Après la victoire du Non en 2005, le débat sur l’Europe semble être retombé. Cela ne donne-t-il pas raison aux détracteurs d’Attac, notamment à gauche, qui soupçonnaient votre association d’être davantage préoccupée de souverainisme français, que soucieuse de construction européenne, cette dernière demeurant toujours aussi libérale ?
Après le très grand coup de collier donné par tous nos comités locaux, le Conseil d’administration, les membres du Conseil scientifique, les membres fondateurs, il était normal que l’enthousiasme retombe un peu une fois la victoire acquise. Il y a sans doute des « souverainistes » à Attac il y a un peu de tout mais je ne vois dans notre campagne rien de souverainiste. Nous nous sommes opposés à une Europe fondée uniquement sur une « concurrence libre et non faussée », une Europe néolibérale qu’il aurait été impossible de changer pendant des décennies. Il ne s’agissait pas du tout d’un repli sur la France et je ne vois pas ce qui, dans notre campagne, a pu vous donner cette idée. Il s’agissait d’une campagne pro-Européenne, pour une autre Europe ; pour une Europe des citoyens et non pas des transnationales et des marchés financiers.
Quelles sont les pistes ou les voies que la construction européenne peut et/ou doit emprunter désormais ?
Les avis diffèrent. Personnellement, je ne pense pas que l’on ait besoin d’une Constitution tout de suite. En Europe nous avons eu un nouveau traité ou des « ajouts » de traité tous les deux-trois ans depuis longtemps. Le peu de chose qui était intéressant dans le TCE peut être ramassé en 3-4 pages et intégré dans la loi européenne. Mais il faut surtout un vaste débat citoyen partout en Europe : les citoyens ailleurs, qui n’ont pas eu un référendum [mais aussi les Espagnols] ne sont pas au courant, n’ont pas eu ce débat.
En France, c’est grâce au référendum sur la Constitution que les citoyens ont compris quelle Europe on leur proposait et espérait leur imposer et ils l’ont rejetée, à juste titre. Ce débat n’est absolument pas mûr ailleurs, sauf en Hollande, et encore. Mais on pourrait tous sans doute être d’accord sur un renforcement du pouvoir citoyen (une vraie initiative populaire pas le simulacre du TCE ; plus de pouvoirs au Parlement ; une Commission beaucoup plus démocratique ; une Banque centrale soumise à l’autorité politique et bien d’autres mesures). J’aimerais bien que plus de personnes poussent à ce que ce vaste débat ait lieu.
Quelles leçons vous tirez de « la crise » interne (qui est allée jusqu’au soupçon de fraude dans les votes de ses membres) vécue par Attac-France ?
Il ne s’agit pas hélas de « soupçons » mais de fraude avérée et prouvée ; chose que même les plus réticents à Attac ont dû maintenant accepter. Ceux qui ont été élus, ceux dont le premier acte a été de réélire Jacques Nikonoff Président, n’étaient pas la majorité légitime et la vraie majorité celle qui aurait existé sans la fraude ne l’aurait pas réélu.
Nous portons plainte auprès du doyen des juges d’instruction car il faut aller au bout ; essayer de connaître l’identité des probablement trois personnes qui ont fraudé et mettre fin aux soupçons qui continuent à nous empoisonner l’existence. La conclusion que je tire ? Limiter les mandats à un seul ; instaurer une présidence collégiale, ne plus donner prise à l’ambition personnelle. Essayer de repartir du bon pied. L’association a été profondément blessée mais les idées qui la gouvernent faire la politique autrement, être une association d’éducation populaire tournée vers l’action, lutter contre la mondialisation néolibérale en France, en Europe et dans le monde tout cela reste d’actualité et anime nos 200 comités locaux et l’immense majorité des adhérents. Personnellement je reste, je vais essayer de contribuer au renouveau d’Attac. Nous sommes en convalescence et serons bientôt complètement rétablis et... d’Attac !