Quel regard portez-vous sur les campagnes électorales, présidentielle et fédérales ?
Orlando Fantazini - Les campagnes ont été marquées par l’achat de votes et les pratiques clientélistes. Dans l’ensemble, c’était très peu politique : au cours des débats, on ne discutait pas des projets et des perspectives pour le pays. D’autre part, Lula a bien redoré l’image de son gouvernement, grâce à l’assistance aux pauvres - la « bourse famille » -, en faisant passer l’idée de classe : il se proclame candidat des pauvres, qui combat « l’élite », comme il appelle les couches moyennes. Ainsi, au Brésil, les plus pauvres considèrent ces couches moyennes comme des adversaires, alors que celles-ci, victimes de différentes contre-réformes, ont été les plus pénalisées par le gouvernement Lula. Lula finit donc par gagner les couches pauvres, qui reçoivent quelques miettes, et qui s’en satisfont puisqu’elles n’ont jamais rien eu. La réalité, c’est qu’il s’agit d’un gouvernement qui a uniquement travaillé pour favoriser les intérêts du capital spéculatif, des banquiers et de l’élite. Mais le peuple ne s’en rend pas compte, car l’élite, contrairement aux couches moyennes, est très distante de lui. Ainsi, les plus modestes optent pour la stratégie du « moins pire », en faveur d’un gouvernement qui dit combattre les « riches » et afin d’éviter le retour du PSDB [Parti social-démocrate brésilien].
En quatre ans de gouvernement, qu’ont donc fait le Parti des travailleurs (PT) et son chef de file, Lula ?
João Alfredo - Ce gouvernement n’est pas seulement au service de la bourgeoisie : il a approfondi la politique du gouvernement précédent, celui de Fernando Henrique Cardoso, en convertissant la quasi-totalité de la dette externe en dette interne, dont les taux d’intérêts, très élevés, ne font qu’augmenter la dette... Si, pendant huit ans, le gouvernement Cardoso a payé entre 50 et 60 milliards de reais [entre 18,7 et 22,4 milliards d’euros] par an au titre du paiement des intérêts, cette moyenne est passée à 150 milliards de reais [56 milliards d’euros] sous le gouvernement Lula. Ainsi, en trois ans, le gouvernement Lula a reversé 455 milliards de reais [170 milliards d’euros] au paiement des intérêts de la dette, alors que, dans le même temps, seulement 40 milliards de reais [15 milliards d’euros] ont été attribués au programme « bourse famille ». Ce programme bénéficie d’ailleurs à 10 millions de familles, tandis que seulement 20 000 familles profitent du remboursement des intérêts.
Comment de telles mesures ont-elles pu s’imposer ?
João Alfredo - Le gouvernement Lula a pu mener ces contre-réformes parce qu’il n’a rencontré aucune résistance de masse, le PT amortissant les tensions. Aussi, la direction de la CUT [la principale centrale syndicale, NDLR] est à la remorque du gouvernement. Elle n’a pas mobilisé pour l’augmentation du Smic ou contre la réforme des retraites. Par ailleurs, des luttes très dures pour la terre ont eu lieu, avec beaucoup de morts, et la violence dans les campagnes n’a pas diminué... Le gouvernement n’a pas eu recours directement à la répression, mais il n’a pas empêché la violence des milices armées des grands propriétaires.
Quelles sont les perspectives pour le Psol ?
Orlando Fantazini - Nous pouvons nous consolider en tant qu’opposition de gauche au PT. Si nous réussissons à faire du Psol un parti de masse, socialiste, radical, nous pouvons devenir une alternative à gauche. Le rôle d’Enlace [tendance au sein du Psol liée à la IVe Internationale, NDLR] est très important. Étant présents dans presque tous les États de la fédération, nous pouvons contribuer à la massification du Psol.