Pile dans la cible ! En 2016, la Chine a vu son produit intérieur brut (PIB) croître de 6,7 %, selon les chiffres officiels publiés vendredi 20 janvier. Et peut ainsi se targuer de respecter strictement son objectif d’une croissance annuelle située entre 6,5 % et 7 %.
Ce rythme est le plus faible depuis 1990. Mais les Cassandre qui prédisaient, début 2016, un atterrissage brutal de la deuxième économie mondiale, se sont trompées. L’éclatement tant redouté de la bulle chinoise n’a pas eu lieu. Après avoir plongé, la Bourse de Shanghaï s’est redressée. La production manufacturière a accéléré. Et, soutenue par une hausse de la dépense publique, l’économie s’est bel et bien stabilisée.
Pourtant, le colosse asiatique continue d’inquiéter. Son modèle de croissance financé par l’hyper-endettement semble de moins en moins tenable aux yeux des experts. Les risques s’accumulent, aggravés par un environnement extérieur instable, alors que le nouveau président américain, Donald Trump, a juré d’en découdre avec Pékin au plan commercial.
Un choc Trump sur les exportations
Les habits de chantre de la mondialisation qu’a revêtu le président chinois, Xi Jinping, au Forum de Davos, en Suisse, mardi, n’ont trompé personne : Pékin aurait beaucoup à perdre d’une guerre commerciale avec les Etats-Unis de Donald Trump. Flanqué de conseillers ouvertement hostiles à la Chine, le nouveau pensionnaire de la Maison Blanche – qui devait entrer en fonction ce vendredi – a brandi la menace de représailles douanières contre les produits chinois.
« Les exportations chinoises risquent d’en subir le contrecoup cette année et en 2018, prédit Julian Evans-Pritchard, du cabinet d’analyse Capital Economics. Heureusement, l’économie a commencé à se rééquilibrer vers la demande intérieure, mais le commerce extérieur reste un pilier important. » L’empire du Milieu a déjà vu ses exportations reculer de 7,7 % en 2016. Mais aujourd’hui encore, dans ses échanges de biens avec les Etats-Unis, la Chine exporte 4 dollars pour chaque dollar importé.
Le moteur immobilier en train de caler
Stoppée, l’envolée ? Le prix du mètre carré a flambé en 2016 dans les grandes métropoles chinoises (plus de 20 % d’augmentation à Shenzhen, Shanghaï ou Pékin). Pour calmer la surchauffe, les autorités ont durci les règles d’achat et d’obtention de crédit. Résultat, la hausse des prix a commencé à se modérer en fin d’année (avec une hausse de 12,4 % en décembre).
Une bonne nouvelle, tant les craintes d’un dégonflement brutal de la bulle immobilière aux conséquences néfastes pour l’économie sont fortes. Mais le dosage est délicat : les secteurs de l’immobilier et de la construction représentent environ 15 % du PIB chinois. Son emballement a soutenu l’activité en 2016. « L’ampleur de la correction sera décisive pour la croissance et devrait entraîner un ralentissement économique dans les prochains mois », note Claire Huang, analyste à la Société générale.
Des entreprises minées par l’endettement
Alerte sur la dette chinoise : alors que celle-ci dépasse 250 % du PIB (contre 141 % en 2008), les institutions financières internationales sonnent l’alarme. Dopée par les politiques de relance successives, l’embardée du crédit fait planer « la menace d’un ralentissement brutal », a mis en garde dans ses prévisions de janvier le Fonds monétaire international.
Le péril principal porte sur la dette des entreprises, qui représente à elle seule plus de 160 % du PIB. Si peu d’experts croient au scénario d’une crise financière imminente, la trajectoire n’en est pas moins jugée intenable. Selon l’assureur-crédit Euler Hermès, les défaillances d’entreprises chinoises devraient croître de 10 % en 2017. En toile de fond se pose la question d’une nécessaire profonde réforme des sociétés publiques, notamment dans les industries lourdes. Peu rentables, souffrant de surcapacités massives, ces entreprises « zombies » sont l’une des grandes sources de créances douteuses.
Le régime suggère qu’en 2017, il mettra davantage l’accent sur la maîtrise des risques financiers et moins sur le soutien à l’activité. « Il ne s’agit pas de purger l’économie, car le gouvernement a besoin d’un certain niveau de croissance pour maintenir la stabilité », dit Christophe Destais, directeur adjoint du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). Mais si elles n’agissent pas suffisamment, « les autorités risquent de perdre le contrôle d’une économie de plus en plus complexe ».
Une monnaie sous pression
Après avoir lâché environ 7 % en un an, le yuan évolue au plus bas depuis huit ans face au dollar. Ironie de l’histoire, la Chine, qui fut longtemps accusée de sous-évaluer sa devise, fait aujourd’hui tout pour l’empêcher de s’effondrer. Elle puise donc abondamment dans ses colossales réserves de changes : celles-ci ont fondu de près de 320 milliards de dollars (301 milliards d’euros) en 2016 mais étaient tout de même de 3 011 milliards fin décembre.
Pékin tente aussi de juguler les sorties massives de capitaux. Avec l’envolée du billet vert et le ralentissement de l’économie chinoise, celles-ci se sont intensifiées ces derniers mois. « C’est un problème, car elles alimentent la dépréciation du renminbi [l’autre nom du yuan] et annulent en partie le stimulus monétaire conduit par la banque centrale chinoise », souligne Alicia Garcia-Herrero, analyste chez Natixis. Pour lutter contre ces fuites, les autorités durcissent les règles sur les investissements à l’étranger et les transferts de fonds.
Le piège démographique
La Chine est confrontée à d’autres défis plus structurels, au premier rang desquels le déclin démographique. D’ici à 2030, la part des plus de 65 ans devrait quasiment avoir doublé, pour atteindre 18 % de la population. Ce vieillissement accéléré conjugué à des perspectives économiques moins radieuses menace de faire tomber la deuxième économie mondiale dans le « piège des pays à revenu moyen », dit middle-income trap. « La Chine sera-t-elle vieille avant d’avoir été riche ? » s’interrogeait ainsi le Cepii dans une note publiée fin novembre 2016.
Marie de Vergès
Journaliste au Monde