Ils devraient être une vingtaine et suscitent bien des convoitises. Les futurs députés européens du Mouvement 5 étoiles de l’Italien Beppe Grillo peuvent constituer un renfort de choix pour des groupes en mal d’influence. Sans attendre le résultat des élections européennes, le 25 mai, deux formations que tout oppose se disputent leurs faveurs : à droite, le United Kingdom Independence Party (UKIP) du Britannique europhobe Nigel Farage et, à gauche, les écologistes européistes de José Bové.
Tandis que les sondages promettent aux « grillini » entre 20 % et 23 % des voix, derrière le Parti démocrate (centre gauche) de Matteo Renzi mais devant Forza Italia (droite) de Silvio Berlusconi, des contacts informels sont en cours entre l’entourage de l’ancien comique et chacune de ces deux formations.
« Un petit côté anarchiste »
Un éventuel rapprochement avec les troupes de Beppe Grillo suscite d’ailleurs un débat discret parmi les écologistes. Sur le départ, Daniel Cohn-Bendit y serait très opposé. Il a déjà traité l’ancien comique de « fou » et n’entend pas salir la réputation des Verts en les associant à une formation anti-européenne. D’autres écologistes ne voient pas les choses sous cet angle. Pour eux, il faut faire la distinction entre le fondateur du Mouvement 5 étoiles, inéligible, et ses futurs représentants à Strasbourg, surtout si ces derniers devaient prendre leurs distances avec leur mentor une fois élus. Cette hypothèse s’est déjà réalisée à Rome où une dizaine de parlementaires du Mouvement ont quitté le groupe.
« Nos positions sur l’Europe s’opposent mais des points communs peuvent être trouvés dans le domaine de l’environnement, au cœur du Mouvement 5 étoiles », remarque un permanent du parti. « Il y a chez Grillo un petit côté anarchiste qui peut expliquer un rapprochement », commente un des responsables du Parlement européen.
Changer la donne
Interrogé sur la question, José Bové, le co-chef de file des Verts pour la campagne, n’entend pas se précipiter. « Le préalable avant toute discussion est de voir si les projets sont compatibles », a-t-il indiqué au Monde sans vouloir « ni infirmer ni confirmer » l’hypothèse d’une alliance, ni le moindre contact. « Il n’y pas de négociations », dit-il, sans cacher qu’il devait aborder la question avec les Verts italiens vendredi 9 mai, à Florence, puis samedi, à Rome.
Tandis que les écologistes devraient passer derrière la Gauche radicale du grec Alexis Tsipras, avec une petite quarantaine d’élus dans le prochain Parlement, un tel renfort permettrait au groupe de limiter la casse électorale. « Cela changerait la donne politique pour les Verts », veut croire l’un de ceux qui plaident pour un rapprochement.
C’est aussi le calcul que peut faire Nigel Farage, le chef du UKIP. Ce dernier ne veut pas s’allier à Marine Le Pen et au Front national, dont il souligne « l’antisémitisme », mais il a fort à faire pour maintenir l’unité de son propre groupe, EFD (Europe of Freedom and Democracy). Certains de ses alliés, comme les Vrais Finlandais, sont tentés de rejoindre les conservateurs britanniques, eux-mêmes obligés de diversifier leurs alliances pour préserver leur groupe. Contrairement aux Verts, Nigel Farage apprécie beaucoup le combat engagé par Beppe Grillo contre l’Europe et sa monnaie unique.
Philippe Ricard