Dans cette nouvelle guerre israélo-arabe en cours cet été 2006, il est apparu aux belligérants, tout à fait normal de détruire des infrastructures civiles, de cibler des personnes non-combattantes, de provoquer des exodes massifs. Les soldats de Tsahal ou les combattants du Hezbollah ont trouvé toutes les motivations idéologiques et pratiques pour se battre : nationalisme, réaction à l’agression, résistance à l’occupation. Elles les ont conduits à perpétrer sans ciller des actes qui correspondent pourtant à la définition juridique précise du crime de guerre et dans le cas israélien, vu leur caractère massif et systématique, de crime contre l’humanité (2). Et le reste du monde, les acteurs extérieurs arabes et occidentaux directement impliqués dans le conflit sont demeurés extrêmement passifs, voire complices, comme le gouvernement des Etats-Unis, flanqué de son habituel caniche Tony Blair et quelques autres toutous, le danois Rasmussen ou le canadien Harper. Ceux-là ont contribué directement à la guerre, par leur attitude et leur soutien matériel et moral au belligérant le plus agresseur. De l’autre coté, l’Iran et le régime syrien sont entrés dans le même scénario, de manière, cependant, et jusqu’à maintenant, plus rhétorique que concrète compte tenu de leurs moyens militaires bien plus limités (3).
Malgré quelques protestations et beaucoup de réserves, les opinions publiques ont semblé incapables de peser sur la situation. Certes ce n’est pas la première fois, concernant la Palestine, le Liban et Israël, qu’une telle passivité soit à déplorer. Mais cette fois-ci, la passivité - au mieux -, le soutien à l’agression - au pire -, paraissent plus ou moins justifiés aux yeux du plus grand nombre par ce poison qu’est l’idéologie de la guerre des civilisations.
Il s’agit bien d’une idéologie de guerre, c’est-à-dire d’une idéologie qui permet de tracer une ligne irréductible entre « Eux » et « Nous », qui construit une « image de l’ennemi » présentant l’autre comme « barbare », qui organise un discours de « croisade » ou de « djihad », qui justifie les remises en cause de l’Etat de droit et stigmatise les voix critiques comme « traîtres ». Cette logique de « Eux » contre « Nous » n’est pas seulement celui de Georges W. Bush contre Oussama Ben Laden, et réciproquement, le scénario de « Djihad contre Mac world » brillamment décrit Benjamin Barber dès 1996 (4). Elle est puissamment relayée partout, en France par exemple. Contentons nous pour le moment de n’en donner qu’un seul exemple, celui de Bernard-Henri Lévy intervenant au sujet de l’affaire des caricatures de Mahomet (5). S’il trouve à ces dessins « un air de famille avec les caricatures antisémites ou racistes des années 1930 ou 1950 », il n’en appelle pas moins à l’union sacrée derrière le journal danois Jyllands Posten car « nous n’avons d’autre solution que d’opposer un triangle de vie et de raison » au triangle « de la croisade antichrétienne, antisémite et antidémocratique » que constitue à ses yeux l’Iran, la Syrie et le Hamas palestinien, et ajoute-t-il nous devons soutenir ce triangle de vie « qui, plus que jamais, devrait unir les Etats-Unis, l’Europe et, qu’on le veuille ou non, Israël dans le refus d’une guerre des civilisations voulue par les extrémistes du monde arabo-musulman et par eux seuls ». Quand le « refus de la guerre » c’est la guerre aurait dit Georges Orwell...
La caractère mortifère de cette idéologie ne se manifeste pas seulement, et de manière sanglante, au Liban et en Palestine, il affecte également nos sociétés occidentales en paix, contribuant à la déchirure du tissu social et préparant des lendemains qui déchantent. Comprendre ce qu’est cette idéologie, et surtout comment elle en est arrivée à occuper tant de place dans les attitudes et les motivations de chacun, est essentiel pour sortir de ce piège mortel du coté de Beyrouth, Gaza ou Haïfa, et qui s’installe aussi chez nous.
Première phase : quel Empire après la guerre froide ?
Le monde de l’après-deuxième guerre mondiale était régulé par l’affrontement des « premiers » et « deuxième mondes », blocs de l’Ouest contre bloc de l’Est, OTAN contre Pacte de Varsovie, choc de puissances, compétition des modèles sociaux, affrontement de visions du monde : libéralisme contre communisme. Le Sud, le Tiers-monde, celui de la décolonisation, étant à la fois le champ de bataille principal des deux premiers mondes et le foyer des espérances que les luttes de libérations nationales portaient pour l’humanité entière.
Après 1989, plusieurs tentatives d’explication des mécanismes du nouvel ordre mondial ont vu le jour, principalement aux Etats-Unis, les Européens ayant visiblement du mal à comprendre que l’on changeait d’époque (6). Les théories de deux intellectuels américains, Francis Fukuyama et Samuel Huntington, ont eu particulièrement la faveur des médias (7).
