Il est urgent et nécessaire de sortir du nucléaire au plus vite – comme le propose le NPA –, en commençant immédiatement par fermer les centrales ayant plus de trente années de fonctionnement, à commencer par Fessenheim, et par abandonner définitivement l’EPR de Flamanville. Ces exigences seront au cœur de la mobilisation préparée dès maintenant par de nombreuses organisations, dont le NPA, pour octobre à Flamanville.
Dossier réalisé par la Commission nationale écologie du NPA
Fukushima a bousculé les idées fausses
L’accident de la centrale de Fukushima qui a provoqué une catastrophe humaine, sociale et environnementale, a aussi bousculé les idées reçues en rétablissant quelques vérités.
Un accident mortel est possible dans un pays industriel ultra-développé
Le Japon n’est pas la Biélorussie. Pourtant, Fukushima a rejoint Tchernobyl dans l’horreur nucléaire. Ce pays symbole de la haute technologie n’a rien pu faire contre des phénomènes naturels extrêmes : un tremblement de terre et un tsunami ont entraîné une suite de problèmes majeurs qui ont fini par déclencher la fusion totale des cœurs de trois réacteurs. Le résultat : des morts et une région contaminée pour de nombreuses années.
Il est possible de sortir du nucléaire rapidement
Le Japon a stoppé immédiatement ses 54 réacteurs à la suite de la catastrophe. L’activité économique n’a pas été affectée puisque le PIB de 2013 était supérieur à celui de 2010. La balance commerciale, un temps déficitaire en raison des importations de gaz, est de nouveau excédentaire depuis 2015. La production d’électricité nucléaire (environ 28 %) a été compensée par une baisse de la demande et par la relance des centrales thermiques qu’il est possible d’utiliser provisoirement pour pallier le manque dû à l’arrêt du nucléaire.
Un mouvement antinucléaire existe au Japon
Les manifestations de rue, les sondages, montrent que la population est majoritairement opposée au redémarrage des centrales. Les Japonais ne sont pas dupes des opérations de communication qui leur font croire que la décontamination du site de Fukushima est proche. Malgré cette opposition populaire et les inquiétudes de nombreux scientifiques, le gouvernement a fait remettre en service la centrale de Sendai pourtant située à 50 km du volcan extrêmement actif de Sakurajima. Les milieux d’affaires et la candidature de Tokyo aux JO 2020 comptent plus que la défense des populations.
Nucléaire militaire : Hiroshima rime avec Fukushima
Les commémorations des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, en pleine période de vacances, passent chaque année inaperçues en France, même le 70e anniversaire de ces crimes contre l’humanité.
Pourtant, 200 000 mortEs sur le coup, sans parler des rescapés victimes de la radioactivité qui ont agonisé pendant des années. Or, dans une dizaine de pays dont la France, il y a des arsenaux nucléaires qui menacent la survie de l’espèce humaine, ne serait-ce que par accident, et qui ont provoqué lors des essais à l’air libre de nombreuses leucémies dont les États se désintéressent scandaleusement.
La course entre grandes puissances
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il y a eu une course de vitesse entre l’Allemagne nazie et les USA, alliés à la Grande-Bretagne et au Canada, pour la réalisation de bombes utilisant les colossales possibilités de destruction générées par la fission des atomes d’uranium et de plutonium. L’Allemagne a capitulé en avril 45 avant d’avoir terminé sa bombe, et les Américains ont achevé la leur juste avant que le Japon ne s’avoue vaincu. Ils ont profité du contexte pour expérimenter leurs bombes : l’une à l’uranium, l’autre au plutonium. La démonstration de force leur permettait d’asseoir leur domination sur le monde et d’impressionner l’URSS qui a compris le message.
Celle-ci s’est lancée à son tour dans la course aux armements nucléaires, suivie par la Grande-Bretagne, la France et la Chine. Ces 5 pays, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, y disposant du droit de veto, sont officiellement les seuls possesseurs d’armes atomiques. Ils ont édicté des règles interdisant aux autres de les imiter (traité de « non-prolifération » de 1968). Cela n’a pas empêché l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord, d’entrer dans la danse. D’autres pays s’y sont essayés aussi mais y ont renoncé pour différentes raisons : le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Irak, et tout dernièrement l’Iran...
