Ne faut-il pas s’engager à combattre Daesh, l’Etat Islamique (IS) auto-proclamé, cette organisation du terrorisme déchainé ? Cela semble couler de source, même si les intérêts économiques et géopolitiques réels de toutes les puissances engagées pèsent bien plus lourd que les arguments d’ordre moral. L’Allemagne prendra part au conflits armés dans la Syrie meurtrie, même si c’est de manière assez retenue jusqu’à nouvel ordre. Mais il s’agit quand-même d’un tournant du gouvernement d’Angela Merkel et de sa grande coalition du CDU/CSU (chrétiens conservateurs) et du SPD (parti social-démocrate). En 2011, l’Allemagne n’avait pas participé à l’intervention contre le régime de Kadhafi en Libye, et, en Irak, elle ne participe au conflits armés qu’indirectement, en livrant des armes et des formateurs aux peshmergas kurdes. Maintenant, cette activité deviendrait « plus musclée » d’après des déclarartions gouvernementales récentes.
L’Allemagne compte envoyer une demi-douzaine d’avions de chasse Tornado pour des missions de reconnnaissance, un avion ravitailleur ainsi qu’une frégate et à peux près 900 soldats (le gouvernement s’est fait mandaté d’en envoyer jusqu’à 1200 sans nouveau mandat si nécessaire). Certes, l’aviation allemande ne participera pas de manière directe aux bombardements, mais elle aidera l’aviation des autres pays engagés comme la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis à bombarder des cibles attribués à l’IS en livrant des images et des moyens logistiques. L’Allemagne ne livrera pas ces informations à la Russie en donnant la raison que celle-ci déclare ouvertement d’attaquer non seulement l’IS, mais toutes les forces armées s’opposant au régime de Bashar al-Assad. L’activité des avions allemands ne sera pas sans risque pour les pilotes-soldats, car ils auront à voler à basse altitude – à la portée d’artillerie portable - pour produire des informations visualisées de qualité suffisante.
En envoyant des soldats allemands et une machinerie militaire allemande même modeste participer à la coalition contre l’organisation de l’Etat islamique (EI) en Syrie, la chancelière allemande Angela Merkel, soutenue par sa majorité parlementaire du CDU/CSU (chrétiens-conservateurs) et du SPD, parti social-démocrate, renoue objectivement avec les traditions de l’impérialisme allemand. C’est depuis longtemps que les politiciens de da politique établie en Allemagne s’empressent à habituer la population allemande à l’idée de l’engagement de soldats de la Bundeswehr partout dans monde, même si c’est en contradiciton flagrante avec le Grundgesetz, la loi constitutionelle en Allemagne, qui interdit toute action militaire en dehors des motifs défensifs de sauvegarde du pays en vue d’une aggression contre le territoire allemand. En bas de l’article je donnerai des éléments de réflexion sur les motifs poussant le pouvoir politique allemand à renforcer ses engagements militaires internationaux.
Au Bundestag, le parlement allemand au niveau fédéral, la motion du gouvernement a obtenue une assez large majorité le 4 décembre : 445 députés ont voté pour, 146 contre, et il y a eu 7 abstentions. Sauf les fractions d’opposition du parti Die Linke (La Gauche) et des Grünen (les Verts) il n’y avait que 13 députés du SPD et un du CDU qui avaient annoncé de voter contre la motion. Dans les sondages d’opinion on peut voir qu’une frèle majorité de la population allemande reste opposée aux engagements militaires de la Bundeswehr (de l’armée allemande) – mais en février c’était encore une majorité de 68%, puis en début du mois de décembre, 54% : Maintenant, cette majorité semble basculer. Cela serait une nouvelle étape dans le chemin entrepris par la politique établie en Allemagne pour « normaliser » encore plus la situation d’une Allemagne qu’elle veut dépouiller des dernières contraintes liées aux crimes des Nazi et à la défaite de l’Allemagne dans la Deuxième guerre mondiale.
Si, en Afghanistan, il s’agissait aussi de « défendre les intérêts allemands » d’après les déclarations officielles, maintenant, d’après la ministre de défense du gouvernement d’Angela Merkel, Ursula von der Leyen (CDU), il s’agit d’une part de la „solidarité“ avec d’importants alliés comme la France (frappée par le terrible attentat de Paris) et la Grande Bretagne, mais également encore une fois de la „défense des intérêts allemands“ en Syrie. Ursula von der Leyen ainsi que le ministre des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier SPD)parlent de l’objectif d’obtenir la défaite complète de l’IS, même s’il faudrait une dixaines d’années pour y parvenir ! Les moyens qu’ils invoquent pour y arriver incluent la violence militaire, même s’ils ne parlent pas de « guerre » comme les chefs de gouvernement français Hollande, états-unien Obama ou britannique Cameron. Les autres moyens seraient les négociations entre les puissances globles et régionales, en incluant le gouvernement russe de Poutine, ainsi que le désèchement des sources financières de l’IS.