La première est la fameuse théorie de « la fin de l’histoire », de Francis Fukuyama. Cette explication, souvent présentée de manière caricaturale en France, n’a plus vraiment la côte aujourd’hui. Pourtant c’est la formulation d’une idée qui reste très présente dans l’air du temps, celle que la chute du communisme signifierait la victoire, pour une très longue période historique, des paradigmes qui fondent la modèle occidental : démocratie représentative et économie de marché. Bref la victoire du modèle libéral né des Lumières du XVIII siècle, de Montesquieu (libéralisme politique) à Adam Smith (libéralisme économique) en passant par Hegel (ordre du système), Fukuyama se réclamant explicitement de ce dernier philosophe. Bien entendu cette victoire ne signifie pas, dans l’esprit de Fukuyama, la fin des conflits, mais ces conflits, éventuellement violents, ne seraient dus qu’au refus ou à la difficulté de certains peuples ou de certains groupes sociaux à s’adapter au modèle général. Des combats d’arrière-garde en quelque sorte. Cette théorie ne faisait finalement que mettre en forme l’idéologie dominante, y compris celle par exemple dont se réclame le Fond monétaire international ou la Banque mondiale qui expliquaient déjà depuis longtemps qu’il ne pouvait y avoir d’autre manière d’accéder à la modernité qu’en « s’ajustant » au système dominant (politiques « d’ajustement structurel »).
La proposition de Fukuyama colle bien avec l’idée d’un ordre mondial (d’un Empire), autant que possible pacifique, le rêve de l’Union européenne et de certains Américains. Les conflits sont affaires de « police internationale », de « maintien ou d’imposition de la paix » au sens des Nations Unies. La « communauté internationale » doit se construire de manière multilatérale, avec l’ONU, mais autour des puissances majeures et d’abord des Etats-Unis d’Amérique. Et même si la « fin de l’histoire » a pu servir de justification au néolibéralisme financier le plus brutal, il a aussi représenté ce à quoi aspiraient plus ou moins clairement les réformistes modérés du libéralisme, de Bill Clinton aux sociaux-démocrates européens. Ce faisant, ces dernier ne se contentaient pas de s’adapter à un système pour le moment dominant, ils accréditaient - et accréditent souvent toujours - l’idée que les oppositions qui se prétendaient alternatives à ce système ne pouvaient être que retardataires, voire réactionnaires, voire obscurantistes car s’opposant aux Lumières ! De là à les traiter uniformément de « barbares »...
La théorie de Samuel Hunttington de choc des civilisations a connu un succès bien plus considérable que celle de la « fin de l’histoire ». Son pessimisme à semblé, à l’épreuve, mieux répondre à la dureté des temps que l’optimisme de Fukuyama. Huntington pense que l’humanité est divisée en blocs civilisationnels. Il définit ces blocs de manière plus ou moins « confessionnelle » (Occident chrétien, Islam, bloc Confucéen, etc..) et attribue au « judéo-christianisme » occidental une place privilégiée. Ces blocs sont plus ou moins irréductibles, et s’entrechoquent à l’image de la dérive des continents qui provoquent des tremblements de terre. Pour éviter que ces « chocs » ne dégénèrent en guerre généralisée, il faut maintenir un équilibre autour d’un Occident central.
Cette théorie a eu du succès d’abord parce qu’elle identifiait des rivaux civilisationnels à long terme, au premier rang desquels le bloc « confucéen » (en l’occurrence la Chine, l’allié japonais étant exonéré de menace). Un ennemi global, dans un futur indéterminé, et aussi massif que le chinois, avait l’énorme avantage de justifier les programmes du complexe militaro-industriel qui se construisent sur une trentaine d’année et que la disparition de l’ennemi global soviétique avait rendu obsolètes. D’ailleurs Huntington est lui-même réputé proche de ces milieux militaro-industriels.
A cet avantage de long terme, s’ajoutait un avantage de plus court terme, l’explication de la raison des difficultés que rencontraient les Etats-Unis (donc l’Occident) au Moyen Orient, dont la cause ne pouvait pas, en vertu de cette théorie, être une politique américaine impérialiste injuste, mais l’irréductible faille civilisationnelle avec l’Islam.
« L’idéaliste » Fukuyama avait préparé le terrain en expliquant que les résistances au modèle occidental étaient barbares ou au moins non-éclairées, le « réaliste » Huntington justifiait une politique de force. En sorte de synthèse, le néo-conservateur Robert Kagan proposait en 1998 que les Etats-Unis assument le rôle du sheriff planétaire, de « l’empire bienveillant » (8).
Quelques années plus tard, après un certain 11 septembre 2001, lorsque les néo-conservateurs partageaient le pouvoir aux Etats-Unis, Fukuyama lui-même se ralliait au pessimisme Huntigtonnien (9). La construction de l’idéologie de guerre des civilisations avait atteint sa deuxième phase.
