A
Elias Sanbar, l’ami palestinien
François Maspero, globe-chroniqueur (p)artisan
Michel Surya, éditeur mécréant
A
Paolo Persichetti,
promeneur de cour de prison,
livré sur lettre de cachet à l’injustice italienne,
otage de deux déraisons d’Etat,
embastillé grâce à la coopération de la République thermidorienne française.
Les vases brisés
« Les vases étant brisés, les lumières se sont dispersées »
G. Scholem
« Tout se brise en morceaux et ces morceaux se brisent eux-mêmes en mille autres. »
W. Benjamin
Nausées. Ça pue. Ça schlingue. Ça daube un max. Quelque chose de pourri se décompose dans la République. Controverse passionnelles autour de la loi sur les signes religieux à l’école, divisions amères dans le mouvement des femmes, rumination des culpabilités coloniales, polémiques et crises de nerf sur le cas Tariq Ramadan, prolifération des judéo-islamo-homo-hétéro et autres phobies, névroses du soupçon, angoisses du complot : la concurrence libérale « non faussée » déchaîne le sauve-qui-peut et le chacun-pour-soi. Tribus contre tribus, chapelles contre chapelles, ethnies contre ethnies. Et Dieu, s’il en est encore capable, reconnaîtra les siens.
Plus on célèbre à grands bruits l’égalité et la fraternité républicaines, plus elles foutent le camp. Plus on se gargarise de citoyenneté, plus elle devient introuvable. Plus on en appelle au civisme, plus déferlent « les eaux glacées du calcul égoïste ». Paniques identitaires d’un côté, tentations autoritaires d’une République fouettarde de l’autre : la spirale mortifère s’emballe.
Impuissances ressassées, déceptions ruminées, aigreurs recuites : le monde finira peut-être par étouffer de ses vomissements, ou par crever d’une overdose mémorielle. Comme s’il oubliait l’impossibilité de vivre sans oubli [1].
Fragmentation. La loi contre le port du voile islamique semble avoir mis le feu aux poudres et relancé la « guerre des identifications ». Il y a belle lurette que la mèche était allumée. Depuis quand, au juste ? Pas facile de remonter le fil des reniements et des occasions manquées.
Depuis le 11 septembre 2001 et la diabolisation de l’Islam au nom d’une guerre (non déclarée) des civilisations (du Bien contre le Mal) ?
Depuis ces lois des suspects contre les étrangers de l’hiver 96-97, qui criminalisaient les sans papiers et stigmatisaient la figure inquiétante de l’irrégulier ? Ces mesures avaient provoqué la manifestation géante du 17 février, grosse de confiance et d’espoir pour les immigrés, presque aussitôt déçus par les renoncements de la gauche revenue au gouvernement. Dans la ferveur d’une soirée de meeting au Zénith, Lionel Jospin avait même promis d’abroger les lois Pasqua-Debré sur l’immigration, engagement confirmé en mai 1997 par le programme électoral socialiste.
Depuis les capitulations de la gauche plurielle, quand, au lieu de profiter de l’élan électoral pour régulariser les sans-papiers qui en faisaient la demande, les lois Chevènement les plongea dans un no man’s land juridique, mettant hors la loi des dizaines de milliers d’étrangers « en situation irrégulière » ?
Depuis le détournement, par le lancement médiatique de SOS-Racisme, des revendications portées l’année précédente par la Marche pour l’égalité (dite Marche des Beurs) ? Et l’étouffement d’un mouvement autonome émergeant de l’immigration ?
Depuis les élections de Dreux et la percée du Front national (favorisée en sous-main par les calculs électoraux de l’Elysée), faisant des immigrés les bouc-émissaires de toutes les frustrations et souffrances sociales ?
Ou encore, depuis la désastreuse bavure sémantique de Pierre Mauroy, lorsque, Premier ministre, il dénonça en 1983 la grève des travailleurs de Citroën-Aulnay comme une « grève islamiste », transformant ainsi une lutte sociale en affaire confessionnelle ? Ce coup de canif - ou de rapière - dans la culture de gauche annonçait le « bruit et l’odeur » version Chirac.
