Rien n’est réglé au Proche-Orient. Trente-trois jours de guerre ont transformé de vastes zones du Liban en un chaos de ferraille et de béton broyé, coûté la vie à plus de mille personnes (dans leur grande majorité, des civils), fait des milliers de blessés, forcé 700 000 habitants à prendre le chemin de l’exode. Dans le même temps, la population de la bande de Gaza reste soumise à la terreur et au blocus orchestrés par Tel-Aviv.
Mis en échec au pays du Cèdre, ni Ehud Olmert, ni son mentor George W. Bush, n’ont renoncé au sinistre projet en vertu duquel ils auront déclenché l’offensive meurtrière de cet été : le remodelage de la région, au nom du « Grand Moyen-Orient » déjà évoqué à l’occasion de l’invasion de l’Irak, en vue de la soumettre aux intérêts impériaux de la première puissance de la planète et d’en contrôler les ressources vitales. Les guerres déclenchées, à quelques jours d’intervalle, contre le Liban et Gaza étaient, de ce point de vue, liées : tout comme Washington et ses alliés veulent briser toute forme d’opposition à leur stratégie de domination, ils n’entendent pas reconnaître une auto-détermination palestinienne qui viendrait contrarier cette dernière.
À cet égard, si la résolution 1701 du Conseil de sécurité a bien dû enregistrer l’incapacité de Tsahal à démanteler le Hezbollah et, au-delà, à mettre au pas le peuple libanais, elle n’en permet pas moins à cette visée dominatrice de se perpétuer. Certes, il n’est plus ouvertement question de désarmer les forces de résistance au Liban, comme c’était le cas pour la résolution 1559, adoptée en 2004 et sur laquelle s’est fondé le gouvernement d’Israël pour déclencher l’opération « Pluie d’été ». Mais l’agression israélienne n’est pas condamnée, on ne pipe mot des crimes de guerre qui l’ont caractérisée, on attribue implicitement la responsabilité de la guerre à la résistance libanaise, on prétend « aider » l’armée régulière à rétablir son autorité au sud Liban face aux « milices », on « oublie » que Tel-Aviv occupe toujours les territoires libanais de Chebaa ou Kfarchouba et continue à détenir des prisonniers. La nouvelle Force intérimaire des Nations unies (Finul) est même mandatée pour se déployer sur le seul territoire libanais, ce qui témoigne d’une vision coloniale caractérisée.
Voilà pourquoi cette résolution onusienne n’est pas acceptable. Et le gouvernement français, qui a accepté de s’engager dans la Finul renforcée et d’en assumer la direction avant que l’Italie ne prenne la relève, n’est certainement pas le mieux placé pour aider les Libanais à défendre leur souveraineté. Ne participe-t-il pas activement à l’Otan, bras armé de l’hyperpuissance américaine ? Ne possède-t-il pas de nombreux intérêts au Liban, au nom desquels il a activement concouru à l’adoption de la résolution 1 559 et engagé une partie de bras de fer avec le régime de Damas, en parfait accord avec la Maison Blanche ? La puissance opérationnelle des 2 000 soldats qu’il compte déployer sur le terrain (chars Leclerc, canons de 155 mm, système de radar Cobra...) n’est-elle pas inquiétante ?
Si le général Pellegrini, actuel chef des troupes américaines, indique que « le désarmement du Hezbollah n’est pas l’affaire de la Finul », le trouble jeu de la diplomatie française n’en ressort pas moins des propos de Jacques Chirac, sur les ondes d’Europe 1, ce 18 septembre : « Il est normal qu’il y ait un courant politique qui exprime ce que pense notamment la partie Hezbollah de l’opinion libanaise. Ce qui est contestable, c’est que ce soit exprimé par la force. » De quoi susciter immédiatement une tension avec le parti chiite libanais, le maire de Baraachit lançant par exemple cet avertissement : « L’objectif de cette guerre était de s’emparer des armes du Hezbollah, Israël n’y est pas parvenu et si le bataillon français ou la Finul veulent remplir cette mission à la place d’Israël, nous leur infligerons des pertes plus lourdes qu’aux Israéliens. »
Ce n’est pas d’une politique de la canonnière dont le Liban et la région ont besoin, mais de justice et de respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, conditions pour que puisse s’instaurer une paix durable. Au Liban, l’État d’Israël doit, par conséquent, évacuer les terres qu’il occupe, libérer les prisonniers entre ses mains, respecter la frontière et l’espace aérien du pays, verser des indemnités correspondant aux destructions causées. En Palestine, il doit, de la même façon, se retirer de la totalité des territoires occupés en 1967, libérer les prisonniers, reconnaître le droit des réfugiés au retour, afin qu’un État palestinien souverain puisse se constituer avec Jérusalem-Est pour capitale. Et si une conférence internationale devait se tenir, comme l’évoque Chirac, ce devrait être pour faire appliquer toutes les résolutions des Nations unies concernant les occupations de Palestine, du Liban, de Syrie. Si une force de protection des populations s’avérait nécessaire, elle ne pourrait être composée de troupes provenant de pays ayant une responsabilité dans le désastre présent. Autrement dit, les soldats français n’ont rien à faire, aujourd’hui, au Liban...
Nous le dirons avec force, ce 23 septembre, à l’occasion de la journée internationale contre la guerre, qui verra des manifestations unitaires se dérouler partout en France.