Hier on nous enjoignait de choisir JLM pour « passer devant le PS », maintenant que ça semble être fait par l’action conjuguée du PS et de Macron, on nous somme de nous rallier à JLM car : « l’objet de l’élection n’est-il pas de manifester au plus haut niveau possible l’existence d’un camp de la résistance, celui de la recherche d’un renouveau démocratique, écologique et social ?” (Samy Joshua in Mediapart). Manifester l’existence d’un camp oui, mais l’enjeu n’est pas jusqu’à plus ample informé à arbitrer une confrontation entre la gauche critique et l’extrême droite de MLP. Si tel semblait être le cas alors je pourrais changer d’avis. En l’état actuel des choses un bon score des forces de la gauche critique renforcerait le camp de la résistance et cela sera déjà beaucoup mais je ne suis chaud ni pour le candidat providentiel, ni pour le parti unique, ni pour le programme imposé.
L’enjeu est néanmoins qu’apparaisse à la gauche d’un PS qui reçoit enfin le salaire de ses trahisons, une force suffisemment affirmée pour qu’à l’alternative PS-libéral/Droite-libérale soit ajouté à gauche un troisième terme permettant de trancher ce duo mortifère qui politiquement ouvre la voie à l’extrême droite en embuscade, et socialement détruit la vie quotidienne, les valeurs et les espérances de la population laborieuse.
Des camarades voudraient nous convaincre que la campagne de JLM voire son support organisationnel FI, seraient à eux seuls cette force, ce troisième terme, à l’exclusion des autres et que cette force serait incontournable quasiment la seule légitime en raison de son score évalué. Ils se fondent sur la force de la campagne de JLM, l’écho réel qu’elle rencontre et un certain enthousiasme militant qui la sous tend plus un programme antilibéral solide auquel le candidat ne manque pas d’ajouter par des saillies douteuses d’étranges prolongements.
Alors qu’ils n’ont pas de mots trop durs pour Hamon (qui les mérite), en raison de ses responsabilités passées et récentes, sa trajectoire socialiste et ses ambiguités actuelles, le piège dans lequel il demeure avec l’appareil socialiste, ils manifestent une douce mansuétude envers la personne de JLM « soi-même », sa trajectoire mitterrandienne non reniée, son appartenance à un gouvernement social libéral, sa rupture brutale avec le FG, le dirigisme organisationnel de son équipe, et, pire, son obstination à développer des thèmes des plus ambigus (le patriotisme, la logomachie aclassiste, la question des étrangers) alors même que, prétendant rassembler il sait qu’il heurte toute une partie de la culture de gauche de ce pays dont, du coup il fait fi.
Il faut effectivement qu’apparaisse dans cette campagne une force en rupture avec le PS (et en filigrane le mouvement ouvrier traditionnel et ses méthodes), mais quelle force ? On nous parle de Podemos dont le programme serait moins progressiste que celui de FI. Sans doute. En même temps on nous vante la force mobilisée autour de JLM. On sait ce que le mitterrandisme a fait des programmes radicaux !
Contrairement à une critique un peu sommaire et rapide, lorsque nous parlons des luttes comme support prioritaire à nos yeux de la constitution d’une force politique anticapitaliste même embryonnaire et modérée, nous parlons d’une force sociale, d’une mobilisation issue, trempée, nourrie aux luttes et à leurs exigences de démocratie, de radicalité, d’anti-institutionnalisation. Podemos n’a pas été constitué ex nihilo dans une logique et une matrice électorale pour ne pas dire « électoraliste » (la révolution par les urnes et la VI° république). Les convulsions récentes qu’a connues Podemos ont été possibles, contre le centralisme autoritaire et la droitisation, parce que justement la matrice était celle de l’horizontalité pour aller vite, les mobilisations populaires prolongées qu’a connues l’Etat espagnol. Et cette horizontalité à l’origine de Podemos a permis que malgré le « golpe » centraliste de l’avant dernier congrès, persistent au sein du parti des courants organisés contestant aussi bien le droitisation que le centralisation verticale.