Enterré, le droit de vote des immigrés, exclus de surcroît d’une « citoyenneté européenne » réservée aux « citoyens communautaires » ! De promesses non tenues en mensonges électoraux, d’humiliations en stigmatisations, il ne faut pas s’étonner que des populations socialement marginalisées, enfermées dans le cercle des méfiances d’Etat, fragilisées par des législations discriminatoires, reléguées dans un espace intersticiel, pas encore d’ici et déjà plus d’ailleurs, finissent par s’interroger sur les racines d’un déni aussi obstiné de leurs droits égaux de citoyens.
A ces éconduites répétées, s’ajoute la réfraction dans la société française du conflit israélo-palestien. Il est ouvertement instrumentalisé par des organisations communautaires comme le Crif qui prétend transformer « les juifs de France » en pseudopodes et gardes-frontière de l’Etat sioniste. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour que la fracture sociale entre la République et ses immigrés (par la ségrégation spatiale, scolaire, juridique) se double d’une fracture culturelle et civique. Non pas une cassure franche, en deux morceaux clairement découpés, mais une fracture multiple, un éclatement centrifuge, une fragmentation étoilée, une discordance et une disjonction généralisée.
Négationnisme (post)colonial. Le 5 mars 2003, la présidence de l’Assemblée nationale enregistrait la proposition de loi 667 déposée par plusieurs députés, dont Douste-Blazy. Ses attendus sont explicites :« L’histoire de la présence française en Algérie se déroule entre deux conflits : la conquête coloniale, de 1840 à 1847, et la guerre d’indépendance qui s’est terminée par les accords d’Evian en 1962. Pendant cette période, la République a cependant apporté sur la terre d’Algérie son savoir-faire scientifique, technique et administratif, sa culture, sa langue, et beaucoup d’hommes et de femmes, souvent de condition modeste, venus de toute l’Europe et de toutes confessions ont fondé des familles sur ce qui était alors un département français. C’est en grande partie grâce à leur courage et leur goût d’entreprendre que le pays s’est développé. C’est pourquoi il nous paraît souhaitable et juste que la représentation nationale reconnaisse l’œuvre de la plupart de ces hommes et de ces femmes qui, par leur travail et leurs efforts, et quelquefois au prix de leur vie, ont représenté pendant plus d’un siècle la France de l’autre côté de la Méditerranée. »
La loi votée le 23 février 2005 prescrit l’enseignement d’une histoire officielle de la colonisation dans les écoles [2] : « Article 4 : Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». La version initiale osait proclamer la reconnaissance publique de « l’œuvre positive » de l’ensemble de nos concitoyens ayant vécu en Algérie pendant la « présence française ». Effacés les enfumades, le Code de l’indigénat, les bombardements de Sétif, les tortures et les corvées de bois [3]. Comme au bon vieux temps, la colonisation est euphémisée en « présence française », généreuse et bienfaitrice.
La reconnaissance légitime des torts faits aux harkis et à leurs familles sert ainsi de prétexte à un blanchiment de mémoire, au profit d’une réhabilitation apologétique de la République missionnaire. Le pouvoir politique en profite pour dicter son histoire officielle aux historiens et aux enseignants. Version tricolore du « bilan globalement positif » [4].
Missions. Ravalés les sanglots longs de l’homme blanc, apaisée sa culpabilité, séchées ses larmes de crocodile. Cette restauration d’une bonne conscience occidentale décomplexée fait écho à la nouvelle marche des légions bushiennes. Elle conclut un long travail entrepris dès le lendemain de la défaite américaine au Vietnam et le début de la contre-offensive libérale des années 1980 [5]. Pascal Brückner, à peine revenu des désordres amoureux de sa jeunesse à l’ordre musclé de la domination, réduisait alors le tiers-mondisme à une tocade intellectuelle : « Le glissement de l’anti-colonialisme de l’après-guerre au tiers-mondisme des années soixante fut le passage de l’allergie à soi-même à l’effusion envers les tropiques régénérateurs ». Ce fut aussi « un a priori de culpabilité d’Européens élevés dans la haine de nous-mêmes et saisis pour la cause des opprimés de frissons proches du spasme, à la manière de jeunes filles bourgeoises ». Le macho désinhibé perçait sous le colonisateur décomplexé. Ringardisés d’un seul et même coup Sartre et Beauvoir ! Folkorisé, Fanon ! Aux oubliettes, la Tricontinentale ! Mieux valait pourtant avoir raison avec Sartre, que d’avoir tort à la fois avec Aron et avec Brückner.
