Plausiblement, les réactions au sujet des récentes vagues d’opérations terroristes, en particulier celles qui ont visé des positions de l’armée dans le Sinaï, confirment l’ampleur de la crise dans l’opposition égyptienne.
La réaction du régime était, elle, claire et explicite avec des lois d’exception en quantité pour :
* renforcer la poigne de fer des appareils de sécurité,
* lancer une nouvelle vague de répression, d’assassinats, de détention et de torture visant quiconque ose ne serait-ce que faire des commentaires non compatibles avec les versions rapportées par les services de sécurité,
* considérer tous ceux qui s’opposent au régime — pendant que celui-ci est engagé en pleine « guerre contre le terrorisme » — comme traîtres et terroristes. « Qui n’est pas avec nous est contre nous », c’est la même ligne droite depuis George W. Bush et sa guerre contre l’Afghanistan, puis contre l’Irak, jusqu’à Abdel Fattah al-Sisi et sa guerre ouverte contre le peuple égyptien et sa révolution.
Tout cela est logique. Tout système totalitaire utilise le terrorisme comme prétexte pour davantage de répression et pour créer un climat de frayeur nationale hystérique parmi les secteurs populaires les plus larges afin que tout le monde s’aligne derrière le dictateur !
Mais que cette hystérie atteigne les rangs des opposants du régime — libéraux comme de gauche — qui se positionnent ne serait-ce sur le plan théorique contre le coup d’Etat d’al-Sisi et sa contre-révolution, voilà ce qui suscite énormément de surprise et de dégoût.
Il y a ceux qui depuis le début se sont permis de choisir le camp du régime, en dépit de ses crimes, sous le prétexte du terrorisme ou de la peur des Frères musulmans. Ceux-là se sont jetés dans les bras de l’armée et de la contre-révolution dès le début et sans ambiguïté. Même si certains d’entre eux critiquent parfois les excès des forces de sécurité, notamment envers des personnes n’appartenant pas aux Frères musulmans.
Mais il y a ceux qui se tiennent à mi-chemin. Ils rejettent la contre-révolution de la même façon qu’ils rejettent les Frères musulmane. Pour eux, nous sommes donc en présence de deux factions de la contre-révolution : une faction militaire pro-Moubarak vomie et une faction frériste-islamiste également vomie.
Les tenants de cette approche essaient de rester à distance des deux factions belligérantes croyant qu’ils peuvent ignorer tous les affrontements et travailler sur une autre alternative capable de s’opposer avec la même force à la répression et aux politiques du régime militaire, ainsi qu’à tout ce que fait l’opposition islamique.
Evidemment il y a là tout un amalgame entre mouvements islamiques distincts — avec diverses formes d’opposition qu’elle soit violente ou pacifique. Ainsi le terrorisme sanglant dans le Sinaï et une manifestation pacifique dans le village de Nahia deviennent de simples variations de la contre-révolution obscurantiste islamique pas moins dangereuses ou néfastes que la dictature militaire en place.
Cette troisième voie est, bien sûr, sur le plan formel une opposition mais implicitement et sur le plan pratique, elle est favorable au régime militaire.
Les dernières opérations terroristes ont sapé les rangs de cette troisième voie et beaucoup parmi ses éléments sont corps et âme avec l’Etat contre le danger et la sauvagerie de « notre » véritable ennemi, Daesh ! Soudainement ils perdent leur neutralité, même si formelle, vis-à-vis du terrorisme d’Etat et du terrorisme des groupes islamiques pour déclarer « courageusement » la nécessité d’un alignement sur le pouvoir en place et que nous sommes effectivement en état de guerre !
Autrement dit : ils répètent comme de simples perroquets ce que disent le régime et ses porte-voix médiatiques. De ce fait, ils pleurent chaleureusement lorsque des soldats sont tués dans le Sinaï par le « fascisme religieux » perfide, et se figent dans le silence quand des manifestants pacifiques sont assassinés après la prière de l’Aïd !
Une fois de plus nous, les Socialistes révolutionnaires, réitérons que :
* nous rejetons les opérations terroristes, parce qu’elles renforcent davantage notre ennemi principal, à savoir la dictature militaire qui mène la contre-révolution, et lui offrent un prétexte tout trouvé et une arme de propagande pour doubler ses crimes contre les masses populaires et contre tout ce qui symbolise la révolution,
* nous rejetons le terrorisme, même quand il est dirigé contre des symboles du pouvoir, car il rend ce pouvoir plus puissant et a un impact désastreux sur les masses populaires, car le message sera interprété comme : « Nous n’avons pas besoin de vos grèves et sit-in » !
Pour ces raisons, nous sommes franchement et de manière décisive contre toutes les formes d’action terroriste. Mais, dans le même temps, nous n’oublions pas — ou nous ne feignons pas de l’oublier — un seul instant que le terrorisme le plus puissant et le plus dangereux est le terrorisme de la dictature militaire. Et plus précisément que la dictature est la véritable cause de toutes les formes de terrorisme.
La voie pour se débarrasser de Daesh et des groupes similaires n’est certainement pas celle de s’aligner derrière l’Etat d’al-Sisi, qui est le même Etat que celui de Moubarak, ni celle d’une neutralité naïve parfois et complice la plupart du temps envers l’Etat et les mouvements terroristes.
La seule voie révolutionnaire est celle de la redynamisation des armes de la lutte populaire avec des sit-in, des manifestations et des grèves orientés contre une dictature militaire corrompue qui ne nous a ramené que plus de pauvreté, d’oppression, de violence et de terrorisme.
Les Socialistes révolutionnaires
19 juillet 2015