Équilibre de la terreur et dissuasion
À l’époque de la « guerre froide », les USA et l’URSS ont accumulé des armes susceptibles de détruire plusieurs fois la vie sur terre et ont été parfois à deux doigts de déclencher l’apocalypse. En France, la mise au point de la « bombinette » comme l’appelait le Canard enchaîné a poussé les gouvernements à pratiquer des essais…ailleurs que sur le territoire. Ainsi le Sahara et la Polynésie souffrent encore des expérimentations nucléaires françaises.
Le Mouvement de la Paix, qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il était dans les années 50 et 60, une dizaine d’organisations pacifistes, regroupées dans le collectif international Ican, prêchent pour le désarmement nucléaire. Pour sa part, le NPA soutient toutes les initiatives pour le désarmement unilatéral de la France.
De l’énergie atomique en général et de ce qui s’est passé à Fukushima...
L’histoire abominable du nucléaire commence en 1942.
Les États-Unis démarrent alors la mise au point la première bombe atomique. Trois ans plus tard, le 6 août 1945, Hiroshima est détruit, et trois jours plus tard, c’est le tour de Nagasaki. Au moins 200 000 morts...
Depuis 1945, huit autres pays se sont dotés d’armes nucléaires, et 31 ont construit des centrales nucléaires. 438 réacteurs sont actuellement en service à travers le monde.
En France, De Gaulle crée le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) dès la fin de la guerre pour fabriquer la bombe. Il y parvient en 1960, et entre 1961 et 1996, l’État français utilise ses colonies pour les essais nucléaires, au mépris des conséquences dramatiques qu’ils engendrent. Quant aux premiers réacteurs nucléaires, ils apparaissent opportunément en France à la fin des années 50.
En effet, il n’y a aucune séparation entre le civil et le militaire, les centrales civiles fournissent le carburant des bombes, uranium ou plutonium. Ce dernier n’existe pas à l’état naturel et seules les centrales nucléaires peuvent le produire. Avec l’énergie nucléaire, l’État impérialiste français a donc fait d’une pierre deux coups : asseoir sa puissance militaire et assurer une autonomie énergétique au prix d’une exploitation honteuse de ses pays vassaux.
La menace permanente
Aujourd’hui, on compte 58 réacteurs sur le territoire français. Si les bombes du nucléaire militaire parlent d’elles-mêmes en matière d’horreur, le cycle du nucléaire civil, de la mine aux déchets, n’est pas en reste. Des montagnes de déchets radioactifs s’accumulent et personne ne sait quoi en faire pour l’instant. Après avoir été déversés dans toutes les mers du globe, ils risquent aujourd’hui l’abandon dans les entrailles de la terre, dans le mépris le plus absolu des générations futures.
Au Niger, les sols, les eaux, les airs sont contaminés, au mépris de la santé des populations, et les travailleurs esclavagisés par Areva, qui extrait son précieux minerai en dépit des règles de sécurité les plus élémentaires.
Enfin et surtout, l’incommensurable danger des centrales nucléaires elles-mêmes est désormais avéré, après les catastrophes de Tchernobyl (explosion du réacteur) et surtout de Fukushima, catastrophes qui placent toujours l’humanité sous la menace permanente de l’horreur absolue. En 2011, à Fukushima, un séisme a en effet provoqué des dommages gravissimes. Des explosions ont soufflé le haut des bâtiments des réacteurs, libérant des matières radioactives dans l’environnement. L’océan a été contaminé, et surtout, l’absence soudaine de refroidissement a entraîné la fusion des cœurs de trois réacteurs. Personne ne peut aujourd’hui atteindre ces cœurs qu’il faut refroidir sans fin, et nul ne peut prédire ce qui va advenir.
Nous sommes désormais prisonniers de la menace nucléaire.
Quand la politique du risque remplace la notion du « risque zéro »
De nombreuses régions du monde, en particulier en France, sont dans un environnement nucléaire semblable à la région de Fukushima.
D’importantes agglomérations autour des installations nucléaires, poids de cette industrie dans l’économie, qui, en cas d’accident, créent le risque d’une grave crise économique et d’un afflux de réfugiéEs internes...
Ce constat poussent les organismes internationaux, AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), OMS (Organisation mondiale de la santé), CIPR (Commission internationale de protection radiologique) à renoncer au principe du risque zéro qui dominait jusqu’à maintenant et à travailler sur la gestion des accidents nucléaires. à ce titre, la région de Fukushima est devenue un laboratoire.