Sous le règne de Reagan et de Thatcher, l’heure de gloire sonnait enfin pour les gagnants et les vainqueurs de la restauration libérale [6]. En mars 1985, parut dans la presse, en publicité payante, un surprenant Appel à la guerre (« préventive » déjà) contre une menace totalitaire au Nicaragua (qui avait pourtant organisé l’année précédente des élections pluralistes sous haute surveillance internationale). Au nom d’une (éphémère) Internationale de la Résistance, ses signataires apportaient leur soutien martial à la « contra » d’Amérique centrale, financée et encadrée par les instructeurs du Pentagone au nom de la défense de l’Occident bien plus que des droits de l’homme : « Si vous échouez au Nicaragua, nous sommes en droit de vous demander : où allez vous échouer la prochaine fois. Le monde attend votre réponse, ses ennemis aussi [7] ». Cette esquisse du « choc des civilisations » était paraphée de Jean-François Revel, Bernard-Henri Lévy, Eugène Ionesco, Pierre Daix, Emmanuel Le Roy Ladurie, le couple Broyelle revenu de son nirvana maoïste.
Tout ce que Paris compte de retournés et de repentis ! Tous missionnaires et va-t-en guerre. Fiers de l’avoir été et de l’être encore. Fidèles aujourd’hui à Bush le fils, comme ils le furent à Bush le père, et le seront sans défaillance au Saint Esprit de la mondialisation armée.
Universalisme de marché. D’après la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, les actes et menaces racistes ou antisémites recensés auraient presque doublé entre 2003 et 2004. Pourtant, le nombre de personnes estiment qu’il y a en France trop d’étrangers ou d’immigrés recule. Une majorité continue cependant à considérer avec méfiance la religion musulmane. Les incidents islamophobes progressent et représentent un cinquième des violences racistes contre un dixième deux ans auparavant. Si 77 % des personnes interrogées estiment que les musulmans sont « des français comme les autres », 47 % refusent de faciliter leur culte, et 35 % ressentent leur religion comme négative (contre 21 % pour la religion juive et 16 % pour le catholicisme).
Les replis identitaires, les appartenances vindicatives, l’exaltation des différences exclusives viennent de loin. Leurs (dé)raisons sont multiples. Elles résultent de la contre-réforme libérale initiée à la fin des années 1970, du déchaînement de la compétition sur le marché de l’emploi, de l’individualisation salariale au nom du mérite, du cumul des ségrégations sociales, urbaines, scolaires. La socialisation, par le travail et l’école, est en panne. La désagrégation et la désaffiliation l’emportent [8]. Selon les rapports annuels du Programme des Nations Unies pour le Développement, les inégalités, loin de se résorber, se creusent, entre Nord et Sud, entre pauvres et riches, entre hommes et femmes, laissant des régions entières à l’abandon.
Critiqué sur sa gauche, souvent à juste titre, l’universalisme abstrait, est confisqué par la logique de la mondialisation libérale au profit d’un cosmopolitisme de marché qui produit de l’uniforme plutôt que de l’universel. Les réactions à cette uniformisation des cultures et à l’écrasement des diversités prennent souvent une tournure identitaire. La dissolution de la lutte des classes dans le potage post-moderne élimine les médiations susceptibles de nouer des solidarités nouvelles, de rassembler les luttes contre les oppressions, d’inscrire les résistances particulières dans un horizon commun d’émancipation. Comme si le point focal, vers lequel pourraient converger différentes attentes, s’était évanoui.
Il y a deux issues opposées à la crise provoquée par cette éclipse de la raison stratégique. Celle, invoquée par Régis Debray, de « l’effet Clochemerle de la mondialisation », d’un retour en-deça du national, aux chaumières et aux terroirs, aux chapelles et aux clochers. Ou celle d’un nouvel internationalisme, d’un au-delà du national, qui transforme le particulier sans l’abolir dans une universalité vide.
Lumières crépusculaires. Les désillusions du siècle des extrêmes, le désenchantement de la modernité rugissante, les expériences ambivalentes du progrès et les apories de l’émancipation se lient en gerbe dans une critique à l’emporte-pièce de l’universalisme dominant. Sous les pavés, la plage, sous la plage la grève. Sous le masque avenant de l’universel, consensuel et confraternel, les oppressions sociales, sexuelles, raciales. Sous le cosmopolitisme sans frontières, l’universalité confisquée par l’humanité blanche, virile, et conquérante. Pour Marie-Hélène Bourcier, l’universel est ainsi nécessairement homogénéisant, uniformisant, normatif. L’alibi de la domination et la négation de toute différence [9].
