C’est un événement pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et la confirmation que la deuxième économie mondiale veut désormais assumer ses responsabilités dans la gouvernance économique du monde. Mercredi 1er juillet, le premier ministre chinois Li Keqiang, en visite en France, se rend au Château de la Muette, le siège parisien de l’institution, qui rassemble 34 pays économiquement avancés. Il y annoncera l’adhésion de la Chine au Centre de développement de l’OCDE. Ce lieu d’échanges et d’études sur les politiques économiques et les stratégies de développement réunit 26 pays membres de l’OCDE et 21 autres, parmi lesquels le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Indonésie.
« Avec l’entrée de la Chine, nous aurons les BRICS hors Russie », se félicite Mario Pezzini, le directeur de cette structure où économies avancées et pays à revenus intermédiaires sont traités sur un pied d’égalité. Longtemps assimilé à un think tank, le centre a changé de dimension en 1990 avec le départ d’un certain nombre d’Etats qui le jugeaient « trop français » (traduire pas assez libéral) : les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l’Australie et le Royaume-Uni (qui y est ensuite revenu). Parallèlement, les pays émergents y ont fait leur entrée, probablement sensibles au fait qu’il fut l’un des premiers à analyser le phénomène de l’émergence non comme un simple rattrapage, mais comme une redéfinition de l’économie mondiale.
Des relations anciennes
Les relations entre Pékin et l’OCDE sont par ailleurs anciennes. La Chine fait partie depuis 2007 des « partenaires clés » de l’institution. Le Centre de développement a aidé le gouvernement chinois, il y a des années, à monter son premier modèle économétrique. Et ses thèmes de réflexion actuels – les phénomènes sociaux, la productivité, etc. – intéressent Pékin. « Les Chinois savent qu’il y a des tensions dans les pays où ils sont implantés, qu’on leur reproche de travailler en “enclaves”, et qu’ils doivent améliorer la qualité de leurs relations avec plusieurs pays en développement. Les échanges Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud sont très importants. Nous pouvons leur en donner l’occasion », explique M. Pezzini.
Longtemps discrète, la Chine s’implique de plus en plus dans la gouvernance économique mondiale et veut y tenir son rang. Elle est à l’origine du lancement à Pékin, en 2014, de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (Asian Infrastructure Investment Bank, ou AIIB), rejointe par de nombreux pays avancés et émergents. En 2016, pour la deuxième fois de son histoire, elle assurera la présidence du G20 – un groupe composé de 19 pays avancés et émergents et d’un représentant de l’Union européenne – qui représente 85 % de l’économie mondiale.
A défaut de voir réformée la gouvernance du Fonds monétaire international (FMI) pour assurer une moins mauvaise représentation des émergents – la réforme de 2010 est bloquée par le Sénat américain à majorité républicaine –, le gouvernement chinois a obtenu du Fonds l’assurance que sa monnaie, le renminbi, ferait partie du panier de devises composant le système des droits de tirages spéciaux (DTS), cet actif de réserve international créé en 1969 pour compléter les réserves de change officielles des pays membres du FMI.
Le renminbi n’est plus « surévalué »
A l’occasion du déplacement fin mai à Pékin de Markus Rodlauer, l’un de ses dirigeants, le Fonds a salué les efforts des autorités chinoises et de la Banque populaire de Chine, et estimé que le renminbi n’était plus « surévalué » comme le pensent toujours les Américains. A la suite de Christine Lagarde, M. Rodlauer a répété que l’entrée du yuan – l’autre nom de la monnaie chinoise – dans les DTS n’était plus qu’une « question de temps ».
Or le réexamen quinquennal ordinaire des devises entrant dans le DTS est prévu en 2015. Une première discussion informelle doit avoir lieu en juillet, la revue devant être effectuée en novembre. L’entrée éventuelle du renminbi dans le panier des devises retenues par le Fonds doit être approuvée par 70 % du conseil d’administration. Pour pouvoir faire partie du DTS, une monnaie doit être largement utilisée dans les transactions commerciales et financières internationales. Elle doit aussi être « librement utilisable » sur les grands marchés internationaux de capitaux. En 2010, le renminbi remplissait la première de ces conditions, mais pas la seconde.
Claire Guélaud
Journaliste au Monde