L’Allemagne va bouleverser jeudi 7 juillet sa définition du viol, jusqu’alors plus restrictive qu’ailleurs. Le vote au Bundestag fait suite au débat ravivé par les agressions qui se sont produites à Cologne pendant le Nouvel An et au procès d’une vedette de téléréalité.
Tout acte sexuel commis « contre la volonté identifiable d’une autre personne » devrait devenir une infraction pénale, selon un accord trouvé début juin entre les conservateurs et les sociaux-démocrates qui sera soumis aux députés jeudi matin. Restera à faire adopter le texte par le Bundesrat, la chambre haute, à l’automne.
Ces quelques mots constituent, en apparence, un renversement de perspective en Allemagne, et vont plus loin que le projet de loi présenté à la mi-mars par le ministre de la justice, Heiko Maas, débordé par une campagne de presse et par le travail des députés.
L’actuel article 177 du code pénal, qui remonte à 1998, cantonne le viol aux relations sexuelles obtenues « par la violence, par une menace portant sur la vie ou l’intégrité corporelle », ou lorsque la victime se trouve « privée de toute défense ».
Ce texte, qui exclut les rapports imposés sous la menace de représailles professionnelles ou lorsque la victime est ivre, inconsciente ou tétanisée, est depuis longtemps critiqué pour son caractère restrictif.
Emotion post-Cologne
Le gouvernement avait annoncé dès l’automne 2014 préparer une loi pour « mieux protéger les femmes », d’autant que l’Allemagne a signé, en 2011, la convention d’Istanbul, qui prévoit de pénaliser toutes les relations sexuelles non consenties.
Refusant de toucher à l’article 177, Heiko Maas comptait ajouter un nouveau cas « d’abus sexuel », couvrant les relations avec une personne « incapable de résistance » en raison « de son état physique ou psychique » ou de la « surprise ».
Mais cette voie a été balayée par un double mouvement : l’émotion née des centaines d’agressions sexuelles contre des femmes commises le soir du Nouvel An à Cologne, qui n’ont abouti à aucune condamnation, et le procès pour « dénonciation calomnieuse » d’une mannequin, Gina-Lisa Lohfink, qui avait porté plainte pour viol.
Rien ne rapproche ces deux événements, sinon leur influence directe sur le travail législatif : l’après-Cologne dicte plusieurs dispositions du nouveau texte débattu jeudi, alors que l’affaire Gina-Lisa Lohfink a relancé la campagne du « Non, c’est non ».
Les déboires de Gina-Lisa Lohfink, jugée à Berlin alors qu’on l’entend dire « non » sur une vidéo la montrant avec un footballeur et un employé d’un club berlinois, ont suscité une vague de soutien sur les réseaux sociaux, derrière le mot-dièse #TeamGinaLisa.
Le « pelotage » en « groupe » est désormais une infraction spécifique – déjà critiquée, tant l’enquête sur Cologne a buté sur l’absence de suspects identifiables plutôt que sur des difficultés légales – et les étrangers condamnés pour un délit sexuel pourront être expulsés.
Mais la proclamation par la loi du « Non, c’est non » est loin de faire l’unanimité : certains craignent une multiplication des dénonciations mensongères, alors que d’autres redoutent à l’inverse que le texte, si juste soit-il sur le principe, ne change pas grand-chose.