La dénonciation, désormais presque banale, des mystifications de « l’universalité abstraite », du « chauvinisme de l’universel » comme déguisement d’intérêts très particuliers, de « l’universalisation arbitraire de la culture dominante », est souvent pertinente. Mais l’abstraction peut-être aussi un passage nécessaire vers le concret. Les opprimés - Olympe de Gouges, Gracchus Babeuf, Toussaint Louverture - ont su comment investir les contradictions de cette universalité mutilée, et les travailler dans le sens d’une universalisation concrète, d’un devenir universel, d’une universalité à-venir. Affirmant que « les dominés ont intérêt à l’universel [10] », Abdellali Hajjat en revendique ainsi une conception hétérodoxe. A rebours de la critique nihiliste postmoderne, il soutient avec Edouard Saïd que, d’un point de vue anti-impérialiste, les « universalisables », que sont l’égalité, la liberté ou la justice, ne sont pas le privilège exclusif de l’Occident, mais peuvent devenir l’objet d’un réel partage [11].
Clair-obscur. Aux prises avec les broussailles envahissantes de la folie et du mythe, Walter Benjamin comprit très tôt qu’une raison rigide et bourgeoisante ne pourrait jamais l’emporter sans un impitoyable retour critique sur elle-même. Il s’engagea ainsi dans une voie où, « simplement, tout est plus compliqué ». Le « matérialisme historique » orthodoxe partit dans une autre direction, arc-bouté sur les tranchées du rationalisme classique. Célébrant en 1937 le tricentenaire du Discours de la méthode, Georges Politzer se réjouissait que son parti (communiste) ait pris la tête des célébrations. A l’heure des fronts populaires, en philosophie comme en politique, Descartes c’était déjà la France ! La République, la Raison, la Méthode, c’était tout un [12].
Benjamin, comme Gramsci, partagea avec Péguy une critique mélancolique de la raison. Dans cette affaire, il y va, bien sûr, de la raison et de ses déraisons, de sa puissance instrumentale et de ses humaines défaillances. Car la raison, soupirait tristement Husserl aux heures ténébreuses du siècle, est « un vaste titre ».Elle est multiple, intermittente, capricieuse parfois. Elle peut même se montrer versatile et infidèle. Péguy s’efforça de briser son pacte redoutable avec l’Etat, car « en aucun sens la raison n’est raison d’Etat ». Elle ne veut, ni n’accepte l’obéissance. Elle ne fait pas la guerre à la déraison. Elle n’a pas besoin d’autels, ni de prêtres et de prières : elle « ne veut aucune Eglise. Et ce serait « la faire déraisonner » que de l’idolâtrer [13].
Mais, s’il faut combattre le fétichisme de la Raison majuscule, ce n’est pas pour la renier. C’est pour la libérer de ses icônes et de ses statues. Pour mieux rassembler ses lumières dispersées, chancelantes, vacillantes comme la flamme d’une bougie. Plus de Lumières blanches, crues, aveuglantes, d’éclairages agressifs au néon ou à l’hallogène, mais des lumières tamisées par de vieux abatjours, ou même un clair-obscur de Georges de la Tour, voire simple feu follet dans la pénombre du présent. Cela vaudra encore mieux que l’obscurité totale et le couvre-feu du New Age.
Avant le seuil. Une séquence historique s’est achevée avec le renversement du Mur de Berlin, la désintégration de l’Union soviétique, les guerres du Golfe et des Balkans. Mais laquelle ? Certains considèrent « le court vingtième siècle » comme une brève parenthèse refermée. Retour à l’éternité marchande, à la concurrence qui adoucit des mœurs, et aux philosophies libérales. Ce qui s’achève est pourtant quelque chose de plus vaste, de plus longue durée. C’est toute une époque épuisée. Celle du paradigme politique de la modernité et de ses catégories (de souveraineté, de peuple, de territoire, de nation, de propriété), dans lesquelles ont été pensées et pratiquées les stratégies politiques depuis plus de trois siècle. Celle de la rationalité classique qui s’est agencée, au tournant des seizième et dix-septième siècle, avec les révolutions scientifiques galiléennes et newtoniennes, avec les révolutions politiques anglaise et hollandaise, avec les révolutions philosophiques et logiques de la méthode et de Port-Royal, avec l’avènement de la calculabilité de l’économique et du social.
