moderniste, dans une conférence dans le Nord. Une dame, alors, m’a dit très gentiment. Vous avez tout de même fait beaucoup de kilomètres en vous défendant pour arriver de Médine jusqu’à Poitiers. La question était pertinente, évidemment, et c’est un des noeuds de l’histoire. Est-ce que l’extension d’un empire temporel islamique doit être liée à l’expansion de la foi. Je ne le crois pas bien sûr. Certes l’islam est une foi universelle mais les musulmans ont construit des empires et des royaumes qui ont obéi, comme nombre d’autres dans l’histoire, à des logiques d’empires, de royaumes, de pouvoir. Le grand théologien du XIe siècle, Al Ghazali, a dit ceci : « Si les Byzantins ne sont pas envahis, ils envahissent. » Ce fut longtemps l’ordre - ou le désordre - de l’humanité.
Aujourd’hui les religions ont à se libérer des logiques des pouvoirs et des nations. Les frontières des nations ne correspondent plus aux frontières des religions. Les religions sont à la fois universelles et en chacun. Elle ne peuvent être imposées et si elles s’imposent c’est en contradiction avec la conviction.
Le vrai djihad d’aujourd’hui c’est une émulation, un grand effort pour arriver à la paix et considérer l’humain comme notre ultime objectif.