Deuxième phase : la guerre contre la terreur et réciproquement
La victoire de George W. Bush aux Etats-Unis a porté au pouvoir une coalition où l’on retrouve les représentants cyniques et sans scrupules du complexe militaro-industriel et pétrolier qui entouraient déjà le président Bush père (Dick Cheney, Donald Rumsfeld, etc.), mais aussi des idéologues dit « néo-conservateurs » (aussi appelés néofondamentalistes), plus idéalistes, désireux d’imposer la prédominance américaine pour développer « la démocratie » (Paul Wolfowitz, etc.), avec de surcroît la forte influence des chrétiens « born again » ou fondamentalistes (dont fait partie George W. Bush lui-même). Les néo-conservateurs et certains fondamentalistes partageant, pour des raisons différentes, un soutien inconditionnel à la politique israélienne (10).
Les attentats de New York et Washington du 11 septembre 2001 vont donner à cette administration américaine un motif pour déployer une stratégie politico-militaire mondiale, présentée comme une « croisade » (11). La War on terror désigne un nouvel ennemi aussi global que flou, le « terrorisme ». Bien que la première action militaire engagée ait concerné l’Etat taliban d’Afghanistan, cet ennemi n’a pas prioritairement le visage de Oussama Ben Laden, chef d’Al Qaïda, mais celui des « Etats voyous », qui sont essentiellement des Etats du monde musulman supposés refuser la bienveillance américaine (Irak, Syrie, Iran...), l’autre cas (la Corée du Nord) n’étant pas sujet de menace sérieuse. Si les dictatures et Etats autoritaires arabes ou musulmanes alliées (Tunisie, Egypte, Arabie Saoudite, Pakistan, etc.) demeurent amis, l’ennemi est tout de même d’abord désigné comme terroriste « islamiste » (d’où les efforts pour inventer un lien entre Saddam Hussein et Al Qaïda). Les diverses formes « d’intégrisme islamique » chiites ou sunnites, sans parler des avatars dégénérés du nationalisme arabe laïque de Syrie et d’Irak, n’ont beau avoir en général aucun rapport avec les tueurs d’Al Qaida, ils sont amalgamés dans la même « terreur » à visage musulman.
Et ce d’autant plus facilement que du coté de l’Islam, certaines forces ont, elles aussi, accrédité depuis longtemps l’idée de l’ennemi global et barbare. La logique occidentale de la guerre des civilisations a sa réciproque orientale. Les puissances occidentales ont combattu le nationalisme arabe (ou iranien, ou pakistanais) avec plus ou moins de virulence colonialiste, et avec pour points d’orgue la sanglante guerre française en Algérie et l’expédition militaire franco-britannico-israélienne de Suez contre Nasser en 1956. Avant et surtout après cette date les Etats-Unis ont cherché à exercer leur domination sur toute la région, du Pakistan à l’Atlantique, en s’opposant en général aux régimes nationalistes issus des indépendances, surtout quand ils se rapprochaient des soviétiques. Dans ce combat les régimes conservateurs étaient privilégiés, avec au premier rang d’entre eux l’Arabie Saoudite (rappelons que l’alliance américano-saoudienne réelle dès les années 30, a été officialisé par Roosevelt de retour de Yalta en février 1945). Or l’Arabie saoudite n’a pas seulement joué le rôle d’un allié anticommuniste de l’Occident. C’était, et c’est toujours, le foyer d’une idéologie islamiste radicale, le Wahhabisme, qui construit en permanence une image de l’ennemi « kâfir », infidèle non musulman ou mauvais musulman, partisan de gauche laïque ou des idées des principaux réformateurs de la Nahda musulmane (la renaissance) du début du XXe siècle.
Fort du contrôle des lieux saints, des pétrodollars, de leur domination sur l’Organisation de la conférence islamique, les Saoudiens ont influencé l’Islam mondial bien au-delà de la sphère d’influence traditionnelle du Wahhabisme. Un islamisme de ce type a ainsi été utilisé par des régimes autoritaires ou dictatoriaux pro-occidentaux comme celui de Sadate en Egypte ou celui de Zia ul-Haq (12) au Pakistan. Une situation à certains égards schizophrène, où l’alliance avec l’Occident se combine avec la dénonciation de ses « valeurs impies » et la présentation du monde comme irréductiblement divisé entre le Dar al Islam (la maison de l’Islam) ou vit une majorité de musulmans et le Dar al arb (la maison de la guerre) où les infidèles sont majoritaires.
Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que cette schizophrénie produise ses effets, et que se développe un islamisme djihadiste virulent précisément à partir - puis contre - les régimes de l’Arabie saoudite, de l’Egypte (le double berceau d’Al Qaida) et du Pakistan (l’inspirateur des Talibans). [L’autre face de la médaille de la guerre des civilisations a dès lors échappé à ses promoteurs américains ou locaux pro-américains : l’infernale dialectique Bush - Ben Laden, la terreur et sa réciproque.
