La Cimade a été fondée en 1939 au sein des mouvements de jeunesse protestants. De sa mission initiale auprès des « évacués » de l’Alsace-Lorraine fuyant l’avancée nazie, elle a conservé son nom (dont la signification d’origine est « Comité Inter-Mouvements Auprès Des Evacués »), mais aussi un lien avec le monde protestant et surtout une fidélité aux valeurs et aux engagements de ses fondateurs.
Depuis plus de soixante ans, La Cimade a adapté son action aux enjeux de l’époque. Elle s’est engagée auprès des juifs menacés, a œuvré ensuite pour la réconciliation franco-allemande, s’est impliquée auprès des peuples du Sud en lutte pour l’indépendance et la décolonisation.
A partir de la fin des années 70, La Cimade s’implique de plus en plus en réaction aux projets de loi réduisant les droits des immigrés. La grève de la faim en 1981 et la marche pour l’égalité et contre le racisme renforcent le positionnement politique de l’association. Fidèle à ses principes, La Cimade entre dans les centres de rétention en 1984, pour y venir en aide aux étrangers reconduits. Tout au long de son histoire, la Cimade est restée un mouvement engagé sans se satisfaire d’une simple posture caritative.
Les origines : les années 30 et la seconde guerre mondiale
Dans les années 30, l’Europe est en détresse. L’œuvre perverse du nazisme atteint des sommets. La pensée protestante, en France comme en Allemagne, n’est pas inactive devant les prémices de la tragédie.
Roland de Pury, pasteur à Lyon, analyse en juillet 1933 dans la revue Foi et Vie « la crise de l’Eglise allemande et la révolution nationale-socialiste. »
Les synodes protestants de Barmen (près de Wuppertal), en 1934, poussent un cri de détresse et s’élèvent contre une prédication de l’Église aux ordres de l’Etat et contre la mise au pas du protestantisme allemand avec le slogan « un peuple, un empire, un chef. »
Martin Niemöller, à l’origine de l’Église confessante en Allemagne, écrivait en 1935 : « Lorsqu’ils ont arrêté les communistes, je n’ai pas élevé la voix ; lorsqu’ils ont interné les juifs, j’ai gardé le silence ; lorsqu’ils s’en sont pris aux sociaux-démocrates, je me suis tu … Lorsqu’ils sont venus me prendre, il n’y avait plus personne pour me défendre. » Il est mis à la retraite par le pouvoir et milite ensuite en faveur de la paix.
Dietrich Bonhœffer, pasteur et théologien protestant, lutte dès 1933 contre « la clause aryenne » qui exclut de la communauté ecclésiale les Chrétiens d’origine juive. Il est exécuté par les nazis en 1943. Sa théologie est centrée sur le rôle du Chrétien dans un monde sécularisé.
Le pasteur Marc Bœgner, Président de la Fédération protestante depuis 1929, axe ses conférences de Carême en 1939 sur le thème « L’Evangile et le racisme. » Il prit la défense des juifs auprès du gouvernement de Vichy : Pétain, Darlan, Laval… Il fut coprésident du Conseil Œcuménique des Églises.
Le pasteur Pierre Maury, Président de la « Fédé » (Fédération Française des Associations Chrétiennes d’Etudiants), écrivit : « Si les jours viennent où les exigences de l’État français sont inacceptables, souvenez-vous qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. »
En juillet 1939, se tient la Conférence mondiale de la jeunesse chrétienne à Amsterdam. De nombreuses rencontres œcuméniques, internationales, ouvertes sur les questions sociales, suivent. Les jeunes chrétiens protestants sont nourris par le débat intellectuel et le partage des idées avec le mot d’ordre de Karl Barth « la journée doit commencer avec une Bible dans une main et le journal dans l’autre. »
Karl Barth écrit en décembre 1939 une Lettre aux protestants de France : « Si Jésus soutient, console et encourage son Église, c’est pour qu’elle soit son témoin. C’est précisément en vue de ce témoignage que la grâce lui est faite de voir. Elle ne saurait donc se contenter d’observer les évènements de façon passive, bouche bée. Si la communauté chrétienne gardait le silence et si elle observait le cours des évènements en simple spectatrice, elle perdrait sa raison d’être. »
Septembre 1939 voit l’invasion de la Pologne et l’entrée de la France dans la guerre. Suzanne de Dietrich, Secrétaire générale de la FUACE (Fédération Universelle des Associations Chrétiennes d’Étudiants) présenta un rapport sur ce que vivaient les alsaciens lorrains évacués dans les départements du centre et du sud de la France. Elle s’adressa au Comité Inter-Mouvements de jeunesse (le CIM), réunissant Éclaireurs Unionistes, Unions Chrétiennes de Jeunes Gens et de Jeunes Filles et Fédé, en vue de « témoigner de l’amour du Christ. »
Le 18 octobre 1939, à Bièvres, les dirigeants du CIM, créent la CIMADE (Comité Inter-Mouvements Auprès Des Evacués) pour venir en aide, notamment, aux populations évacuées d’Alsace et de Lorraine, au nombre de 200.000 environ. Des équipes sont constituées (d’où le terme d’équipiers encore en usage aujourd’hui) qui accomplissent un travail à la fois d’évangélisation et social auprès des évacués alsaciens. Madeleine Barot, appelée et soutenue par Marc Bœgner, est Secrétaire générale de la Cimade, pendant toute la durée de la guerre et au-delà, Violette Mouchon (Commissaire nationale EU) étant présidente.
