C’est une double mobilisation nationale qui s’annonce en France, mercredi 9 mars. Alors que les cheminots sont massivement en grève à partir de mardi soir pour défendre leurs conditions de travail, les organisations de jeunesse et les syndicats de salariés ont, eux aussi, appelé à manifester mercredi contre le projet de loi El Khomri de réforme du code du travail.
Contesté jusqu’au sein du PS, le texte devait être présenté en conseil des ministres mercredi 9 mars. Mais, malgré un report au 24 mars, le temps pour le gouvernement d’organiser des réunions avec les partenaires sociaux, la mobilisation s’est amplifiée.
1/Le mouvement dans les transports publics
Qui ?
Côté SNCF, les quatre syndicats représentatifs – CGT, UNSA, SUD et CFDT – ont déposé un préavis de grève de mardi 19 heures à jeudi 8 heures.
Côté RATP, la CGT et SUD appellent à la grève de mardi 22 heures à jeudi matin.
Pourquoi ?
Côté SNCF, les syndicats soulignent trois problèmes : d’abord, une gestion « catastrophique » des effectifs, qui se traduit notamment par des TER supprimés aux heures creuses dans plusieurs régions, faute de personnel. Pour 2016, 1 400 suppressions nettes de postes sont encore prévues. Depuis 2003, la SNCF en a supprimé plus de 25 000, avec des départs à la retraite non remplacés.
Outre une hausse des salaires, les syndicats appellent également les cheminots à défendre leurs conditions de travail, au moment où se négocient les futures règles communes au secteur (public-privé, fret-voyageurs), dans le cadre de la réforme ferroviaire votée en 2014.
La première mouture concernant les règles d’organisation (durées de travail, coupures, astreintes, repos, etc.) et les contreparties à la flexibilité exigée des salariés ne satisfont, pour l’heure, aucun syndicat. Le secrétariat d’Etat aux transports s’est donné jusqu’au 15 mars pour amender son projet.
Parallèlement, les négociations pour ajouter, d’ici à juillet, une convention collective commune n’avancent guère. Les syndicats accusent l’Union des transports publics et ferroviaires (syndicat regroupant la SNCF et ses concurrents privés) de jouer « l’immobilisme ».
Les syndicats espèrent une mobilisation aussi forte que la précédente grève unitaire, en juin 2013, contre le projet de réforme ferroviaire. Elle avait été suivie par environ 70 % des conducteurs et contrôleurs, et seules quatre liaisons sur dix avaient été assurées en moyenne.
Côté RATP, CGT et SUD appellent à débrayer essentiellement pour peser sur les négociations salariales annuelles. Celles-ci devaient à l’origine démarrer mercredi mais ont été repoussées de deux jours par crainte, notamment, « de voir une convergence de luttes avec les agents SNCF ».
Les deux syndicats réclament une augmentation du salaire de base (hors prime), après une année de gel en 2015.
Quelle mobilisation ?
De fortes perturbations sont attendues sur le réseau SNCF, tandis que le réseau RATP sera moins affecté.
Côté SNCF, seul un tiers des trains prévus en Ile-de-France, sur les lignes régionales et la plupart des lignes TGV nationales circuleront. Quant aux Intercités, seuls trois sur dix en moyenne circuleront en journée, tandis que ceux de nuit seront tous supprimés.
Le trafic international sera, pour sa part, beaucoup plus proche de la normale, avec notamment 80 % des Eurostar (Grande-Bretagne), 100 % des Thalys (Belgique) et trains Alleo (Allemagne).
Côté RATP, un trafic quasi normal est attendu sur le RER A. Le RER B sera plus perturbé, avec un train sur deux entre Gare-du-Nord et Saint-Rémy-lès-Chevreuse - Robinson et un train sur quatre entre Gare-du-Nord et Aéroport-Charles-de-Gaulle.
Le métro parisien devrait rouler normalement. Quant aux bus et tramways, le trafic sera légèrement perturbé. A Paris, un « grand rassemblement » à 10 heures est prévu à l’initiative de la CGT au siège de la RATP (12e arrondissement).
2/La mobilisation contre le projet de loi El Khomri
Qui ?
Plusieurs acteurs ont appelé à la mobilisation mercredi. D’abord, les organisations de jeunesse, dont le premier syndicat étudiant, l’UNEF, mais également de nombreux militants syndicaux, associatifs et des universitaires. Côté politique, Europe Ecologie-Les Verts appelle à manifester partout où des défilés sont organisés.
Enfin, huit syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF et côté lycéens le SGL, l’UNL et la FIDL) encouragent leurs troupes à participer aux différentes initiatives. Les mêmes appellent aussi à manifester et à faire grève le 31 mars pour demander le retrait du projet.
En revanche, le front syndical s’est fissuré : les syndicats dits « réformistes » (CFDT, CFE-CGC, CFTC, UNSA) et la FAGE (étudiants) ne se sont pas associés à ces actions, préférant des rassemblements distincts, prévus le 12 mars. Ils réclament néanmoins des modifications « en profondeur » du projet.
Pourquoi ?
Trois points majeurs suscitent l’ire des syndicats :
– le plafonnement des indemnités prud’homales – entre trois et quinze mois de salaire selon l’ancienneté – en cas de licenciements abusifs ;
– les règles encadrant les licenciements économiques, qui prévoient notamment qu’une entreprise n’ait à démontrer des difficultés que sur le sol français, et non plus au niveau du groupe, pour pouvoir y recourir ;
– le renforcement du pouvoir de décision unilatéral de l’employeur sur l’augmentation de la durée hebdomadaire de travail (jusqu’à quarante heures), ou encore, dans les entreprises de moins de 50 salariés, pour l’instauration de forfaits jours et la modulation du temps de travail sur seize semaines.
Quelle mobilisation ?
De nombreux rassemblements sont prévus en régions. Les initiateurs de la pétition « Loi travail : non, merci ! » – qui a dépassé vendredi 4 mars le million de signataires en deux semaines – recensaient, lundi 7 mars, environ 200 rendez-vous, dont une cinquantaine d’assemblées générales dans les universités.
Dans plusieurs entreprises ou secteurs, des syndicats ont appelé les salariés à « participer massivement aux différentes manifestations », notamment la CGT-Air France, la fédération CGT des services publics (fonctionnaires territoriaux), la CGT-Commerce, SUD-PTT, une intersyndicale des praticiens hospitaliers, etc.
Côté enseignants, le SNES-FSU, premier syndicat du secondaire, a appelé à « rejoindre les manifestations et initiatives », comme CGT Educ’action.
A Paris, deux principaux rendez-vous sont prévus :
– 12 h 30 : manifestation au départ du siège du Medef (7e arr.) en direction du ministère du travail, à l’initiative des syndicats régionaux Ile-de-France CGT, FO, FSU et Solidaires et des organisations étudiantes et lycéennes. Le Syndicat de la magistrature s’y joint également ;
– 14 heures : rassemblement place de la République. Ce rendez-vous est soutenu en premier lieu par les organisations de jeunes. La CGT d’Ile-de-France appelle ses militants à s’y rendre à l’issue de la première manifestation.