Ces conditions n’existent pas à l’intérieur de la campagne JLM. On n’y peut contester ni la philosophie politique trop souvent limite du candidat, ni ses écarts, ni la centralisation, ni l’opacité des prises de décision programmatique ou bientôt d’investitures, ni le sectarisme hautain de l’équipe dirigeante. D’ailleurs les camarades qui nous pressent de soutenir JLM aujourd’hui n’ont rien fait, ils l’auraient pu, pour dès l’origine constituer dans la mouvance du début de campagne, un courant qui se serait fait entendre au sommet comme dans les embryons de comités pour créer les conditions d’une campagne diverse, élaborer un appel aux autres composantes de la gauche de la gauche, faire frein aux thèmes mélenchoniens trop clivants (pour être poli), exiger une vie démocratique de FI etc. Ils n’en ont rien fait ou tellement tard que c’en était suspect, et me semblent mal placés pour venir demander aux voix discordantes d’avec la musique mélenchonienne qu’elles veuillent bien se taire et se rallier. Ils n’ont rien fait pour en créer les conditions.
Ces conditions n’existent pas d’une part parce que la tactique de JLM a été de passer par dessus les états majors et les divers partis, ce qu’on comprend, alors cependant qu’une formule aurait pu être recherchée pour les consulter, les associer, co-construire un programme et surtout un discours qui rassemble les sensibilités plutôt que satisfaire l’ego voire les lubies du candidat quelque peu affamé de personnalisation quoi qu’il en dise. Et cela au point de sectarisme que les futures investitures ont été dès le départ soumises à l’association de financement politique de FI c’est à dire absolument fermée aux autres partis.
Il y a une logique à tout cela qui est une construction par le haut, excluante et d’accaparement des fruits du militantisme par le candidat et pour son équipe, en même temps qu’est distillée une petite musique (plutôt une grosse caisse) idéologique des plus douteuses à coups d’oligarchie, de Patrie, de Peuple, de caste et de débouché institutionnel (VI° république) qui cantonne les luttes populaires (l’autoactivité aspirant à l’autogestion par en bas) au second rôle ou plutôt au rôle second voire secondaire dont on ne peut s’empêcher de penser qu’elles deviendraient facilement gênantes si d’aventure...
Il faut effectivement une force qui s’affirme à l’heure où les droites sociales démocrates, républicaines et nationalistes essaient de garder la main, une force de changement radical de cap : social, économique, institutionnel. Mais cette force ne saurait être dévoyée sur un chemin idéologique imposé, elle doit être diverse, ancrée dans les mobilisations et pas le seul horizon électoralo-institutionnel, vivante c’est à dire en débat, et enfin assise sur une démocratie horizontale qui privilégie les travailleurs/es, les sans, les anciens, les jeunes, les résidents de quelque nationalité qu’ils soient.
Et cela, ce n’est pas ce que propose (tente d’imposer serait plus juste) l’équipe autour de Mélenchon dont l’objectif n’est pas de battre MLP au second tour mais de s’affirmer en hégémonie sur la gauche de la gauche au 3° tour... De la sorte qualifier la préoccupation de ceux qui ne se résolvent pas à voter JLM de « propagandiste » est une erreur et une incompréhension. Vouloir préparer le jour d’après en tenant dès aujourd’hui un autre discours que celui (voir plus haut) de la campagne JLM17, c’est pleinement vouloir prendre sa part à la construction de la force de gauche indispensable à l’heure où s’écroule le PS, une part différente, diverse qui pourrait aujourd’hui être en dialogue avec les mélenchonistes si la forme et l’organisation choisies pour cette campagne ne l’excluaient pas.
C’est pourquoi, en dépit des tristes limites et des pénibles contradictions du NPA, j’utiliserai le bulletin de vote Poutou pour que la gauche nouvelle qu’il nous faut ne soit pas soumise à la campagne JLM17 telle qu’elle s’est imposée, mais qu’on y entende une voix insolente, anticapitaliste, solidaire envers les réfugiés, étrangers, sans papiers, assoiffée d’autoorganisation, d’un authentique internationalisme... En effet « l’objet de l’élection (est bien) de manifester au plus haut niveau possible l’existence d’un camp de la résistance” - un camp divers et non “soumis”, celui très précisément Samy “de la recherche d’un renouveau démocratique, écologique et social ” plutôt que populiste, vertical et patriotique.
Et renforcer le vote Poutou comptera dans ce camp.
Jacques Fortin