La manifestation était appelée par un collectif nommé Blockupy qui se présente comme un ensemble de militant·e·s issus de courants divers et désireux de construire un front international de lutte contre l’austérité.
Alors que l’Europe s’enfonce dans une crise aggravée par les politiques antisociales imposées par les gouvernements, et que des pans toujours plus larges de la population européenne sombrent dans la précarité, la BCE inaugurait son nouveau siège en Allemagne. Ces gratte-ciels flambants neufs, pour un coût de 1,3 milliards d’euros, ont été érigés par Blockupy en symbole de la « distance qui sépare les élites politiques et financières des populations » (blockupy.org).
Dès le matin tôt, les militant·e·s se sont répartis en cinq groupes distincts destinés à bloquer des points stratégiques d’accès aux bâtiments de la BCE. Au cours de cette manœuvre, des heurts importants ont eu lieu avec la police allemande, arrivée en masse et à grand renfort de canons à eau et gaz lacrymogènes, faisant 21 blessés parmi les manifestant·e·s et plus de 350 inculpations. La manifestation principale a ensuite défilé à partir de 17 h dans les rues de Francfort.
L’appel publié sur le site de Blockupy faisait la part belle à la solidarité internationale, dénonçant les politiques d’austérité brutales imposées aux pays du sud de l’Europe et à la Grèce en particulier. De fait, récemment encore, la BCE s’est opposée au refinancement des banques grecques, piétinant le choix démocratique du peuple grec. Mais le texte élargissait aussi la solidarité aux pays en dehors de l’UE et attaquait l’« Europe forteresse ».
Le discours politique porté par le mouvement insistait enfin sur la nécessité de construire des luttes « par en bas ». Tout cela sur fond d’un discours clairement anticapitaliste : « Ils veulent le capitalisme sans la démocratie, nous voulons la démocratie sans le capitalisme ».
L’appel a largement été relayé dans les milieux de la gauche non institutionnelle en Europe et la présence massive de militant·e·s de tout le continent est une victoire incontestable dans le climat actuel morose de l’Europe où les avancées des mouvements de gauche – en Grèce et en Espagne notamment – ne suffisent pas à masquer la montée d’un nationalisme dans la plupart des pays. Autre fait encourageant : la grande majorité des manifestant·e·s étant des jeunes, il se pourrait que cette mobilisation révèle un processus de radicalisation d’une nouvelle génération militante. Il serait temps en tout cas, car la brèche anti austérité ouverte en Grèce ne pourra battre les politiques ultra libérales de l’Europe que grâce à une mobilisation des populations de l’ensemble du continent. C’est ce que vise le collectif Blockupy qui annonce vouloir « construire un mouvement européen commun ».
Jean Burgermeister & Aude Martenot