Les politiques occidentales sont globalement parvenues à faire régresser les courants nationalistes, avec il faut le dire l’appui des régimes nationalistes eux-mêmes qui, des généraux kleptocrates algériens à la dictature barbare de Saddam Hussein ont tout fait pour étouffer les aspirations des peuples. L’Islam politique est parvenu, avec plus ou moins de bonheur selon les pays, à occuper, dans les masses populaires, le vide idéologique et social provoqué par la défaite ou la faillite de la gauche et des nationalistes. Un Islam politique triomphant dans la révolution iranienne de 1979, dans une version radicale chiite coupée des radicaux sunnites. Un islam politique qui a pris selon les pays des formes diverses, plus ou moins sociales, plus ou moins conservatrices, plus ou moins sectaires, plus ou moins violentes. Mais toutes ont été amalgamées en « intégrismes », puis en « terrorismes » par les horlogers occidentaux, surtout américains, de la mécanique de la guerre des civilisations.
Troisième phase : la guerre des civilisations comme modèle.
Cette mécanique est bien en place depuis quelques années sur la scène mondiale. Dès lors la plupart des protagonistes des conflits en cours sur la planète vont s’efforcer de faire coller la réalité singulière de leur situation avec le modèle idéologique dominant, dans l’espoir d’en tirer des bénéfices en terme d’alliances ou de justification de la violence exercée. On a vu ainsi la qualification de « terroriste » utilisée non pour décrire une manière particulière de combattre (qui consiste à cibler des civils pour avoir le maximum d’impact psychologique sur l’ennemi supposé), mais comme une définition politique incriminante permettant de rejeter certains groupes dans le catégorie de l’ennemi global de la civilisation. En Espagne par exemple, le gouvernement Aznar a cherché à le faire concernant l’ETA. Vladimir Poutine a eu plus de succès en incriminant ainsi la résistance Tchétchène, d’autant plus facilement qu’il s’agit d’un peuple musulman et que l’un des chefs tchétchènes, Chamil Bassaeiv, se réclamait de l’islamisme radical et pratiquait le terrorisme. Ce faisant il amalgamait la question tchétchène à la supposée « guerre globale contre la terreur », s’exonérant ainsi des crimes commis en Tchétchénie au nom de la Russie.
De la Chine à la Tunisie, en passant par l’Ouzbékistan ou l’Egypte, toutes sortes de leaders autoritaires ou dictatoriaux ont profité de l’aubaine pour faire de même, contre des opposants politiques (y compris laïques) ou des peuples minoritaires, surtout quand ceux-ci avaient la malchance d’être musulmans.
Pire, certains analystes (qui ?) en sont venus à ne plus voir les conflits, parfois très anciens, qu’à travers les nouvelles lunettes de la guerre des civilisations, qu’il s’agisse de la guerre arméno-azerbaïdjanaise, du conflit en Côte-d’Ivoire, des affrontements du Darfour (ou les sinistres combattants Janjawid sont baptisés « Arabes » et réputés « intégristes » pour les distinguer de leurs victimes également musulmanes), de la guérilla d’Aceh en Indonésie, des affrontements au nord du Nigeria, du Cachemire, du Sud des Philippines, etc. et même, rétrospectivement, des conflits du Kosovo et de la Bosnie-Herzégovine ! Bien entendu l’islamisme djihadiste réellement existant en a profité pour essayer de fédérer symboliquement des mouvements sans relations les uns avec les autres, avec des succès variable, au nom de l’autre face de la guerre de civilisation.
Le conflit israélo-arabe n’a évidemment pas échappé à la règle, bien au contraire, d’autant qu’il est emblématique du modèle mondial de guerre des civilisations. Les dirigeants israéliens avaient su, surtout après 1956 (13), se couler dans le modèle précédent, celui de la guerre froide, s’affirmant partie prenante du monde occidental contre les nationalismes arabe et palestinien, alliés des Soviétiques. Après 1967, les autorités israéliennes n’avaient pas hésité à laisser se développer l’action des Frères musulmans (qui allaient fonder plus tard le Hamas) pour contrer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le changement stratégique s’est opéré dès que s’est annonçée la chute du communisme, face au nouvel ennemi global islamiste, sans pour autant laisser une chance à l’accord de paix négocié avec les nationalistes palestiniens par des dirigeants israéliens (en fait toujours une petite minorité par rapport au pouvoir militaro-économique réel du pays).
Quatrième phase : la gestion par le chaos ?
L’idéologie de guerre des civilisation, ou plutôt de la guerre de « LA » civilisation contre les barbaries, et sa mise en pratique sous la forme de la war on terror n’a pas donné les résultats qu’escomptaient les néo-conservateurs. Ils avaient prêché la démocratisation et la modernisation du grand Moyen Orient, et plus largement de la zone de prédominance musulmane. La réduction de l’Etat Taliban d’Afghanistan, l’invasion de l’Irak, l’écrasement des islamistes en Palestine et au Liban pour le plus grand profit du « grand Israël », la mise au pas de l’Iran et accessoirement de la Syrie, étaient les étapes annoncées de cette croisade triomphale. Une croisade menée sous le leadership exclusif des Américains, seuls dirigeants de l’Empire, et contre toute légitimité d’un droit international multilatéral.
