D’où venaient les agresseurs de la nuit de la Saint-Sylvestre, à Cologne ? Ulrich Bremer, le procureur général de la ville, est formel : « L’écrasante majorité » des agresseurs qui ont été arrêtés sont arrivés en Allemagne « au cours de l’année 2015 », a-t-il indiqué au Monde, mercredi 17 février.
Citant les chiffres les plus récents, le procureur fait état de 1 088 plaintes enregistrées jusqu’ici par la police, dont 470 agressions sexuelles et 618 plaintes pour vols, coups et blessures. En tout, 73 personnes ont été mises en examen. Parmi elles, le parquet a pu identifier 30 Marocains, 27 Algériens, 3 Tunisiens, 1 Libyen, 1 Iranien, 4 Irakiens, 1 Monténégrin, 3 Syriens et 3 Allemands. « Les prévenus étrangers ont, dans leur très, très grande majorité, rejoint l’Allemagne au cours de l’année 2015. Soit ils sont arrivés illégalement dans le pays, soit ils sont demandeurs d’asile. Il n’est pas juste de dire qu’il s’agit de personnes installées depuis longtemps en Allemagne », souligne le procureur.
« Réfugiés économiques »
M. Bremer fait état d’un nombre important d’appels, reçus ces derniers jours, de journalistes de la presse non allemande troublés par un article du journal britannique The Independent, daté du 15 février, selon lequel « seuls 3 réfugiés » figuraient parmi les suspects des agressions de la nuit du Nouvel An à Cologne.
« Le journal a sans doute uniquement considéré comme “réfugiés” les personnes originaires de pays en guerre, comme l’Irak et la Syrie, explique le procureur. Mais il est difficile de faire la différence. Les personnes venues du Maroc ou d’Algérie sont aussi dans une certaine mesure des réfugiés, des réfugiés économiques. »
Par ailleurs, les personnes interpellées ayant le droit de garder le silence, « il peut être très difficile de déterminer les origines exactes, de savoir où les personnes ont vécu et par où elles sont passées », ajoute M. Bremer. En Allemagne, aucune polémique sur le statut exact des auteurs des agressions n’a émergé dans la presse.
A Cologne, 130 fonctionnaires sont actuellement affectés à l’enquête sur les agressions du Nouvel An, ainsi que 4 procureurs généraux. Sur les 73 mis en examen, 12 sont soupçonnés d’agression sexuelle, 15 sont en détention provisoire, dont un seul pour le motif d’agression sexuelle. « Cela peut paraître peu, mais il faut comprendre qu’il est plus facile de rassembler des preuves pour un vol que pour une agression sexuelle », explique le procureur. Des contrôles de police ont permis de récupérer les objets volés, essentiellement des téléphones portables, dont certains avaient déjà été revendus. « Il est beaucoup plus compliqué d’identifier les auteurs d’agression sexuelle. Les femmes ont témoigné avoir été agressées par des groupes d’hommes. Etant donné le faible éclairage des lieux du drame ce soir-là, les victimes ont du mal à reconnaître leurs agresseurs. »
« Une grande fête »
Jamais la ville de Cologne n’avait connu une telle vague d’agressions en si peu de temps, « et je pense qu’on peut dire également que cela ne s’était jamais produit non plus en Allemagne », précise M. Bremer. Selon une enquête du Süddeutsche Zeitung, qui s’appuie sur un rapport interne de la police criminelle, des agressions du même type ont été observées la nuit du Nouvel An dans douze régions allemandes, la plupart en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, mais également à Hambourg et, avec quelques cas seulement, dans dix autres régions. Interrogé par le journal Die Welt, le président de la police de Cologne a assuré qu’aucun signe ne permettait de penser qu’une forme de criminalité organisée ait été à l’œuvre ce soir-là. Les hommes présents sur la place se seraient rassemblés par le biais des réseaux sociaux : « Quelques-uns ont lancé : “Nous allons à Cologne, il paraît qu’il y a une grande fête là-bas” », explique-t-il.
La police locale dispose pour son enquête de 300 récits de témoins et d’un stock de 868 heures de vidéos. La plus grande partie de ce matériel n’a donc pas été analysée. « L’enquête va encore prendre des mois », conclut le procureur de Cologne. Trop tôt, donc, pour tirer des conclusions définitives sur les véritables auteurs des agressions de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne.
Cécile Boutelet (Berlin, correspondance)
Journaliste au Monde