La commémoration de la mort de Brahim Bouarram le 1er mai prend cet année un caractère tout à fait particulier.
Elle a lieu a quelques jours du 2e tour de la présidentielle et du risque de succès de ce parti, qui a déjà récolté plus de 7 millions de voix lors du premier tour.
Dédiabolisation ?
La supercherie de la « dédiabolisation » a récemment subi quelques accrocs, avec la révélation de la persistance d’un antisémitisme ancré au sommet du FN [1], chez Marine Le Pen et Florian Philippot.
Il s’agit aussi du négationnisme antisémite symbolisé notamment par Jean-François Jalkh, le président qu’ils ont voulu placer en intérim et qu’ils ont du retirer en catastrophe face aux révélations.
La candidature de MLP est aussi soutenue, financée, parrainée par son père [2], toujours président d’honneur du parti qu’il a fondé et transmis à sa fille, laquelle n’a jamais modifié le nom de cet parti marqué par le fascisme.
La présence massive et le rôle crucial rôle des néo-nazis tels que Frédéric Châtillon, Axel Loustau et Philippe Péninque apparaît au grand jour. Ce groupe d’anciens du GUD dirige la machine financière du FN et pèse d’un poids important.
Violence omniprésente
L’anniversaire de l’assassinat de Brahim Bouarram rappelle que l’histoire du FN est marquée par le violence raciste de ses membres et des milices qui gravitent autour de lui.
Le meurtre du jeune Ibrahim Ali à Marseille en 1995 [3] par des nervis frontistes a précédé de quelques semaines seulement celui de Brahim Bouarram.
Depuis les violences n’ont cessé de s’accumuler, comme le recensent nos dossiers [4]. Ces crimes ont été traités avec une grande indulgence par la justice, notamment dans le cas des assassins de Brahim Bouarram, comme nous le montrons ci-dessous.
Un parti fasciste
Au delà des travestissements, le FN a été et demeure un parti non seulement ultra-réactionnaire mais également clairement ancré dans la centralité qu’il attribue au racisme, à l’exclusion, symbolisées par la « Préférence nationale » qui équivaut à une « chasse aux métèques ».
Les mots d’ordre les plus populaires de ses meetings sont « La France aux Français » et « On est chez nous ».
Il exploite cyniquement la misère afin d’imposer son programme d’exclusion et de xénophobie.
C’est un parti inscrit dans la longue chaîne des organisations fascistes qui ont mené aux pires catastrophes et aux génocides, comme le montre sa volonté de lier intimement antisémitisme, négationnisme et racisme anti-immigrés.
En effet, c’est le souvenir du nazisme et de la collaboration qui explique la difficulté à faire passer l’orientation de la « préférence nationale ».
Le FN n’est pas « populiste » ou « souverainiste » : c’est le parti de la haine fasciste. Il rassemble autour de lui tout ce que la pays compte de néo-nazis comme Soral et Dieudonné, de nostalgiques de l’Algérie Française comme Ménard, de racistes, d’antisémites, de pétainistes, d’homophobes comme Sens Commun et la « Manif pour tous ». Le soutien de Christine Boutin et de son acolyte Jean-Frédéric Poisson le symbolise.
Battre le fascisme
Face à un tel parti et à son programme d’exclusion, il ne saurait y avoir d’hésitation, d’abstention ou de vote blanc.
Il ne faut pas laisser s’installer progressivement l’idée que l’extrême droite pourrait un jour accéder au pouvoir. De plus, un score au 2e tour de 70 % - 30 % n’équivaut pas à un résultat à 55 % - 45 %. Dans ce dernier cas, il y aurait encore plus de racisme et de discriminations.
Ce parti fasciste et antisémite doit être battu dans les urnes et dans les têtes. Sa démagogie sociale ne représente qu’une posture et un maquillage de ce qui constitue le cœur de son idéologie raciste et antisémite. Il y a quelques mois en pleine bataille sur la loi Travail, le directeur de campagne de Le Pen, David Rachline et son acolyte Ravier ont proposé au Sénat des mesures ultra-libérales et défavorables aux syndicats [5].
