Dans une ambiance chaleureuse, le café auvergnat Lou Pascalou de Ménilmontant (Paris) a accueilli, samedi 10 décembre, une soirée Indonésie introduite par Kassia Aleksic qui prépare une thèse de doctorat d’anthropologie dans l’archipel.
En première partie, Fanny Thoret, interprète et traductrice indonésien-français, a présenté un court métrage, Buruh Seni (« Artiste ouvrier »), d’Eden Junjung sur le travail de Digie Sigit, praticien du street art (art de rue) et musicien. « DS » y expose sa conception du lien entre art, artiste et société, sur le sens et la forme de son engagement auprès des exploité.e.s.
L’image d’une « Che Marsinah », béret sur la tête et cheveux rebelles à la Guevara, ponctue toute son activité artistique. Marsinah est en effet devenue un symbole tant pour les combats sociaux que pour les féministes « de lutte de classe » (pour reprendre une formule française). Ouvrière dans une entreprise, elle avait participé à une grève, puis protesté auprès des militaires après l’arrestation de treize de ses camarades, forcées à signer des lettres de démission. Kidnappée, elle est morte sous la torture. Son corps a été retrouvé le 8 mai 1993, jeté au bord d’une rizière.
Pour la seconde intervenante, Ikapratiwi Mutiara (« Ika » pour faire court), Marsinah est bel et bien un symbole important. Ika appartient en effet à l’organisation Perempuan Mahardhika (Femmes libres) dont l’essentiel d’une activité multiforme se fait avec les ouvrières d’industrie. Elle leur permet de s’exprimer grâce à la création d’une radio militante et d’aborder entre elles des sujets tabous, comme le harcèlement sexuel auquel elles se trouvent confrontées dans le monde du travail ou les discriminations dont elles sont victimes dans la société.
Grâce à l’expérience accumulée par Perempuan Mahardhika, Ika nous a permis de mieux comprendre les liens, dans le contexte indonésien, entre revendications de classe et de genre. Pendant la discussion, elle a aussi pu présenter les nombreux réseaux de lutte LGBT.
L’audience était agréablement composite : des Indonésiennes réfugiées en France pour fuir la dictature Suharto (1965-1998), quelques Indonésiens de passage à Paris, des Français de tous âges, dont des jeunes – issus de l’immigration ou pas – et un couple tendrement amoureux…
La plupart d’entre nous étaient liés à l’Asie et au travail mené avec constance et ténacité – depuis de longues années – par le Réseau Indonésie. En effet, un rassemblement de solidarité Syrie se tenait au même moment à Paris, ce qui a un peu réduit l’assistance (une petite quarantaine de personnes).
Pierre Rousset