La crise profite à la gauche radicale. Portée par la figure charismatique du chef de l’opposition grecque, Alexis Tsipras, la gauche de la gauche est en passe, selon les sondages, de dépasser les Verts au Parlement européen, à l’issue du scrutin de dimanche 25 mai. Le nombre des eurodéputés du groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE) passerait, selon les estimations de PollWatch 2014, de 35 à 52, tandis que les Verts, orphelins de « Dany » Cohn-Bendit, chuteraient de 57 à 38 eurodéputés.
C’est dans les pays où la crise et les mesures d’austérité imposées par la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) ont été les plus fortes que la gauche radicale fait ses meilleurs scores. En Grèce, notamment, où le Syriza d’Alexis Tsipras pourrait arriver en tête. Mais les listes de la gauche européenne devraient aussi réaliser de bonnes performances au Portugal, en Espagne, en Irlande et à Chypre
« Une dynamique s’est créée », explique Pierre Laurent, président du Parti de la gauche européenne et secrétaire national du Parti communiste français, qui est à l’origine du choix du pourfendeur grec de l’Europe de Mme Merkel pour être le candidat à la présidence de la Commission européenne. « La Grèce est le pays que les dirigeants européens ont choisi comme cobaye de l’austérité la plus dure », a attaqué M. Tsipras lors du débat entre les chefs de file des principaux partis européens, jeudi 15 mai.
« CELA A PERMIS DE RASSEMBLER DES FORCES DISPERSÉES »
« Cette candidature a éveillé des intérêts nouveaux dans beaucoup de pays européens. Cela a permis de rassembler des forces qui étaient souvent dispersées comme en Italie et en Slovénie », se félicite M. Laurent. Alexis Tsipras dirige également une liste en Italie, où il est accueilli comme une star dans les meetings, mais qui plafonne à 4 %. En Slovénie, les petits partis nés des révoltes contre l’austérité et la corruption en février 2013, ont du mal à s’organiser. Le même phénomène se produit en Espagne autour des formations issues du mouvement des « indignés ». Ces divisions profitent à l’alliance écolo-communiste, soutenue par la gauche de la gauche, qui prospère sur le déclin du Parti socialiste ouvrier espagnol.
Dans les pays scandinaves, les alliés de M. Tsipras peuvent réaliser de bons scores chez les déçus de la social-démocratie nordique. Paradoxalement, en France les doutes sur le pacte de responsabilité de François Hollande et Manuel Valls ne profitent que modérément au Front de gauche, entravé par ses divisions internes.
« NOUS SOMMES DES EUROPÉENS CONVAINCUS »
Mais le choix de M. Tsipras ne porte pas seulement sur sa jeunesse et le symbole qu’il représente. « Il fait reculer les caricatures nous concernant. Nous sommes critiques de la construction européenne actuelle, mais nous sommes des Européens convaincus », assure Pierre Laurent, qui ne désespère pas de faire de la GUE, la troisième force politique devant les libéraux-centristes, ce que ne prédisent pas les sondages.
Il s’agit en tout cas d’une avancée spectaculaire puisque le groupe de la gauche radicale passerait devant celui des Conservateurs et réformistes européens, constitué principalement par les tories du premier ministre britannique David Cameron et de l’ex-premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski. Il devrait également devancer le groupe souverainiste et europhobe de Nigel Farage, le président de UKIP, au Royaume-Uni, et celui que pourrait constituer Marine Le Pen, la présidente du Front national, et le chef de l’extrême droite néerlandaise, Geert Wilders.
Mais le choc provoqué par ces partis d’extrême droite et l’entrée probable des néonazis de l’Aube dorée en Grèce ou du PNB en Allemagne risquent de laisser dans l’ombre la victoire d’Alexis Tsipras et de ses amis.
Alain Salles