Marine Le Pen elle-même ne cesse d’attaquer les syndicats notamment la CGT, qu’elle inclut dans sa dénonciation de « l’oligarchie » en citant « Les syndicalistes, les artistes les journalistes ... »
Il faut tout faire afin de battre les fascistes du FN, pour réduire leur influence électorale et leurs idées. Il s’agit donc de voter massivement pour Emmanuel Macron, sans aucunement approuver son programme ou ses projets, ni lui donner un quelconque chèque en blanc.
Saïd Bouarram
1er Mai 2015 : Vingtième anniversaire de l’assassinat
Ce moment de mémoire et de rassemblement anti-fasciste aura lieu au moment même où le Front National défilera à quelques centaines mètres de là. Alors qu’il est secoué par les scandales financiers et des tiraillements internes, le parti frontiste procédera sans doute à une surenchère raciste. Les récentes déclarations de l’UMP Christan Estrosi lui offrent aussi l’opportunité d’une surenchère dans ce sens.
Nous rappelons ici à quel point les assassins de Brahim Bouarram ont été traités avec indulgence par la police et la justice. C’est d’ailleurs le cas habituel pour les auteurs de violences fascistes, comme dans le cas de la mort de Clément Méric.
Le 1er mai 1995 Brahim Bouarram est jeté à la Seine, en marge d’un défilé du FN, par des militants néo-nazis, dont il sera très vite établi qu’ils avaient des liens habituels avec le parti d’extrême-droite. Plusieurs d’entre eux étaient en effet utilisés régulièrement comme membres du service d’ordre par les responsables du FN de leur département d’origine, la Haute- Marne.
Moins d’un an après le meurtre, plusieurs des co-accusés sont libérés pendant l’instruction alors en cours. Quatre témoins ont d’abord relaté des faits accablants et concordants démontrant que l’ensemble des néo-nazis cherchait activement une victime en scrutant les berges de la Seine, bien avant de tomber sur Brahim Bouarram. Mais en quelques mois, ces quatre personnes se sont toutes rétractées, notamment une jeune femme qui apparaît muette et terrorisée au cours des audiences. Le juge, pourtant, ne tient aucun compte du caractère troublant de ces rétractations tardives générales, et relâche les co-accusés. L’un des présents à la ratonnade a d’ailleurs été relâché bien avant, comme si la possibilité de pression sur les témoins n’avait aucune importance
Par ailleurs, le responsable du service d’ordre central du FN ( nommé DPS) comme celui du FN de la Haute Marne ne seront jamais inquiétés. Ils avaient pourtant attendu une semaine avant de donner l’identité des accusés à la police et s’étaient auparavant rendus au domicile de ces derniers, ce qui leur a laissé tout le temps pour se débarrasser d’éléments compromettants et élaborer une stratégie de défense.
Au procès lui-même, les peines des co-accusés du meurtre de Bouarram permettront à trois d’entre eux de ne pas retourner en prison, la peine ferme d’un an étant couverte par la détention préventive, et les trois ans restants étant du sursis. Un seul co-accusé, David Halbin fera un an de prison, mais seulement parce qu’il était resté libre le temps de l’instruction. Quant à celui qui a poussé Brahim Bouarram dans la Seine, Mickaël Freyminet, il écopera d’un jugement très modéré de huit ans de prison ferme.
Sept ans plus tard, on retrouvera son nom cité dans une autre affaire de meurtre : en septembre 2002, une bande de néo-nazis tabasse François Chenu à Reims, le jette à l’eau, puis le repêche pour l’achever à coup de rangers. François Chenu était homosexuel, le seul mobile du meurtre. Après les faits, les jeunes néo-nazis avaient passé de nombreux coups de fil à leur mentor un peu plus âgé qui n’était autre que le meurtrier de Brahim Bouarram. Mickaël Freyminet. Celui-ci,qui avait déclaré avoir abjuré ses croyances et avait osé demander pardon à la compagne de Brahim Bouarram, s’était, dès sa libération, immédiatement relancé dans l’activisme néo-nazi. Il avait d’ailleurs rencontré les trois meurtriers de François Chenu lors d’un camp organisé par cette mouvance.
MEMORIAL 98