Deux girafes qui s’acoquinent ici. Là, ce sont deux baleines qui
s’accouplent. Plus loin, deux libellules qui se butinent. A priori
familières, ces scènes de tendresse choquent pourtant certains
esprits. Leur particularité : elles mettent toutes en scène des
animaux... du même sexe.
Bousculant préjugés et tabous, le musée d’Histoire naturelle d’Oslo
présente actuellement une exposition sur l’homosexualité animale, la
première au monde consacrée à ce sujet, assurent ses concepteurs. «
Les personnes homosexuelles étant souvent confrontées à l’argument
selon lequel leur mode de vie va à l’encontre des principes de la
nature, nous avons pensé qu’en tant qu’institution scientifique,
nous pouvions montrer que ce n’est pas le cas », explique à l’AFP
Geir Soeli, l’organisateur de l’exposition. « On peut penser ce
qu’on veut des homosexuels mais on ne peut pas utiliser cet argument
parce que l’homosexualité est très naturelle et très répandue dans
le royaume des animaux », ajoute-t-il.
Du scarabée au cygne en passant par des animaux à l’image plutôt «
macho », tels le lion ou le cachalot, des cas de comportements
homosexuels ont été détectés au sein de quelque 1 500 espèces.
Intitulée « Contre nature ? », l’exposition en présente quelques
exemples à partir de photos et de reconstitutions.
Sur un cliché, deux bonobos adultes et femelles batifolent,
stimulées par un jeune mâle. Ces primates pacifiques – les plus
proches de l’homme avec qui ils partagent environ 99 % du patrimoine
génétique – utilisent le sexe comme un moyen de réduire
l’agressivité au-delà des barrières d’âge et de genre.
Isolée, épisodique ou régulière, l’homosexualité ou la bisexualité
animale sert différentes fins. Un mouflon mâle peut être exclu du
troupeau s’il se refuse à d’autres mâles. « Il lui faut donc
s’accoupler avec ses petits camarades pour être accepté. Et en étant
accepté, il se construit un réseau social très important qui lui
donnera un plus large accès aux femelles ultérieurement », affirme
Geir Soeli.
En concubinage
Chez les cygnes et les flamants, il arrive que deux femelles vivent
en concubinage. « L’une des deux peut avoir une petite aventure avec
un mâle qui fertilise ses œufs et puis les deux femelles éduquent
ensemble leurs oisillons. Comme une famille », ajoute le chercheur.
Dans le cas de certains oiseaux, des mâles, qui disposent d’un plus
grand territoire que les femelles, s’installent parfois en couple
pour contrôler une aire géographique élargie, ce qui a aussi pour
effet d’accroître leur attrait aux yeux des femelles.
Les premières observations écrites d’homosexualité animale remontent
à Aristote, le philosophe grec qui, plus de trois siècles avant
Jésus-Christ, avait été intrigué par l’attitude équivoque d’hyènes
mâles entre elles. Le sujet a ensuite été ignoré pendant de longs
siècles, les cas d’accouplements homosexuels étant en général
pudiquement considérés comme des rituels de combat entre mâles. «
Ils n’étaient pas décrits comme une activité homosexuelle en tant
que telle, comme une pulsion de désir », commente Geir Soeli. « Mais
les animaux ont des instincts très forts (...) Peut-être
s’accouplent-ils tout simplement parce que c’est agréable », ajoute-
t-il.
Si les enfants des écoles traversent sans broncher la salle du musée
d’Histoire naturelle, l’exposition a en revanche fait froncer des
sourcils dans les milieux chrétiens conservateurs. Un pasteur de
l’Église luthérienne a souhaité à ses concepteurs de « brûler en
enfer ». Un autre de l’Église pentecôtiste a estimé que l’argent des
contribuables aurait été plus utile à aider les animaux à corriger «
leurs perversions et leurs déviances ».