La crise de l’agriculture en général, de l’élevage en particulier est bien réelle, la détresse de paysans qui n’arrivent plus à vivre de leur travail est aussi une réalité. Mais les objectifs de la manifestation de la FNSEA et du CNJA (les « Jeunes Agriculteurs ») de ce jeudi tournent radicalement le dos à toute sortie de cette crise. Les « solutions » de la FNSEA, qui sont exactement les recettes appliquées depuis des dizaines d’année ne peuvent que causer plus de faillites, de disparitions de fermes, de désespoir. C’est, comme le dénonce la Confédération paysanne, un « enterrement de première classe ».
Le déroulement de la journée était parfaitement orchestré : convergence des convois de tracteurs, défilé, rassemblement place de la Nation, rencontre avec Valls, discours et annonces. Les demandes de la FNSEA sont toujours les mêmes : trois milliards d’euros d’investissements, moins de « charges », moins de normes...
Sans surprise, Xavier Beulin, président de la FNSEA, et Thomas Diemer des Jeunes agriculteurs, ont été « entendus » par Manuel Valls tant leurs discours libéraux convergent. Le Premier ministre s’est même fendu d’une déclaration enflammée : « C’est un message d’amour, c’est un message fort et sincère :vous avez le soutien de la Nation ». Il n’a pas eu que des mots, il y a aussi des preuves d’amour à l’égard de cette agriculture capitaliste : il a annoncé des rallonges financières au plan d’urgence pour les éleveurs du 22 juillet et repris à son compte la demande de la FNSEA en indiquant qu’en comptant l’État, la Région et l’Europe, les aides totales aux agriculteurs seront portées à « 3 milliards d’euros en 3 ans ». A côté des promesses d’« année blanche » pour le remboursement des dettes bancaires des agriculteurs en difficulté, de baisse des cotisations, son discours est tout entier centré sur la « mo-der-ni-sa-tion », modernisation des outils de productions avec l’appui de l’Union Européenne, modernisation des outils d’abattage-découpe en augmentant les subventions de l’État.
Sifflets et huées
Enfin, cerise sur le gâteau productiviste et pollueur, Valls entonne à son tour le couplet anti-écologique : « L’urgence, c’est aussi la simplification des normes. Car l’excès de réglementations joue contre nos exploitations dans la concurrence européenne et mondiale. (...) D’ici février – et c’est une pause – aucune mesure nationale allant au-delà des obligations européennes ne sera prise. » Il faut pourtant rappeler que les normes en question servent à garantir une certaine qualité de la production, donc de notre alimentation et de notre environnement.
Le seul imprévu de cette journée réside probablement dans les sifflets et huées d’une partie des manifestants à l’issue du discours de Xavier Beulin qui se félicitait du résultat de la rencontre. Tous n’ont visiblement pas le sentiment d’être « entendus » !
Une fois la tribune démontée, ces mesures, loin de sauver les paysans, éloigneront peut-être provisoirement et pour certains la menace de la faillite, mais globalement elles ne feront qu’accélérer ce que Laurent Pinatel de la Confédération paysanne appelle à juste titre un « énième plan de licenciement de l’agriculture ».
Commission nationale écologie du NPA