Traditionnellement, la participation aux élections européennes est faible en Allemagne. Mais cette fois-ci, la participation a été plus forte qu’en 2009 (47,6 % contre 43 %). Les élections étaient combinées avec des élections communales dans dix régions sur seize (Bundesländer).
Les chrétiens conservateurs (CDU/CSU) d’Angela Merkel n’ont obtenu que 35,3 % comparés aux 37,9 % d’il y a cinq ans. Les libéraux du FDP ont obtenu seulement 3,4 %, comparé aux 11 % en 2009 ! Bien fait pour ce parti clientéliste. Mais l’AfD, l’Alternative pour l’Allemagne, fondée en 2013, qui avait obtenu 4,8 % aux élections fédérales et n’était donc pas entré au Bundestag, a obtenu 7 %. Tout en étant encore plus néolibéral que le FDP, l’AfD est aussi nationaliste, chauvine et élitiste. « Ne pas donner de l’argent aux grecs et aux autres perdants en Europe » était le profil... Ils exigent un maximum d’autonomie de l’État allemand, donc de quitter la zone euro pour séparer monétairement le Nord riche du Sud pauvre. Les leaders de l’AfD argumentent depuis longtemps pour réduire les droits des gens dits « improductifs » (comme les sans-emploi). Ils veulent un État fort, mieux à même de combattre les syndicats, les mouvements sociaux, les minorités discriminées et l’immigration.
Le SPD s’en sort pas mal avec 27,3 % (2009 : 20,8 %), grâce à un discours social et démocratique cachant habilement sa responsabilité dans la politique de la grande coalition sous Merkel, une austérité brutale qui crée la misère pour des millions de personnes en Grèce et d’autres pays concernés. Les Verts, eux, obtiennent 10,7 % (2009 : 12,1 %).
La Gauche doit changer de ligne
Die Linke (La Gauche) a obtenu 7,4 % (2009 : 7,5 %). À cause de la plus forte participation, il a dû récolter plus de voix pour arriver plus ou moins au même pourcentage, mais c’est quand même la stagnation. Dans les sondages au niveau fédéral, Die Linke tourne autour des 10 %, ce qui reste plus faible que son résultat dans les élections fédérales de 2009 (11,9 %).
Die Linke n’a pas articulé la critique et le rejet de la politique de la troïka avec celui du cadre institutionnel de cette UE non-démocratique, pour proposer une alternative claire. Celle-ci aurait dû exprimer une solidarité internationaliste de classe, la volonté de construire des mobilisations internationales massives s’appuyant sur l’auto-activité et l’auto-organisation par en bas pour une autre union politique de l’Europe. Mais Die Linke n’a pas été au-delà d’une proposition de réforme de l’UE donnant plus de droits et de pouvoir au Parlement européen. Die Linke a aussi échoué à mettre au premier plan la situation désespérée de millions de gens à cause de la politique de la troïka, à commencer par la Grèce. C’est cela qu’il fallait mettre au centre de la campagne électorale.
Après la victoire de Syriza en Grèce, il s’agit de corriger la ligne de conduite. Car, avec une droite qui sort renforcée de ces élections européennes, la gauche radicale, elle, ne peut reprendre le devant de la scène qu’en s’appuyant sur la mobilisation et la solidarité de classe.
De Berlin, Manuel Kellner