Cette stratégie, qui n’a pas vraiment porté ses fruits en Afghanistan, a échoué en Irak, et probablement déjà au Liban. Le point d’appui irakien pour la croisade de la démocratie imaginé par les néo-conservateurs s’est transformé en sanglant bourbier secoué par la guerre civile interconfessionnelle. Les néo-conservateurs eux-mêmes ont perdu leur influence sur la Maison Blanche dans le second mandat de Bush junior et Paul Wolfowitz est allé s’occuper de la Banque mondiale. L’unilatéralisme flamboyant est devenu, avec Condoleezza Rice, plus multilatéral et l’on ne stigmatise plus la veille Europe, on cherche, avec un certain succès, à enrôler dans la croisade Français et Allemands (14).
Les Etats-Unis ont renoncé à combattre pour la démocratie chez leurs alliés, obéissant ainsi à l’injonction faite par le régime égyptien à Condolizza Rice lors de la conférence « Perspective pour le futur » en novembre 2005 à Bahreïn : « Mêlez-vous de ce qui vous regarde » ! La répression contre les démocrates égyptiens a donc pu reprendre au printemps suivant. Tout comme celle exercée contre les démocrates tunisiens, et même contre les démocrates chez « l’ennemi » syrien (15).
Le message était donc clair en mai 2006 : la war on terror n’a rien à voir avec une quelconque volonté de promotion de la démocratie. Il ne s’agit que d’imposition de la loi du plus fort dans la logique de la guerre des civilisations.
Un message que le gouvernement de coalition israélien d’Ehoud Olmert a reçu à 100 %. Loin des illusions qu’avait pu laisser planer le retrait unilatéral de Gaza, le gouvernement israélien, après avoir consciencieusement fermé toute ouverture du coté de Mahmoud Abbas et des nationalistes, s’est déchaîné contre le Hamas islamiste, surtout après que celui-ci eut gagné des élections exceptionnellement libres dans le monde arabe (16). Ignorant un an et demi de trêve unilatérale du Hamas, profitant des réactions à ses propres provocations (assassinats, enlèvements, destructions d’habitations) du Djihad Islamique et des Brigades des martyrs d’El Aqsa nationalistes, groupes rivaux du Hamas (attentats suicides et tirs de rockets), le gouvernement israélien va matraquer de manière meurtrière Gaza. Le tout culminant, après les élections palestiniennes puis la rupture de la trêve du Hamas, dans le vol de dizaines de millions de dollars de droit de douanes dus au Palestiniens et de l’enlèvement de dizaines de députés et ministres palestiniens régulièrement élus en représailles au fait que l’ennemi avait fait un prisonnier de guerre !
Cette politique n’a fait que s’accentuer depuis, après la capture de deux soldats israéliens par le Hezbollah, avec la destruction programmée du Liban. Elle s’articule parfaitement dans une mécanique infernale, avec celle du régime iranien, qui n’est pas avare non plus de provocation (dont il a absolument besoin à usage interne). Là-bas les laissez-pour-compte de la guerre Iran-Irak d’il y a vingt ans ont porté au pouvoir l’un des leurs, le très radical Mahmoud Ahmadinejad. Il a profité du fiasco politique des islamistes réformateurs de l’ancien président Khatami et des islamistes affairistes de l’ancien président Rasfanjani. Contrairement à ce que l’on raconte, le positionnement nucléaire et agressif du président iranien n’a pas à lui tout seul déclenché la guerre du Liban. Mais celle-ci le conforte dans sa démarche offensive, du moins à court terme. De même qu’un régime syrien à bout de souffle trouve dans l’agression israélienne matière à ressourcement. La logique de guerre fonctionne à plein, et partout « qui n’est pas avec nous est contre nous »...
Dérèglement du système ? Non, application du mécanisme de base du système, celle de « l’empire du chaos », fort bien décrite par Alain Joxe, où le désordre justifie la position autoritaire du maître américain (17). Et annonce des catastrophes en chaînes dans l’avenir et l’étouffement des aspirations démocratiques dans une bonne partie du monde. La « guerre des civilisations » a de l’avenir.
La contribution française à la guerre des civilisations
La France se présente sur la scène internationale, comme une puissance raisonnable, hostile a toute dynamique de « guerre des civilisations » et Jacques Chirac s’est exprimé à de multiples reprises en ce sens (18). Nous venons de voir que cette opposition de principe s’est accompagnée de certains accommodements avec les stratèges américains. Toutefois l’Etat français a plus ou moins, jusqu’à maintenant, tenu le cap du refus de l’affrontement « civilisationnel » comme manière de gérer les affaires du monde. Il n’en est pas de même en matière intérieure.