Les malaises, les mal-être, les troubles et les crises du présent sont le signe d’une transition incertaine, d’un passage vers un continent de pensée encore embrumé. Il y a plus de trente ans, Henri Lefebvre s’interrogeait déjà sur l’avenir de ce monde en métamorphose : « La marchandise (le marché mondial) occupera l’espace entier. La valeur d’échange imposera la loi de la valeur à la planète entière. En un sens, l’histoire mondiale ne serait-elle que celle de la marchandise ? Poussée à l’extrême, l’hypothèse permet de formuler les objections. De même en ce qui concerne l’espace. A la limite, l’Etat produira-t-il son espace, l’absolu politique ? Ou verra-t-on la disparition, dans et par le marché mondial, de l’Etat-Nation, de son espace politique absolu ? Par autodestruction ? Par dépassement du dépérissement ? L’un ou l’autre ? L’un et l’autre ? [14] » Le moment vient d’explorer les agencements d’un nouveau paradigme, d’inventer les concepts d’un espace politique en fusion, de relancer les dés de la raison stratégique. Il faudrait pour cela être capable de changer de regard sur l’ordre du monde, de renoncer à la vision panoptique pour multiplier angles et prises de vue.
Nous n’en sommes pas au point de conclusion, de fermeture, « dans la fade béatitude des quiétudes mortes », celle de la mondialisation heureuse selon Alain Minc, ou d’un monde pacifié selon Georges Bush. Nous n’en sommes pas à la fin annoncée de l’histoire, des idéologies, des révolutions. Nous en sommes à la fin des fins. Au préliminaire, au préalable de l’émancipation, au nécessaire non suffisant. « Avant le seuil », disait Péguy [15]. Pas même. A peine sur le seuil du seuil.
Notes
1. Nietzsche, Considération inactuelle II, Paris, Folio, 1992, p. 97.
2. Des professeurs d’histoire ont pris l’initiative de répondre à cette loi obscène par une pétition exigeant son abrogation (voir « loicolonies.secondaire laposte.net »).
3. Sur les crimes et massacres coloniaux, voir, outre les travaux historiographiques de Benjamin Stora et Mohamed Harbi, le Saint-Arnaud de François Maspéro, Les massacres coloniaux d’Yves Bénot (Paris, La Découverte, 2001), Coloniser, exterminer, d’Olivier Le Cour Grandmaison (Paris, Fayard, 2005).
4. Une réaction coloniale en stimulant une autre, la municipalité de Marignane dresse une stèle à la mémoire des assassins de l’OAS.
5. Pascal Brückner, Le sanglot de l’homme blanc, Paris, Seuil, 1983. Daniel Bensaïd, « Les nouveaux missionnaires » in Critique communiste n°43, Paris 1985.
6. André Glücksman apportait aussi sa pierre à la catharsis post-coloniale : « Le colonialisme est dépassé, mais pas moins que les exclusivismes nationalitaires qui balkanisent la planète » (Le Point, 25/03/1983). Depuis, l’ex-nouveau philosophe est devenu plus compréhensif envers les Croates ou les Tchétchènes.
7. Le Monde, 21 mars 1985.
8. Voir ContreTemps n°13, « Cité(s) en crise », Editions Textuel, printemps 2005.
9. Marie-Hélène Bourcier, Sexpolitiques, Paris, La fabrique, 2005.
10. Abellali Hajjat, Immigration postcoloniale et mémoire, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 50.
11. Ibid, p. 125.
12. Voir Georges Politzer, La philosophie et les mythes, Paris, Editions sociales, 1969. A l’époque de la guerre froide, Georges Lukacs reprit le même fil dans un mauvais livre Die Zerstorung des Vernunft, Berlin 1953 (Le crépuscule de la Raison : la trajectoire de l’irrationalisme de Schelling à Hitler). Livre de combat, mauvais livre sans doute, mais un mauvais Lukacs est encore à cent coudées d’un « bon » Luc Ferry ou d’un « bon » Comte-Sponville. Ils ne jouent pas dans la même division.
13. Charles Péguy, De la Raison, Paris, Folio, 1993.
14. Henri Lefebvre, La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974.
15. De la Raison, op.cit. p.74.