La Cimade entre dans les camps puis organise une résistance
Le régime nazi développe le système de l’internement administratif des juifs et des ennemis du régime. Plus de 40 000 internés (juifs étrangers notamment et réfugiés politiques opposants au régime nazi) sont recensés dans les camps d’internement et centres d’accueil du Ministère du travail dès 1940 : Gurs, Agde, Argelès, Rivesaltes, Aix, Brens… . La Cimade entra dans les camps. Elle s’y occupait des problèmes matériels comme des besoins psychologiques et spirituels. Dans les camps, « l’activité culturelle et cultuelle surgissait comme une protestation de vie. »
En novembre 1942, les forces allemandes franchissent la ligne de démarcation. Le Comité de La Cimade ne peut plus se réunir. La Cimade passe alors d’une présence de solidarité à la résistance. Elle camoufle des gens, aide à traverser des frontières et constitue des états civils et des faux papiers. Un petit secrétariat est organisé 47 rue de Clichy. Madeleine Barot, énergique, organisatrice, crée un réseau de partenaires (Quakers, Croix-Rouge, …) avec lequel elle négocie la création de centres d’accueil de la Cimade pour sortir des internés des camps et les sauver de la mort : Le Coteau fleuri au Chambon-sur-Lignon (avec les pasteurs Trocmé, Theiss), le foyer Marie Durand à Marseille, le foyer YMCA de Toulouse, et d’autres encore dans le Tarn ou près de Tarascon. Suzanne de Dietrich et le pasteur Visser’t Hooft (Secrétaire général du CŒ) organisent des rencontres et La Cimade apporte son témoignage de réalités occultées et difficiles à appréhender. Cela conduit aux thèses du groupe de Pomeyrol en 1942, traitant notamment, des rapports de l’Église et de l’État, du respect des libertés individuelles, de l’antisémitisme. « Tout en acceptant les conséquences matérielles de la défaite, l’Église considère comme une nécessité spirituelle la résistance à toute influence totalitaire et idolâtre. »
En juillet 1942 a lieu la rafle du vélodrome d’hiver. Il faut faire du chiffre ! La Cimade organise des évasions vers la Suisse, en relation avec le Conseil Œcuménique des Églises en création à Genève.
En novembre 1942, La Cimade installe son siège à Valence.
De nombreux villages alsaciens, presque entièrement protestants, sont accusés d’être pro-allemands. C’est le cas d’Oberhoffen où quatre baraques sont installées pour loger des familles et les équipiers Cimade.
« Ce n’est pas la charité que nous avons exercée pendant la guerre, du moins pas seulement ; nous avons voulu exprimer notre solidarité avec les victimes. » (Madeleine Barot).
S’engager auprès des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés
11 septembre 2015
Depuis début septembre [2015], un élan de solidarité citoyenne anime de nombreuses personnes qui souhaitent s’engager auprès des réfugiés. Cette prise de conscience a précédé la timide réaction des pouvoirs publics. Les mouvements de population exceptionnels de ces derniers mois sont inédits et nous sommes en présence d’une crise politique.
Vous êtes très nombreux à désirer soutenir les actions que La Cimade développe depuis 75 ans auprès des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés.
Ce que fait La Cimade
Nos actions s’adressent chaque année à près de 100 000 personnes accueillies dans nos 131 permanences juridiques partout en France métropolitaine et Outre-mer. 85 groupes locaux se mobilisent dans 13 régions. La Cimade intervient aussi dans 77 établissements pénitentiaires et dans 13 centres et locaux de rétention administrative pour aider les personnes menacées d’expulsion, parmi lesquelles il y a régulièrement des demandeurs d’asile primo-arrivant.
La Cimade héberge aussi près de 200 réfugiés et demandeurs d’asile dans ses centres de Massy et de Béziers.
L’accompagnement quotidien passe par la mise en œuvre de la défense des droits fondamentaux des personnes étrangères : démarches administratives, contentieux, accès aux droits sociaux, apprentissage du français, etc.
Plus de 700 actions de sensibilisation se traduisent chaque année par le festival Migrant’scène, des interventions en milieu scolaire, la mise en places de sorties culturelles ou d’ateliers d’écriture.
Enfin, La Cimade intervient, avec ses partenaires associatifs, pour faire bouger les lignes dans le champ politique et législatif. La récente réforme du droit l’asile et celle du droit des étrangers en cours de discussion sont des projets sur lesquels nos équipes se mobilisent pour que les libertés fondamentales des personnes étrangères soient garanties.