Les Français n’ont pas échappé à la logique de la deuxième phase de la guerre des civilisations. Nombre de responsables politiques, médiatiques, intellectuels, ont commencé à interpréter certains problèmes culturels et sociaux de la société française avec les lunettes polarisées du modèle. L’idée de « Eux » et « Nous », la construction de l’image de l’ennemi, du barbare obscurantiste organisé dans son « communautarisme » fermé, s’est progressivement développée. Les débats autour de la loi sur le voile ont été significatifs à ce sujet, et depuis les choses n’ont fait qu’empirer, si l’on en juge par les réactions à la crise sociale des banlieues de l’automne 2005 (19). Ce n’est pas un lapsus si le gouvernement a jugé utile d’avoir recours, symboliquement, à cette occasion à une loi établie pendant la guerre d’Algérie ! Mais pires encore ont été les attitudes de certains hommes politiques, intellectuels ou journalistes. Nous avons déjà cité Bernard Henri Levy, et l’on peut évidemment évoquer, en pire, l’inénarrable professeur Alain Finkielkraut, l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse et bien entendu le vicomte Philippe de Jolis de Villiers, en réincarnation de Charles Martel, et le citoyen Max Gallo en réincarnation de Napoléon. Mais tous ces preux conservateurs de la civilisation occidentale sont sans doute moins efficaces dans la construction de la logique de guerre que leurs alliés en Union sacrée qui se veulent progressistes, comme le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Philippe Val, ou la chouchoute de la République Caroline Fourest.
Et comme dans toutes les bonnes Unions sacrées patriotiques, les voix critiques, dissidentes, interrogatives, d’un Edgar Morin, d’une Christine Delphy, d’un Noël Mamère, sont vite clouées au pilori des traîtres comme islamo-gauchistes ou autres idiots utiles de l’ennemi !
Ce déchaînement stigmatise des populations françaises parmi les plus pauvres, les musulmans de France, les Arabes mais aussi de plus en plus les Noirs, les Turcs, etc. Bien entendu, en France aussi, cette mécanique produit son revers. L’islamisme conservateur s’est plutôt développé depuis la loi sur le voile (20), les tendances aux replis sectaires et communautaristes sont manifestes dans certains milieux, des groupuscules ethno-radicaux font de plus en plus parler d’eux (Ligue de défense juive, Tribu K...), etc.
Le tissu social, déjà mal en point, se déchire un peu plus, tandis que la passivité réelle ou supposée des responsables du pays vis-à-vis du drame libanais, accentue les rancœurs et les méfiances. Comme le constate très lucidement Noël Mamère, « cette machine infernale née sur un territoire grand comme quelques départements français va avoir des conséquences sur notre vie quotidienne » (21).
Est-il encore possible de sortir du piège ?
Rien, dans la situation actuelle ne permet d’être optimiste. Les mécanismes mortifères sont bien en place, et quelle que soit l’issue des combats qui font rage au Liban et à Gaza alors que ces lignes sont écrites, le mal est fait, l’après sera plus dur que l’avant. Dans le contexte évidemment bien moins tragique qui est celui de la France et de l’Europe occidentale, les choses ne se sont guère améliorées non plus, et l’involution inquiétante de sociétés comme celles des Pays Bas ou du Danemark vers l’intolérance et le sectarisme est un symptôme grave de la profondeur du mal.
Pourtant il existe des points d’appuis forts pour faire reculer la logique de la guerre des civilisations, et notamment dans la société française. Quelques exemples récents en témoignent. Contrairement à ce que l’on pourrait croire en lisant Charlie Hebdo ou Lyon Mag’, la réflexion politique et sociale de certains courants qui se réclament de l’Islam en Europe n’est pas enfermée dans les catégories figées de la guerre des civilisations. L’insertion, non seulement des militants et intellectuels issus des populations de cultures musulmanes mais aussi de Musulmans en tant que tel, dans le débat et l’action publique commune s’est développée en France ces dernières années. Malgré les offensives répétées des intégristes religieux (chrétiens, juifs et musulmans) d’une part, des laïcards sectaires d’autre part (ou de la même part), malgré les dérives consécutives à la loi sur le voile (humiliation d’élèves et de mères, discriminations dans l’espace public), la laïcité républicaine est bien vivante en France et les expériences de cohabitation et de coopération de courants philosophiques divers au sein des mouvements sociaux français de ces derniers mois, intéressent de plus en plus les militants des pays voisins de part et d’autre de la Méditerranée.
Si cela est possible, c’est parce que la société française, ou du moins une partie active de cette société, réagit contre la logique de guerre des civilisations. Le magnifique mouvement initié par le réseau Education sans frontière, entraînant dans son sillage toutes sortes de personnes, des simples parents d’élèves aux élus, est un formidable exemple de refus de la xénophobie. Et la xénophobie demeure un carburant essentiel de toute idéologie de guerre.
La gauche française est affectée par le virus de la guerre des civilisations, certaines composantes plus que d’autres, et si les Verts ne sont pas parmi les plus malades, ils sont eux aussi touchés, si l’on en juge par l’attitude de certains militants Verts stigmatisant par exemple des musulmans (y compris Verts), non pour ce qu’ils sont et a fortiori pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont censés être. L’antidote existe pourtant au sein des Verts, comme au sein d’autres composantes de la gauche, notamment dans la mesure où les Verts sont engagés dans le combat contre les fractures culturelles et sociales ou contre la xénophobie, évoqués plus haut. Et dans la mesure où les débats sur ces questions ne sont pas éludés, mais traités sérieusement.