Ces éléments de stratégie sont en partie contratictoires et d’autre-part incomplets. Tout le monde est par exemple d’accord pour dire qu’il est impossible de battre l’IS sans un déploiement massif de troupes au sol. Mais ce genre d’intervention reste un tabou. Pourquoi alors multiplier encore les victimes – et les victimes civils – de ce conflit sanglant, si une victoire est impossible en se limtitant à des frappes aériennes ou d’artillerie ? Est-ce que cette « ligne rouge » pourrait-être dépassée les prochains mois, et au prix de combien de morts ? Deuxièmement, pour « dessécher » les sources financières de l’IS, ne faudrait-il pas une intervention diplomatique forte pour faire pression sur le gouvernement turc d’Erdogan ? Mais là, le gouvernement allemand a d’autres chats à fouetter : il veut la bienviellance d’Erdogan pour qu’il retienne dans son pays les deux millions de réfugiés syriens qui aimeraient bien venir en Europe de l’Ouest, et beaucoup d’eux en Allemagne. Troisièmement, pour la Russie, les puissance de l’Ouest devraient garantir sa présence en Syrie avec sa base militaire, pour obtenir en contrepartie que Poutine laisse tomber son allié Bashar al-Assad. Mais même une solution de ce genre ne signifirait ni la fin du régime dictatorial d’Assad (même sans Assad) ni la fin des raisons pour la radicalisation « fondamentalistes » et l’afflux de jeunes recrues à l’IS et aux autres groupes armés islamistes.
Une autre contradiction est évidemmant que l’Allemagne soutient les peshmerga, mais pas les forces d’auto-défense du Rojava ou les forces armées du PKK « terroriste » – là encore, c’est le partenariat avec la Turquie d’Erdogan au sein de l’OTAN qui prime. Et la probabilité d’attentats en Europe, aux Etats-Unis etc., elle monte plutôt avec encore plus d’interventions guerrières au moyen-orient – et les terroristes, très souvent, ne sont pas « envoyés » par l’IS, mais des citoyens européens ou étatsuniens attirés ou recruté par l’IS, agissant souvent sans ordre concret.
La « guerre contre la terreur », jusqu’à aujourd’hui, n’a aucunement endigué le terrorisme, bien au contraire. Les innombrables vicitmes des interventions et des bombardements dans les régions du monde concernées créent dans une large partie de leurs populations le sentiment de vivre une guerre sans merci de l’Occident – et de la Russie – contre l’Islam en tant que religion et culture, et aussi contre les laissés-pour-compte d’un ordre mondial profondément injuste. Après les révélations récentes de pilotes de drônes états-uniens déclarant qu’ils avaient l’ordre explicite de massacrer des civils « pour produire encore plus de terroristes », cet effet ne peut que se renforcer. Il faut aussi rappeler et répéter que ce sont des officiers du régime Baath de Saddam Hussein iraquien défait par l’intervention menée par les Etats-Unis, frustrés par l’installation d’un régime shiite sectaire en Irak promu par ces mêmes Etats Unis, qui sont au cœur des capacités militaro-stratégiques de l’IS. Il faut aussi rappeler que l’Allemagne est un fournisseur d’armes important (elle livre même des armes à la monarchie wahabite de l’Arabie saoudite qui ressemble à certains égards assez bien à un IS au pouvoir) et que toutes les fractions armées dans les conflits en Syrie se servent d’armes allemandes.
Pour les motifs du gouvernement allemand d’Angela Merkel, l’idée la plus importante, c’est à mon avis de consolider et de renforcer le rôle dirigeant de l’Allemagne au sein du l’UE. Les accords de Lisbonne contiennent le devoir de soutien militaire mutuel pour les pays membre. Dans le domaine de la politique économique, des actions de sauvetages pour les banques, de l’imposition de politiques d’austérité féroces, l’Allemagne avait obtenu un rôle dirigeant très marqué. Dans le domaine des politiques vis-à-vis des réfugiés, le gouvernement allemand n’a presque rien obtenu des autres pays de l’UE en matière de « distribution équitable » des réfugiés.
Dans le domaine des interventions militaires, l’Allemagne se range bien loin derrière la France et l’Angleterre, et sans livrer un apport plus important dans les actions militaires contre l’IS à partir de maintenant, le rôle de l’Allemagne en tant que puissance de premier plan au sein de l’UE aurait probablement été affaiblie. Il faut ajouter à cela que les Etats-Unis viennent de déclarer que l’engagement de l’Allemagne dans ce conflit serait encore bien trop faible. Il semble donc que la pression des alliés soit un facteur important pour les modifications actuelles de la politique militaire allemande.
Manuel Kellner