L’explosion de la centrale de Tepco à Fukushima a engendré une contamination irrégulière au sein et au-delà du département de Fukushima. Le taux de radio-activité dans l’air, comme au sol, excède par endroit 10 à 20 fois le taux de contamination internationalement admis comme acceptable pour la population civile, soit 1 mSv/an.
« La société de la catastrophe »
Face à une telle situation, les chercheurs en sciences sociales au service de ces agences utilisent aujourd’hui la notion de résilience (une notion d’abord utilisée en physique des matériaux pour décrire l’élasticité d’un corps qui aurait la capacité de retrouver sa forme initiale après avoir accusé un choc), afin de déterminer des modèles qui permettraient à nos villes et à leur population de résister aux périls afin de « digérer » les multiples risques naturels ou humains au lendemain d’un accident nucléaire. C’est sur cette politique de la résilience que s’est penchée la sociologue Cécile Asanuma-Brice (chercheure associée au centre de recherche de la Maison franco-japonaise à Tokyo)1.
Elle commence par constater que « La communication sur le risque remplit un rôle important dans l’instauration à des fins politiques, de la résilience » et souligne qu’à partir du moment où la notion de risque zéro est abandonnée, « la société du risque est celle de la catastrophe, une société où l’état d’exception menace de devenir un état normal ».
Ce processus est particulièrement flagrant dans la gestion de la catastrophe de Fukushima. Face à une telle situation, dès avril 2011, les autorités ont relevé les normes de protection à 20 mSv/an dans la région la plus polluée, afin de limiter la surface de la zone d’évacuation. Il est aujourd’hui question de la relever à 100 mSv/an. Cette remise en cause de la norme de sécurité a été observée dans divers domaines. Le taux d’acceptabilité maximal de la radioactivité a également varié dans le secteur de l’alimentation, passant tour à tour d’une limite de 100Bq/Kg à 500Bq/Kg, pour redescendre à 300 Bq/Kg.
La sociologue constate ainsi que « Normes et seuils sont fixés et permettent la mise en œuvre d’une politique qui tend à assigner la population à demeure, voire à l’inciter au retour à la vie dans des zones pourtant contaminées au vue des normes internationales. Ainsi, l’individu se voit contraint d’assumer financièrement (l’état ne lui délivre pas de subvention pour élaborer sa protection) et physiquement (l’individu est amené à prendre la responsabilité du refuge ou de la gestion du quotidien dans un environnement sali) ».
Vivre en secteur contaminé
C’est poussé par la France, et notamment par le CEPN (Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire) dont font partie Électricité de France (EDF), l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Areva, ainsi que par les organismes internationaux, que le Japon mène depuis cinq ans une politique de formation et d’intégration des populations, dans le cadre du programme ETHOS. Celui-ci vise à donner le sentiment aux habitants d’une certaine maîtrise « du processus décisionnel par la prise en considération de ses requêtes », mais avec pour seul objectif de les habituer à vivre en secteur contaminé.
C’est à Fukushima, avec la population comme cobaye, que nos gouvernants et l’industrie nucléaire élaborent la gestion d’un futur et malheureusement probable accident nucléaire en France.
Atomic Royal
Ségolène Royal, ministre de l’Écologie et de l’Énergie, a déclaré dimanche 28 février qu’elle était « prête à donner son feu vert au prolongement de 10 ans de la durée de vie des centrales nucléaires françaises »...
La durée de vie initialement prévue était de 30 ans... Elle a déjà été augmentée à 40 ans et passerait donc à 50 ans ! Alors que la loi sur la transition énergétique prévoit que la part de l’électricité nucléaire en France doit tomber de 70 % à 50 % à l’horizon 2025, la fermeture des réacteurs ne fait toujours pas partie de l’équation, et l’arrêt de Fessenheim est sans cesse reporté. La « transition énergétique » version gouvernementale rime avec la poursuite du nucléaire.
Quand la ministre précise « sous réserve de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire », c’est qu’elle ne peut pas faire autrement. EDF souhaite faire fonctionner ses centrales jusqu’à 50 ou 60 ans, mais est soumis à l’autorisation de l’ASN. Celle-ci ne rendra un avis générique sur la possibilité de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires les plus anciens (ceux des centrales de Tricastin, Gravelines, Blayais, Chinon, Bugey, Cruas) au-delà de 40 ans qu’en 2018, et elle fixera en outre les conditions de sûreté auxquelles la prolongation sera possible.
