La Chine a beau être l’un des pays les plus pollués au monde, elle n’investit pas moins des fortunes dans les énergies vertes. Avec près de 90 milliards de dollars consacrés aux énergies renouvelables chaque année depuis 2014, elle est le premier investisseur mondial dans le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité.
A quelques mois de la Cop 22 qui se tiendra du 7 au 18 novembre à Marrakech, la Chine pourrait jouer les premiers rôles sur le continent où elle est le principal investisseur dans le secteur des énergies vertes, loin devant la France et l’Italie. Au total, l’Afrique représente 13 milliards de dollars de contrats pour les entreprises chinoises !
« Une large place faite aux barrages »
Selon le dernier rapport publié par l’Agence internationale de l’énergie, les entreprises chinoises construisent actuellement 30% des nouvelles capacités électriques en Afrique subsaharienne, soit plus de deux cents projets entre 2010 et 2020. « On peut dire qu’un mégawatt sur deux est chinois, résume David Bénazéraf, responsable du programme Chine à l’IEA et auteur du rapport. Si on met à part les investissements réalisés en Afrique du Sud, c’est même 46% des nouvelles capacités électriques en Afrique subsaharienne qui sont construites par des entreprises chinoises avec une large place faîte aux barrages. »
Car 60% des barrages construits en Afrique sont chinois. La deuxième économie du monde s’est faite une spécialité dans ces ouvrages massifs et couteux. « Ce sont des ressources très importantes pour le continent car il s’agit d’une énergie renouvelable et qui n’émet pas de CO2 », précise David Bénazéraf. Mais l’ONG International Rivers met en garde contre « les catastrophes pour l’environnement » que représentent certains de ces projets.
Sur les 94 barrages déjà construits en Afrique, certains sont particulièrement controversés, comme celui de Merowe au Soudan. « Pour l’Afrique cela reste cependant une véritable chance, modère David Bénazéraf. Près de 635 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Avec ces projets réalisés par la Chine, ce sont 120 millions de personnes qui auront accès à l’énergie. C’est évidemment positif mais loin d’être suffisant. D’autres acteurs doivent s’impliquer pour électrifier le continent. »
Projets clefs en main
Huit centrales sur dix sont prévues non pas pour alimenter une industrie particulière, comme l’extraction minière en Afrique centrale, mais pour être relié au réseau national. Et c’est là que commencent souvent les difficultés. Si les entreprises chinoises réalisent des projets clefs en main, elles opèrent très peu de centrales. « Il faut ensuite former les agents locaux car les projets sont rétrocédés aux Etats et il appartient donc aux pays africains de fixer les règles, note l’auteur du rapport. Il est indéniable, si l’on regarde le mix énergétique de ces investissements chinois dans le secteur électrique, que la Chine verdit le continent africain. »
Mais il faut aussi assurer le service après-vente. Pourquoi cet engouement ? « D’abord, la Chine cherche des débouchés pour ses entreprises et on voit que les principaux contrats sont réalisés par de grosses entreprises d’Etat comme Sinohydro », explique David Bénazéraf. Rien qu’en 2013, l’entreprise a remporté l’équivalent de 8 milliards de dollars de contrats sur le continent ! « Mais il faut relativiser : la Chine construit une nouvelle centrale électrique par semaine sur son territoire, ajoute David Bénazéraf. C’est donc beaucoup plus qu’en Afrique ! Et 60% des projets sont financés par l’Exim bank of China. »
La banque chinoise d’import-export apporte des prêts bonifiés et concessionnels. C’est cette « offre intégrée » qui mêle études préliminaires, construction et financement qui fait souvent la différence au moment de décrocher un marché.
A regarder la carte de ces investissements chinois dans le domaine électrique, on voit d’ailleurs qu’elle rejoint celle de ses principaux partenaires sur le continent : le sud et l’est de l’Afrique représentent les deux tiers des investissements chinois, contre 26% pour l’Afrique de l’ouest et seulement 8% pour l’Afrique centrale.
Sébastien Le Belzic
chroniqueur Monde Afrique, à Pékin