La lutte pour une paix fondée sur le respect des individus et des peuples, et donc sur la justice et la construction d’une démocratie réelle, est essentielle pour combattre la logique de la guerre des civilisations. Et d’abord évidemment au Proche Orient. Si l’on peut regretter la pusillanimité de certains Verts en la matière (et notamment de la direction du parti allemand), il faut saluer l’effort d’autres Verts (notamment français), qui avec d’autres se mobilisent aux cotés des démocrates arabes, des pacifistes israéliens, au sein du mouvement altermondialiste mondial, et partout ou ils le peuvent.
Ces efforts, ce travail, en France ou sur le plan international, sont sans doutes insuffisamment relayés ou partagés au sein des Verts. Mais ils indiquent clairement la voie à suivre pour sortir du piège.
Un piège dont Menachem Klein, israélien pour la paix, partenaire des Verts (22) sait qu’il est vital, pour l’avenir des Israéliens, des Palestiniens et des Libanais, de sortir. Et pour cela il faut rompre avec le vocabulaire et l’idéologie de la guerre qui déshumanise l’adversaire en terroriste : « Comme en 1991, le mot « guerre » est invoqué par une société civile victime d’attaques de missiles et de roquettes, et non pas, évidemment, parce que le camp adverse subit de lourdes pertes. Car les projecteurs sont exclusivement braqués sur « nos » propres souffrances et non sur ce que nous faisons subir aux civils du camp ennemi. « Terrorisme » est l’autre mot-clé de l’affaire. L’attaque du Hezbollah contre la patrouille de l’armée israélienne a été qualifiée d’« attaque terroriste » alors qu’il s’agissait d’une opération classique de guérilla. Des années d’exposition à la terreur ont conduit les Israéliens à utiliser ce mot pour qualifier n’importe quelle attaque à petite échelle dirigée contre eux. Avec sa charge d’émotion, la notion de « terreur » permet en outre à l’establishment de dissimuler un échec militaire et de mobiliser l’opinion publique en vue de soutenir une réaction aussi massive que disproportionnée. » (23)
Et ajoute-t-il « la guerre n’est pas une méthode pour conquérir la paix ou la sécurité », surtout quand cette guerre locale devient une bataille de la guerre globale, la guerre des barbares qui se réclament des civilisations.
Notes :
1) Shirin Ebadi et Jody Williams, prix Nobel de la paix, iranienne et américaine “A Collective Failure in the Middle East”,International Herald Tribune, 31 07 2006
2) Les actions ciblées des Israéliens correspondent à l’évidence aux chefs d’incriminations par la législation internationale. Elles s’exercent notamment contre des quartiers d’habitation, des villages, des moyens d’approvisionnement, dans le but explicite de les vider de leur population, avec les moyens considérables qui sont les leurs - y compris l’usage d’armes interdites. Paradoxalement, c’est parce qu’ils ne sont pas ou mal ciblés - donc frappant indistinctement des civils - que les tirs du Hezbollah peuvent aussi être incriminés. Rappelons que si, contrairement aux Etats de l’Union Européenne, ni Israël ni les Etats-Unis, ni la Syrie, ni le Liban (le dernier sous pression des deux précédents), ne reconnaissent l’autorité de la Cour pénale internationale, ils ont ratifié des instruments juridiques internationaux des Nations Unies qui décrivent les crimes de guerres et crimes contre l’humanité de manière similaire. Le statut de la Cour pénal internationale entré en vigueur le 1er juillet 2002 défini dans son article 8 le crime de guerre comme, notamment « la destruction et l’appropriation de biens non justifiés par des moyens militaires et exécuté sur une grande échelle et de manière arbitraire », le fait « de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires », « de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la charte des nations Unies... », ou « de diriger intentionnellement une attaque sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vie humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret direct et attendu », ainsi que « d’attaquer ou de bombarder par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires », « d’affamer délibérément des civils comme méthode du guerre, en les privant des biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l’envoi de secours prévu par les conventions de Genève », etc.. Le crime contre l’humanité est défini, par l’article 7 du même statut d’actes « commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre toute la population civile et en connaissance de cette attaque », « en application de la politique d’un Etat ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque » et notamment « de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région ou elle se trouve légalement, sans motifs admis en droit international ». Statut de Rome de la cour pénale internationale, source : http://www.icc-cpi.in
3) Le Hezbollah disposerait de 3.500 à 5.000 hommes organisés en bataillons, et autant de réserves, de 10 à 12 000 roquettes Katyusha de courte portée (moins de 50 km), de 250 missiles de portées de 80km et de quelques dizaines de missiles Zelzebreh 1et Zekal 2 de 150 et 250 km de portée, ainsi que quelques chars (source Jane’s defense weekly). A comparer avec les effectifs et les moyens de Tsahal : 186.500 soldats et 445.000 réservistes, 3630 chars, 470 avions de combat (F-16, Mirage), 181 hélicoptères de combat, une flottille de drones d’attaque et de reconnaissance, 15 navires de guerre, trois sous-marins, une puissance de feu (missiles air-sol, sol-sol, artillerie lourde, etc.) immensément supérieure et quelques dizaines d’ogives nucléaires
4) Benjamin R. Barber, Jihad vs Mac World, ed. Ballantine New York 1996, en français Djihad versus Mac World, Paris, Desclée de Brouwer, 1996, voire aussi « Culture McWorld contre démocratie », Le Monde diplomatique, août 1998.