L’escroquerie
Mais quand Royal ajoute que ces centrales « sont déjà amorties, donc produiront une électricité meilleur marché », elle ment délibérément. La Cour des comptes chiffre d’ores et déjà – donc hors exigences de l’ASN pour une éventuelle prolongation – à 100 milliards d’euros le coût des travaux de maintenance et de remise à niveau. Si on ajoute l’enfouissement des déchets, le démantèlement des centrales en fin de vie, et le prix sans cesse revu à la hausse – plus de 10 milliards d’euros – de l’EPR de Flamanville, force est de constater que chercher à faire croire que le nucléaire est une énergie bon marché est tout simplement une escroquerie.
Mais le pire n’est évidemment pas là... Le pire est le danger encouru par les populations en cas d’accident et par les salariéEs en particulier sous-traitants lors de leurs interventions, dangers qui sont démultipliés avec le vieillissement des réacteurs. Pour le NPA, la nécessité du moment, ce n’est pas le prolongement, mais la fermeture immédiate de tous les réacteurs de plus de trente ans.
Notre projet de sortie du nucléaire
La sortie du nucléaire est indispensable. Le NPA le martèle depuis toujours, et l’idée que c’est inévitable fait désormais son chemin dans l’opinion...
Même les forces politiques conservatrices en arrivent à la conclusion que le nucléaire est mort et qu’il va falloir le remplacer. Candidat aux présidentielles 2017, Bruno Le Maire (LR) affirme par exemple : « Je ne crois pas que l’énergie nucléaire soit l’avenir, nous devons investir dans les renouvelables. » Mais, pour eux, ce n’est pas à cause du danger mortifère que représente cette énergie, mais à cause de son coût. Notre parti, lui, n’a pas attendu l’immanquable effondrement économique d’Areva et d’EDF pour réagir.
Le problème du délai de sortie reste crucial. En effet, les partisans de la sortie du nucléaire eux-mêmes, comme EELV et le PG, sont prisonniers de leur démarche institutionnelle et adossent sans audace leur programme au scénario Négawatt, concocté par l’association du même nom. Malgré Fukushima et le délabrement progressif de nos centrales, Négawatt prévoit toujours un abandon de la production nucléaire en 22 ans minimum ! Comme l’écrivent ses experts, « ce rythme sans être volontariste est le fruit d’un optimum étroit entre les différentes contraintes (..) notamment industrielles et économiques ». Ces « contraintes » sont évidemment celles des capitalistes.
En moins de 10 ans
Le scénario du NPA n’y est pas soumis car nous nous appuyons sur une nécessaire expropriation des grands groupes dont nous dépendons aujourd’hui pour l’ensemble de la production énergétique. Depuis 2010, le NPA propose donc une sortie du nucléaire en moins de 10 ans. Son objectif principal est d’apporter une réponse crédible à l’urgence face aux risques terribles et sans cesse grandissants que nous fait courir cette industrie moribonde. Fukushima nous a hélas donné cruellement raison.
Nous avons souhaité montrer que ce délai serait techniquement tenable, sans sacrifice majeur de notre confort de vie, et tout en réduisant l’émission de gaz à effet de serre. Et cela non seulement en conservant tous les emplois mais en en créant des centaines de milliers d’autres.
Notre scénario s’appuie sur les deux piliers classiques : économies d’électricité et recours massif aux énergies renouvelables.
25 % d’économies en 10 ans, c’est très facilement atteignable. Le Japon a réussi à économiser 15 % d’électricité en moins d’un an après la fermeture de toutes ses centrales. Et sans retour à la bougie !
• 200 à 250 TWH d’électricité renouvelable supplémentaire, ainsi que les moyens de stockage correspondants, en suivant des rythmes d’installation déjà atteints ailleurs (Allemagne, Danemark, etc.)
• Un maintien temporaire de la production thermique actuelle (gaz charbon) qui disparaît progressivement ensuite.
• Une diminution importante de l’émission des gaz à effet de serre grâce au recours à la cogénération.
• Au moins 800 000 emplois créés.
Ce scénario, dont la mise à jour pour 2016 sera prochainement en ligne sur notre site, sera défendu lors des futures actions et campagnes du NPA.