Jeudi 7 janvier 2016, les forces de répression ont réprimé dans le sang les professeurs/res stagiaires dans plusieurs villes du pays. L’intervention la plus violente a eu lieu à Inezgane [1] dans le sud du pays.
Les professeur.e.s stagiaires ont organisé des marches dans six villes dans le cadre de leur bataille pour la suppression deux décrets ministériels.
– Le premier réduit de moitié la valeur de la bourse.
– Le second met un terme à l’accès à la Fonction publique des diplômés de l’Institut de formation des enseignants, comme c’était le cas dans le passé.
Près de trois mois de lutte n’ont valu que l’indifférence et le mépris total des autorités envers les revendications légitimes du mouvement des professeurs/res stagiaires. Les seules réponses ont été l’envoi des forces de répression pour assiéger les manifestant.e.s et les réprimer violemment, ou le recours au dénigrement médiatique pour miner leur unité et leur détermination.
Le 7 janvier 2016 a confirmé une réalité :
– la réponse de l’Etat aux aspirations des jeunes concernant la sauvegarde de leurs droits et la préservation de leurs acquis historiques ne sera que la répression,
– cet Etat obéit aux diktats des institutions financières internationales qui ordonnent la mise en œuvre de politiques de coupes dans les transferts sociaux, de démantèlement des services publics et de gel des recrutements.
L’Etat vise à démanteler directement la Fonction publique en recourant à la politique qui consiste à « diviser pour régner ». Il a ciblé en premier les étudiant.e.s en médecine en vue de les priver d’emploi après l’obtention du diplôme.
Et le voilà en train d’essayer la même chose avec les professeurs/res stagiaires.
Ensuite, ce sera dans l’avenir au tour d’autres catégories des travailleurs du secteur public, l’objectif principal étant d’imposer le travail contractuel dans la fonction publique et le démantèlement de tous les acquis y afférents. C’est le même but visé à travers la soi-disant réforme des systèmes de retraite des fonctionnaires.
Les professeurs/res stagiaires ont réussi à gagner la sympathie et la solidarité populaire avec leur combat. Il est cependant très regrettable que les centrales syndicales ne daignent même pas remplir leur devoir de soutenir leur cause.
Néanmoins une agitation positive s’est fait sentir dans les bases syndicales, parmi les travailleurs de l’enseignement et au-delà : solidarité en portant l’emblème du mouvement, par le soutien financier et par des arrêts de travail et des rassemblements de protestation... Une solidarité qui reste toujours insuffisante, mais est très importante… si elle arrivait à s’élargir et être coordonnée aux niveaux régional et national, elle serait très bénéfique pour la bataille contre les deux décrets abjects.
Mais faites attention professeurs/res stagiaires à ce qui se passe dans la profondeur de la société. Là se trouve un réservoir de la lutte, de la solidarité et du soutien dont a besoin votre combat. N’hésitez pas à vous y investir car il est de votre intérêt de vous impliquer dans toutes les luttes et protestations syndicales contre les politiques de l’Etat.
Il est très nécessaire et très utile que la coordination nationale des professeurs /res stagiaires appelle, à travers la mobilisation des centres proches de la capitale, à faire du rassemblement des syndicats devant le Parlement le 12 janvier une occasion de réitérer et de souligner leurs revendications et de protester contre la répression et l’indifférence des autorités.
En plus d’appeler à constituer des comités de soutien locaux, régionaux et nationaux, la coordination nationale peut adresser un appel direct aux sections syndicales de l’enseignement et à tous les autres syndicats afin d’agir ensemble et de mettre en œuvre de véritables étapes de lutte qui soutiennent cette la bataille. Et faire de même pour le mouvement étudiant, le mouvement des chômeurs et autres.
Par ailleurs il est très important que les professeurs/res stagiaires ne prêtent pas attention aux appels qui vont leur demander de revenir par exemple sur la décision de boycotter les cours, ainsi qu’à tous les appels qui vont les affaiblir et les décourager.
Ils ne doivent pas non plus accepter d’arrêter le combat dans n’importe quelle condition en vue de négocier, ou chercher des médiations. Tout ce qu’ils/elles ont à faire — étant donné que leurs revendications sont claires et qu’ils sont déterminés à aller jusqu’au bout —, c’est plus de lutte et de résistance, et chercher comment transformer la sympathie populaire en une sympathie de terrain tangible.
La bataille des professeurs/res stagiaires se trouve à un moment décisif, et le devoir des directions syndicales et leur raison d’être c’est d’appeler à la solidarité effective, tout au moins à une grève dans le secteur de l’enseignement susceptible d’être prolongée.
Syndicalistes, partisans de la construction combative des syndicats en tant qu’organisations de lutte de classe, prenez l’initiative et n’hésitez pas à fournir toutes les formes de solidarité et de soutien envers la bataille contre les décrets du ministère de tutelle, qui est en fait une bataille contre le démantèlement du service public et contre la privatisation de l’éducation... et qui est aussi au centre des tâches du mouvement syndical et sa raison d’être. Le premier devoir de solidarité exige de vous de lancer en urgence une campagne de soutien financier afin de consolider la résistance des professeurs/res stagiaires, et leur permettre de réussir leurs actions de lutte, notamment celles qui nécessitent des déplacements.
Hamid Al-Othmani, professeur stagiaire