5) Bernard-Henry Lévy : « Triangulation de la haine » 13 février 2006 - Le Monde
6) C’est cependant le britannique Eric Hobsbawm qui a écrit en 1994 l’un des plus magistraux exposés sur la période qui s’achevait, fournissant une clé pour comprendre celle qui commençait. Eric Hosbabwm, L’âge des extrêmes, le court XXe siècle, éditions Complexes et le Monde diplomatique, Paris, 2003.
7) Le livre de Francis Fukuyama The End of History and the Last Man a été publié en 1992. Cf. en français Francis Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme, ed. Flammarion Paris 1993, collection Champs. La thèse de Samuel Huntington The Clash of Civilizations ? a été publiée à l’origine l’été 1993 par la revue Foreign Affairs. Cf. en français Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, Odile Jacob, Paris, 1997.
8) Robert Kagan a développé cette conception dans un article de la revue Foreign Policy, été 1998, “The Benevolent Empire”.
9) Sans pour autant bien sûr considérer que ses hypothèses de base sur la primauté historique du libéralisme étaient fausses. Cf. par exemple sa conférence « Has history restarted since Septembre 11th » du 8 août 2002
10) Sur les courants qui dominent la politique américaine on peut lire en particulier Noël Mamère, Patrick Farbiaz : Dangereuse Amérique, chronique d’une guerre annoncée, ed. Ramsay, Paris 2003.
11) Cf. à ce sujet Bernard Dreano « Le Centre du Monde. Matériaux pour la réflexion et l’action après le 11 septembre 2001 et la contre-attaque américaine » 18 janvier 2002, http://www.reseau-ipam.org
12) Zia ul Haq s’est appuyé au Pakistan sur le rigorisme local des « Déobandis », plutôt que sur le wahhabisme arabe, et Sadate a recyclé l’idéologie marquée de Wahhabisme des Frères Musulmans dans la version de Sayyid Qotb.
13) Rapelons qu’au moment de la guerre de 1948 Israël bénéficiait de l’appui des Soviétiques (qui ont fournit des armes à la Hagannah) plus encore que de celui des Américains. La situation a changé dès le début des années 50.
14) En juillet 2006, la France est d’abord demeurée passive vis-à-vis du soutien des Etats-Unis au projet israélien d’éradication du Hezbollah, et n’a pris ses distances que lorsqu’il est apparu que celle-ci se faisait au prix de la destruction du Liban lui-même. L’Allemagne de la grande coalition est moins encline à critiquer les Etats-Unis que par le passé et l’ancien ministre Vert des affaires étrangères, Joscha Fisher, s’est de facto rallié à la logique de guerre de Washington (Le Monde du 8 août 2006).
15) L’arrestation en mai 2006 de défenseurs des droits de l’homme en Syrie comme Michel Kilo et Anouar Bunni n’a guère provoqué de réactions, pas plus que l’interdiction le même mois du congrès de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, sinon que dans ce dernier cas on peut noter une lâcheté des autorités européenne et françaises supérieure à celle des américains !
16) Il se déchaîne aujourd’hui contre le Liban, l’autre pays ou ont eu lieu des élections libres.
17) Alain Joxe, L’Empire du chaos : les Républiques face à la domination américaine dans l’après-guerre froide, La Découverte, Paris 2002
18) Par exemple dans le magazine américain Time de février 2003, l’entretien sur TFI du 15 décembre 2004, l’interwiew donné au quotidien égyptien Al Ahram le 19 avril 2006, etc.
19) Ce point de vue est argumenté dans Bernard Dreano « La part des anges. La crise de l’automne 2005 dans les quartiers pauvres en France et la démonologie des banlieues », 12 décembre 2005, http://www.reseau-ipam.org/
20) Voir à ce sujet l’excellent rapport de l’International Crisis Group : La France face à ses musulmans : Émeutes, jihadisme et dépolitisation, Rapport Europe N°172, 9 mars 2006
21) Noël Mamère : « Une politique intérieure mondiale » Edito du lundi 24 juillet 2006 - http://noelmamere.org
22) Artisan et signataires de l’accord de Genève, proposition israélo-palestinienne de règlement du conflit israelo-palestinien, Menachem Klein a participé à la rencontre organisée par Alain Lipietz et Jacques Boutaud à la mairie de paris IIe le 28 novembre 2003.
23) Menachem Klein, « Israël se trompe de guerre », Le nouvel observateur, 27 juillet 2006.